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De la fin des chrétiens d'Irak du nord, de l'avenir d'un État juif et de l'islam

Les chrétiens du nord de l'Irak sont menacés de disparition, persécutés par le Jihad depuis Mossoul jusqu'aux frontières avec l'Iran et la Turquie.
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À quoi, à qui peuvent bien servir nos colères, nos protestations, nos hontes, quand ceux auxquels elles sont adressées ne s'en soucient nullement, s'en moquent, les piétineraient si besoin était et sous d'autres cieux nous feraient arrêter, emprisonner, voire pire encore? La liste de ces fondamentalistes, dictateurs, chefs religieux, qui ont fait fi de l'humanité de l'autre homme, de l'autre femme, est sans fin. (On peut remarquer d'ailleurs là encore l'écrasante majorité d'hommes qui font fi de l'humanité de leurs concitoyens, car les rares femmes qui accèdent au pouvoir semblent souvent un peu plus préoccupée par cette humanité, même si...)

Aujourd'hui, donc les Chrétiens du nord de l'Irak sont menacés de disparition, persécutés par le Jihad depuis Mossoul jusqu'aux frontières avec l'Iran et la Turquie. Les événements qui s'y jouent montrent une fois encore qu'à trop avoir voulu chasser des dictateurs comme Saddam Hussein, le colonel Kadhafi ou Moubarak, on ouvre la porte au chaos. Mais alors que faire? Rien? Un repli stratégique pour ne rien risquer?

Ce qui a été possible en Europe après la Seconde Guerre mondiale, ne l'est plus ou ne l'a jamais été au Proche ou au Moyen-Orient comme en Afrique - comme dans certains autres pays d'Europe (jusqu'à l'Oural) ou d'Asie. L'exception est le cas de l'Afrique du Sud lorsque le président Frederik De Klerk se retira pour laisser la place à Nelson Mandela.

Aujourd'hui, les catholiques de l'Église chaldéenne de Mossoul et du nord de l'Irak ont fui leur terre, leurs maisons, par milliers, car le choix était simple : soit la conversion soit payer un tribut pour obtenir la protection du calife Abou Bakr al-Baghadi. Avant même l'expiration de l'ultimatum, Mossoul s'était vidée d'une grande part de ses chrétiens, l'une des plus anciennes communautés catholiques au monde. Une manifestation eut lieu à Paris le 27 juillet. Mais les catholiques et les autres minorités non-musulmanes d'Irak ne font malheureusement pas «recette» comparés aux victimes de Gaza.

30 000 chrétiens vivaient à Mossoul. Les observateurs parlent de l'exil de plus de 10 000 d'entre eux pour la seule «capitale» du Nord. Quel avenir pour ceux qui préfèrent rester plutôt que tout perdre? Les chrétiens représentent pour les jihadistes, l'Occident, symbole - à leurs yeux - de la haine de l'Islam. En réalité, ces catholiques de l'Église d'Orient ne sont pas les seules victimes du Jihad - qui s'en prend tout autant aux Chiites, aux Turkmènes et d'autres communautés aussi vulnérables... La guerre que se livrent Israël et le Hamas est dans le même temps absolument tragique, terriblement disproportionnée aussi en nombre de victimes comme nous sommes nombreux à l'avoir dit et à ne cesser de le redire. On connaît la logique de guerre évoquant les tunnels, qui étaient prévus pour une invasion d'Israël au moment des fêtes du Nouvel An juif... Mais avec quel armement? Même si cela est vrai, 1900 morts dont moins d'une centaine de soldats et civils israéliens ne sont plus des «comme si..». ou des «même si...» Mais si la presse et les mouvements politiques protestataires consacrent tant d'énergie pour dénoncer le sort des Gazaouites à juste titre, on n'entend que peu de protestations dénonçant les persécutions et les crimes commis par les jihadistes de l'État islamique du nord de l'Irak.

Maintenant, le conflit actuel entre la Palestine et Israël cache une autre immense question. Ce petit pays surarmé, qui tient sa survie de la force de son armée et de son soutien américain essentiellement, s'il se trouvait demain face à une coalition jihadiste d'un côté, syro-iranienne de l'autre, ce qui n'est nullement de l'ordre d'une utopie paranoïaque, alors peut-être que la gauche et la droite et tous les républicains commenceraient à s'inquiéter sérieusement. Où sont aujourd'hui, parmi les gens du front de gauche, comme parmi la droite républicaine ou les socialistes, ceux qui ont manifesté et descendent tous les trois jours dans la rue contre l'établissement de cet État islamiste et contre la persécution des chrétiens d'Orient? Où sont les groupes de défense de la Palestine qui s'émeuvent et descendent dans la rue pour défendre aussi aujourd'hui les minorités religieuses d'Orient menacées? Dans cet Irak démantelé, on peut parler de territoires perdus pour la démocratie, pour l'islam ami de l'Occident - jusqu'à quand? Et jusqu'où iront-ils?

Cette guerre du Jihad contre ce que représente l'Occident avec ses peuples, sa démocratie, sa morale permissive sans doute aussi, pareillement haïs, exécrés, diabolisés, dresse sa haine contre le christianisme et le judaïsme confondus car tous «sionistes» à leurs yeux. Toute cette réalité forme aux yeux des soldats du Jihad un grand tout, et disons-le une totalité à détruire, car idolâtre et ennemie de l'islam. Il nous faut en prendre sérieusement conscience. N'oublions pas que l'Islam par rapport au christianisme en nombre de siècles, est arrivé à son Inquisition, mais une inquisition qui n'est plus dirigée contre des individus isolés, mais contre des peuples et des nations. Pourtant, le Jihad ne représente qu'une petite partie de l'Islam, sa branche révolutionnaire, panislamique, en guerre contre tout ce que représente l'Occident et donc aussi contre les musulmans occidentalisés. Donc une immense majorité de l'islam «laïque», de l'islam ami de l'Europe et de l'Amérique est elle-même en proie au danger que représente cette paranoïa jihadiste.

Souvenons-nous, parmi beaucoup de hautes figures de l'Islam universel jusqu'à aujourd'hui, de ces trois Témoins admirables de l'Islam éternel, que sont le martyr mystique Husayn Ibn Mansûr Al-Hallâj, exécuté à Bagdad le 26 mars 922, que Massignon célébra comme nul autre, le philosophe mystique Shaykh Ishrâq Sohrawardî (né en 1155), exécuté à la citadelle d'Alep le 29 juillet 1191, à l'âge de trente-six ans, dont Corbin rendit le message universel, et le fondateur du soufisme, et enfin Djâlâl ad-Dîn Rûmî (1207-1273), qui prônèrent très tôt un islam du dialogue, un islam de l'amour mystique, un islam frère des Juifs et des Chrétiens. Le monde d'aujourd'hui a besoin plus que jamais d'hommes et de femmes de l'islam universel qui fassent front commun contre le Jihad. Où sont les Sadate, les Begin, les Mandela, les Rabin, les de Gaulle partant en voyage en Allemagne dès 1946, pour y chercher des hommes et des femmes avec qui construire la paix? Où sont-ils? Les défenseurs de la démocratie pensent peut-être que nous avons encore du temps devant nous. Ne voient-ils pas qu'il est sans doute déjà trop tard?

M. de Saint-Cheron est philosophe des religions, dernière publication, Du juste au saint. Ricoeur, Levinas, Rosenzweig (DDB, 2013).

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