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De Boko Haram à l'Inde: la place de la femme?

Le sexe dans toute son infamie, lorsqu'il guide l'instinct mâle meurtrier, barbare, allié au sentiment que l'homme est supérieur à la femme qui est à sa merci, est ici le facteur de cet enlèvement, de ce double crime là.
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L'attentat du musée juif de Bruxelles, la montée des extrémismes au Parlement européen, l'enlèvement de deux cent jeunes lycéennes au Nigeria par Boko Haram, le viol puis le meurtre dans un petit village de l'Uttar Pradesh en Inde, de deux cousines de 14 et 15 ans fin mai, deux jeunes filles intouchables ou dalit. Aujourd'hui, l'avancée angoissante pour le monde entier des djihadistes vers Bagdad, ne terrorise pas seulement les dirigeants d'Irak, d'Iran et des autres pays de la région ,mais aussi Obama, les Européens et finalement le monde entier. Elle fait trembler les assises du monde, autant que les faits cités à la première ligne.

Mais revenons à ces actes d'une violence inouïe commis en particulier au Nigeria et en Inde par des hommes criminels à l'encontre de jeunes filles dans les deux cas. Dans le premier, les filles ont été kidnappées parce qu'elles étudiaient à l'école, dans le second, parce qu'elles étaient intouchables et n'ayant pas de toilettes à leur disposition, comme des dizaines de millions d'Indiens, elles allaient ensemble au champ. Les trois ou quatre hommes coupables les violèrent d'abord puis les pendirent pour achever leur crime. "Les jeunes filles étaient encore vivantes lorsqu'elles furent pendues" déclara le commandant Atul Saxena, chef de la police du district de Budaun, dans l'Uttar Pradesh.

Comment est-il pensable qu'en 2014 au Nigeria ou en Inde comme dans d'autres pays, des hommes puissent presque impunément -ou avec le sentiment d'impunité- s'en prendre à des jeunes filles? Le sexe dans toute son infamie, lorsqu'il guide l'instinct mâle meurtrier, barbare, allié au sentiment que l'homme est supérieur à la femme qui est à sa merci, est ici le facteur de cet enlèvement, de ce double crime là.

C'est encore et toujours l'homme dans sa sexualité la plus bestiale ou son orthodoxie complètement machiste et criminelle, mortifère, qui pousse à un crime que l'on ne peut pas ne pas combattre les armes à la main. A-t-on jamais vu des djihadistes femmes enlever des garçons, scolarisés ou pas, parce que leur comportement ne va pas dans le sens du Coran?

Comment peut-on expliquer que l'immense majorité de ces crimes, même ceux commis à Bruxelles sans parler de Merah, le sont par des hommes? A-t-on jamais vu des femmes hindoues violer des jeunes garçons puis les pendre ou les asperger d'essence comme dans cet acte qui a révolté tant de millions d'Indiens et d'Indiennes voici un ou deux ans, dont fut victime une jeune étudiante indienne morte de ses brûlures et tortures quelques jours après? Que dire encore du fait qu'en Inde la police est si souvent soit directement impliquée, soit laisse faire au lieu d'intervenir?

Qu'est-ce qui fait qu'il y ait dans l'homme, dans le mâle et si rarement dans la femme, cet instinct de mort, mais pire que de mort, cette soif d'avilissement de l'autre et que si souvent l'autre est précisément la femme? Au Rwanda, a-t-on jamais entendu parler de femmes hutues couper et tuer à la machette d'autres femmes, ou des enfants ou des hommes et tranquillement s'en retourner à la maison après la tuerie terminée?

Au Cambodge, quelles sont les égales de Khieu Samphân, Douch (Duch), Ek Choeun alias Ta Mok, le «diable» en personne qui acquit le surnom de «Boucher», et de tant d'autres tortionnaires durant le génocide khmer?

