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Le combat d'une franco-israélienne pour la paix

Yaël Armanet est de ces femmes qui agissent d'un bout à l'autre du monde pour faire bouger les frontières et qui arrivent parfois à mener les montagnes à se déplacer.
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Yaël Armanet est de ces femmes qui agissent d'un bout à l'autre du monde pour faire bouger les frontières et qui arrivent parfois à mener les montagnes à se déplacer.

Depuis la sortie de son livre Haïfa-Jénine, Après le silence (Le Passeur éditeur), la presse surtout chrétienne et juive a consacré des pages à l'héroïne du film du réalisateur allemand Markus Vetter, "After the silence" - Après le silence, réalisé par ses deux assistantes Jule Ott et Steffi Büger: Yaël Armanet-Chernobroda, veuve de l'architecte israélien Dov Chernobroda tombé dans l'attentat-suicide du 31 mars 2002 à Haïfa au restaurant Matza. Dix ans après l'attentat, elle accepta de se rendre avec l'équipe de cinéma allemande à Jénine (Cisjordanie), rencontrer la famille du jeune terroriste kamikaze, Shadi Tobassi, en particulier sa mère, tous ayant accepté l'enjeu du film.

Depuis près d'une dizaine d'années, Yaël Armanet se bat pour la paix aux côtés de nombre de familles de victimes d'attentats regroupés dans l'association Forum, avec son indéfectible amie et sœur de combat, Bluma Finkelstein.

L'enfance de Yaël fut marquée par la mort de sa mère à l'âge de 29 ans "d'un cancer foudroyant du cerveau", alors qu'elle n'avait que trois ans et demi et Dov fut assassiné alors qu'ils ne vivaient ensemble que depuis trois ans et demi.

Ce livre raconte sous forme d'un dialogue avec Dov interrompu par sa mort, la vie de Yaël depuis l'assassinat. Elle lui narre les préparatifs du film et ses lendemains, ses rencontres, ses larmes et ses joies, ses combats, sa vie jusqu'à aujourd'hui. Dov était depuis si longtemps un partisan actif du dialogue avec les Palestiniens, répondant sans hésiter en pleine période où les relations étaient bannies entre les deux peuples, à l'invitation d'Arafat de venir le rencontrer chez lui.

Yaël Armanet est devenue un grand témoin (pourquoi n'y a-t-il pas de féminin dans notre langue à témoin alors que tant de femmes dans l'histoire l'ont été de façon admirable, témoin?) du dialogue entre Israéliens et Palestiniens sur fond de guerre, d'assassinats, de mensonges de la part des instances palestiniennes toutes confondues, autant que d'indifférence, d'ignorance foncière de la part de presque tous les gouvernements israéliens, à l'exception de celui d'Itzhak Rabin, qui le paya de sa vie, de celui de Shimon Peres et Ehud Barak qui lui succédèrent sans pouvoir apporter la paix - car il n'y avait personne en face d'eux pour faire la Paix.

Rompre la douleur, la stupeur, l'incompréhension qui ont fait suite à l'assassinat de l'être aimé, relève d'une force intérieure, mais aussi du refus de la peur, du refus de la stigmatisation de l'autre. Yaël Armanet sait que si les enfants ne portent pas la faute des parents, selon le principe biblique cardinal, les parents ne portent pas non plus la faute des enfants.

Les pages où elle raconte son premier échange téléphonique (après des échanges préalables avec l'équipe allemande du film) avec le père de Shadi, Abu Amjad, qui eut lieu en hébreu, sont impressionnantes de force, d'émotion contenue, de témoignage aussi de son engagement pour la paix.

La veuve et la mère éplorée s'étreignant sont une image du film, mais d'abord de la vraie vie que l'on ne peut oublier. Yaël raconte ici cette improbable, mais extraordinaire rencontre, qui porte en elle l'espoir que la fraternisation entre les deux peuples ennemis n'est pas impossible.

Ce livre est donc le récit d'une militante pour la paix et pour la construction d'un État palestinien indépendant et viable, même si elle ne se leurre pas sur l'obsession des plus fanatiques, de renvoyer les Juifs à la mer.

Obsession qui a son pendant chez les plus fanatiques des sionistes. Bien sûr ces extrêmes ne voient pas que l'extermination d'une partie entraînerait l'extermination de l'autre partie. C'est toute cette histoire de ténèbres et malgré tout d'espoir que raconte Yaël Armanet dans ce poignant ouvrage Haifa-Jénine. Après le silence.

Oui, qu'y a-t-il après le silence de la mort? Quelle réconciliation? Mais nulle réconciliation n'est possible sans la reconnaissance de l'autre en tant qu'autre, mais aussi en tant que frère ou sœur d'un même destin. C'est cette reconnaissance que cette femme magnifique explore et voudrait faire partager à tous ceux qui la liront ici ou de l'autre côté de la Méditerranée.

M. de Saint-Cheron est philosophe des religions, dernière publication, Du juste au saint. Ricoeur, Levinas, Rosenzweig (DDB, 2013).

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