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6 raisons pour lesquelles la génération Y a (presque) perdu son optimisme

Alors que ma génération a grandi avec le chômage de masse, la menace terroriste et écologique, le divertissement nihiliste et le spectacle journalistique morbide, je ne peux que comprendre le mal être que celle-ci me témoigne au quotidien.
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6 raisons pour lesquelles la génération Y a (presque) perdu son optimisme
jeffbergen via Getty Images
6 raisons pour lesquelles la génération Y a (presque) perdu son optimisme

Je fais partie de cette génération née à partir des années 80, qui, arrivée à l'âge adulte dit souvent chercher un sens à donner à sa vie, un lifestyle qui donnerait du cachet à son quotidien, une lutte à mener pour ne pas considérer son existence aussi vaine.

Il n'est pas rare en effet, qu'autour de moi on me confesse le mal de vivre de ma génération, à qui on rappelle au quotidien les fléaux de son époque, dans laquelle, chômage, terrorisme et précarité son devenus des hashtags de préoccupations quotidiennes et à qui un certain nihilisme inconscient rend parfois plus difficile de pouvoir regarder le futur avec davantage d'optimisme.

Alors que notre génération a vécu la hausse du niveau de vie, de l'éducation et du confort matériel, pourquoi avons-nous tant de difficulté à espérer?

Eléments de réponse:

Le mythe de l'épanouissement individuel

Si nous n'avons pas connu mai 68, nous sommes indirectement les héritiers de cette époque.

Cette révolte populaire qui était une réaction au capitalisme moderne, patriarcal et autoritaire a fait émerger une volonté de subversion, une quête du plaisir et de la jouissance individuelle à tout prix.

Le souci, comme souvent avec les mouvements populaires, c'est que celui-ci a très vite été rattrapé par le Marché, qui s'est empressé de récupérer cette avidité à jouir sans entraves, pour ériger la consommation en fer de lance de cette doctrine révolutionnaire.

La publicité et la fiction nous ont depuis incités au quotidien à consommer toujours davantage, à rechercher le plaisir individualiste, quitte à le faire au détriment d'autrui, comme s'il n'existait pas de limites, et surtout comme si notre bonheur ne dépendait pas de celui de ceux qui nous entourent.

Casser les codes pour consommer davantage

Pour nous faire consommer toujours plus, et profitant de cette vague révolutionnaire de 68, le Marché, aidé par ce divertissement abrutissant de certains médias, a entrepris de casser les codes, la famille, les valeurs, les repères, les croyances, le bien, le mal, tout ce qui permettait à chacun de se sentir intégré dans un groupe et valoriser sa condition, sa classe sociale.

On a ainsi ridiculisé les plus pauvres notamment, leurs maux, leurs peurs. Craché sur leur culture, cassé leurs codes religieux, leur rîtes, leurs croyances populaires, et diminué leur éducation. Le tout pour pouvoir les manipuler plus aisément, les empêcher de penser, de critiquer et les rendre plus dociles à gouverner, et en la matière Bourdieu a tout dit dans La Distinction39.

Eriger l'exceptionnel en norme

Avec l'avènement de la domination culturelle venue d'outre atlantique, les moyens de communication de masse mis à son service ont par la suite cimenté le culte de la célébrité, nous ayant converti en une génération d'admirateurs fanatiques.

Ils nous ont donné en pâture des rêves narcissiques de gloire et de renommée, encourageant l'anonyme à s'identifier aux gens célèbres, à vouloir posséder toujours plus que les autres, à haïr le "troupeau" comme le dit très bien Christopher Lasch, dans La Culture du narcissisme, et lui rendant ainsi difficilement tolérable la banalité de l'existence quotidienne, attitude que l'on peut aussi tenir en partie responsable de la radicalisation de nos jeunes.

Une réalité aujourd'hui devenue exponentielle avec l'avènement des réseaux sociaux, et l'opulence notamment de ces célébrités à qui l'on donne tout pour pouvoir frustrer le plus grand nombre.

Enfin, "l'infotainment" nous a lobotomisés avec ce grand spectacle organisé de la mort, où chaque jour on passe les images les plus trash en boucle pour choquer, faire peur, empêcher de réfléchir et rendre toujours plus anxieux.

Les opposer grâce à la méritocratie

Pour justifier cette opulence de certains et légitimer les privilèges que celle-ci leur procure, le marché a dû ajouter certaines cordes à son arc idéologique.

Il a alors entrepris de décréter la méritocratie comme étant à l'origine de ces mêmes privilèges.