La psychanalyse a-t-elle jamais apporté une réponse à cette question? Qu'elle l'ait analysée est bien la moindre des choses? La psychiatrie aussi, mais ni l'une ni l'autre n'ont jamais réussi à apporter un remède à ce Mal absolu qui est tapi au plus profond de la gent masculine et que dire de la philosophie?

Bruno Bettelheim, Elie Wiesel, Primo Levi, Robert Antelme, Piotr Rawicz, Jorge Semprun, et tant d'autres rescapés des camps nazis devenus écrivains, poètes, psychanalystes, psychiatres, qui sondèrent l'âme humaine au sortir de l'enfer, ont pu parfois aborder cette terrifiante question, qui porte aussi dans son énoncé une consolation. S'il existe des monstres féminins, elles sont une infime minorité par rapport aux hommes. Est-ce à dire que le fait de porter la vie, de donner la vie, est une contradiction absolue, viscérale, avec le fait de tuer, de torturer, d'exterminer? On voudrait le croire et on y croit.

Mais il y a des exceptions, nous l'avons dit, sinon comment expliquer que dans la guerre que l'islam radical porte contre l'Occident, on a vu si souvent des femmes kamikazes? C'est là l'exception qui confirme la règle, car dans cette exception le fanatisme religieux a pris le dessus sur tout le reste, la féminité, la maternité, le triomphe de sa propre vie sur celle des ennemis à détruire. Au contraire, il faut mourir pour faire mourir le plus grand nombre d'infidèles.

Mais encore une fois, ce ne sont pas les femmes djihadistes, non, qui kidnappent les jeunes filles ni les jeunes garçons musulmans. Ce ne sont pas les femmes hindoues qui violent puis torturent jusqu'à la mort une fille sans défense, qui va faire ses besoins dans un champ ou qui se promène le soir avec son compagnon...

Sans cibler la question du sexe, pourtant capitale à mon sens, Elie Wiesel avait porté la problématique très loin en organisant plusieurs colloques de grande envergure sur l'anatomie de la haine. Il faut reprendre à notre compte cette interrogation... fondamentale? Comment la qualifier autrement que par ce "fondamental"? Au soir de ses symposiums, on peut deviner que de nouvelles questions avaient été soulevées sans que pour autant une réponse se soit imposée pour agir. Agir est la seule chose qui s'impose à nous tous pour changer le monde, pour faire que de pauvres filles musulmanes ou hindoues ne risquent leur vie chaque jour.

Pour Wiesel, l'école est le lieu par excellence où il est encore temps de couper à la racine la haine de l'autre, de la xénophobie, et donc d'abord l'injustice qui frappe d'abord, dans tant de traditions religieuses, la femme.

L'autre urgence, serait qu'en islam autant que dans l'hindouisme, mais aussi dans le judaïsme, dans les religions où d'une manière générale dans les milieux les plus orthodoxes, la femme est reléguée au second rang, les hommes de sagesse, autant que les femmes à avoir acquis une autorité morale, refondent dans l'école et surtout dans les écoles religieuses, le droit fondamental qu'il y a à respecter la femme dès son plus jeune âge à l'égal du garçon.

Il est faux, mensonger, intolérable, de croire qu'un dieu quel qu'il soit, qu'un livre inspiré par la sagesse supérieure, aient jamais pu enseigner que les filles devaient servir l'homme, devaient rester analphabètes, pouvaient être violées et assassinées impunément au nom de... quoi? Au nom de qui au juste?

Peut-on espérer qu'un jour dans notre monde, les religieux ne tyrannisent plus leurs filles, les filles de leur peuple, et reconnaissent que la Parole divine passe non seulement aussi, mais sans doute d'abord par la femme et que c'est respecter celui que l'on ne voit pas, que de respecter celles qui donnent la vie.

Ce jour-là l'humanité et les religions auront fait un pas immense.

M. de Saint-Cheron est philosophe des religions, dernière publication, Du juste au saint. Ricoeur, Levinas, Rosenzweig (DDB, 2013).

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