Ainsi, le style de vie de ceux que l'on est habitué à regarder du bas vers le haut se voit désormais légitimer par le talent, les études financées, le socle culturel, les codes de la communication et du langage. Tout un ensemble de propulseurs sociaux, qui s'acquièrent quasi exclusivement par l'héritage et qui permettent de séparer plus facilement l'élite de la populasse.

Pas étonnant que les Y s'y soient perdus.

De l'hyper compétitivité à l'insuffisance

Alors forcément cette fracture sociale génère de la révolte.

Pour la faire patienter, dans les médias, gouvernants et économistes complices, nous font miroiter au quotidien un retour du plein emploi et de l'ascenseur social, à condition de réussir à re-gagner en productivité. Ils ont entrepris une communication de frustration et d'insuffisance pour nous rendre toujours plus désabusés et résilients.

On nous explique désormais que nos compétences sont désuètes, que nos contrats sont trop contraignants, nos journées trop courtes et que seule une plus grande flexibilité (...précarité?) permettrait le retour à cette croissance messianique tant attendue.

Alors que la vérité se trouve ailleurs, que nous sommes la 6 économie la plus compétitive, que nos compétences sont reconnues mondialement, que les nouvelles technologies ont permis ces 30 dernières années de faire un bond jamais vu auparavant en terme de gains de productivité, mais surtout que leur objectif est principalement de créer une pression sociale supplémentaire sur les travailleurs, en témoignent la remise en cause de la loi Travail et ses conséquences.

Le retour de bâton de la croissance

Alors qu'hier encore notre premier ministre déclarait face au parlement que la croissance était la priorité de ce quinquennat, on ne peut qu'observer une fois de plus le manque d'honnêteté intellectuelle de la part de notre classe dirigeante, qui mène forcément à la résignation de notre génération.

Comme s'accordent à dire tous les économistes sérieux, la course à la croissance économique ne sert qu'à payer les intérêts d'une dette accumulée, qui nous a été imposée par le traité de Maastricht. Cette obligation pour l'état de se financer sur les marchés privés est même à l'origine de tous nos maux. Il s'agit d'un pillage d'état organisé pour permettre l'accumulation des richesses et continuer à faire prospérer la finance amorale.

Mais surtout cette course pour plus de croissance est en réalité une course vers l'abîme climatique.

Si la COP21 s'est donnée l'ambition d'éviter la catastrophe, la vérité que cachent les rapports de l'IPCC c'est surtout que pour sauver la planète il nous faudra être beaucoup plus exigeants. Et que seule une décroissance de 4 à 6% par an permettra de réussir à réduire les émissions de CO2 de façon à respecter les recommandations de la COP21.

A ces évidences, nos gouvernants préfèrent continuer de répondre par la responsabilisation individuelle, une fois de plus, nous faisant croire au mythe de l'état trop dépensier. Tout est bon pour faire diversion, pour ne pas avoir à admettre que seul l'effacement de la dette et la conséquente dévaluation des plus grandes richesses permettra le retour à l'humain dans la politique.

Quel idéal pour la génération Y?

Alors que ma génération a grandi avec le chômage de masse, la menace terroriste et écologique, le divertissement nihiliste et le spectacle journalistique morbide, je ne peux que comprendre le mal être que celle-ci me témoigne au quotidien.

Et pourtant nous sommes sûrement la génération qui aura le plus à faire pour notre espèce.

Notre siècle sera celui de la quête de l'indépendance énergétique, celle d'un retour au collectif, indispensable pour résorber la fracture sociale qui nous menace à plusieurs niveaux.

Mais surtout, ce siècle sera celui de la fin du travail. Notre génération devra pour la première fois de notre civilisation envisager un monde sans travail, dans lequel robots et logiciels viendront très vite nous substituer aux tâches les plus ingrates, tout comme à la majorité des autres jobs, et nous obligera, de fait, à réfléchir à ce que nous voulons faire de tout ce temps libre.

A l'inverse de ce qu'essayent de nous faire croire nos gouvernants, il ne s'agira pas de travailler plus, mais au contraire de cesser de travailler, ou tout du moins de ne plus avoir à le faire par obligation.

Notre génération devra penser le revenu universel, canaliser les forces vives, les ambitions de chacun vers des activités peu ou pas rémunérées mais qui apporteront du progrès aux individus comme aux communautés, dans le social, les services et la recherche, notamment.

Un monde nouveau, qui est le nôtre et qui nous reste à re-dessiner!

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