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Faire reculer la guerre avec le Comité International de la Croix Rouge

Sous le titre peut-être provocateur, ou plus sûrement antinomique, «Humaniser la guerre? / Humanising war?», le Comité international de la Croix-Rouge marque à Genève, au musée Rath, le 150e anniversaire de la 1ère Convention de Genève.
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Sous le titre provocateur peut-être ou plus sûrement antinomique "Humaniser la guerre? / Humanising war?", le Comité international de la Croix-Rouge marque à Genève, au musée Rath, le 150e anniversaire de la 1ere Convention de Genève.

En partenariat avec le Mémorial de Caen, dont le directeur Stéphane Grimaldi est l'un des commissaires de l'exposition auprès de Bertrand Mazeinat, du Musée d'Art et d'Histoire de Genève, accompagnés qu'ils sont par Iris Meierhans et Daniel Palmieri du CICR, le Comité international veut célébrer la naissance de la Croix-Rouge en même temps que son lien viscéral avec la France, ici représentée par le Mémorial de Caen, dans cette aventure qui marche dans son deuxième centenaire et dont la mission ne cesse de croître au fur et à mesure que les gens innovent toujours plus dans la propagation du mal universel.

En exergue de toute cette exposition et de toute cette année jubilaire, mettons cette parole capitale de Nelson Mandela: ce qui importe n'est pas seulement le bien qu'apporte le CICR, c'est aussi le mal qu'il peut éviter.

Les commissaires ne cachent rien de la longue histoire du CICR, mettant en lumière aussi bien ses actions retentissantes que ses bévues, ses manquements, ses erreurs d'appréciation mais aussi ses limites... Le CICR n'est pas tout puissant dans un monde où excellent le mal et les pourfendeurs du Vivre-ensemble, de la Minima Moralia, comme l'appela Adorno en titre de son livre justement célèbre.

L'exposition pose des questions que chacun connaît: "Should we help the people? Faut-il aider les personnes? - Even if one of them is a mass murderer? Même si l'un d'entre eux est un génocidaire?"

Les commissaires ont voulu exposer le formulaire de demande d'un titre de voyage du CICR émanant d'un certain Riccardo Klement, alias Adolph Eichmann, pour redire au public que parmi les réfugiés ou les fuyants, entre 1945 et 1950, en partance pour l'Amérique latine, se trouvaient bien sûr des criminels de guerre et pire, certains responsables de crimes contre l'humanité.

Sans doute le docteur Mengele (que l'on a du mal à appeler docteur, tant il a trahi, déshonoré, le serment d'Hypocrate!) était-il aussi l'un de ceux-là à moins qu'il n'ait bénéficié de complicités catholiques.

Mais que ceci ne nous fasse jamais oublier toute la part exemplaire de l'action du CICR depuis un siècle et demi et surtout depuis la Première Guerre mondiale. Dans une salle du sous-sol du musée Rath qui abrite l'exposition, les délégués et employés du CICR ont reçu plusieurs centaines de milliers de fiches des soldats disparus entre 1914 et 1919 ou 1920.

S'il y a concurrence des victimes, pourquoi n'y aurait-il pas concurrence des institutions et organismes humanitaires? Dieu sait qu'il y a eu des critiques venant de personnes qui voudraient ne voir que le mal apporté et non pas le mal que le CICR et les autres organismes parviennent à faire reculer ou plus rarement à empêcher.

Il y a dans les nombreux documents audiovisuels celui d'un rescapé, sans doute du génocide cambodgien (ou d'un autre car l'anonymat est dans cet exemple de mise), qui dit ces mots :

"Je suis vivant par ce fait tout simple d'avoir donné mon nom à un représentant du CICR."

Un délégué de la Croix-Rouge visitait une prison et entendit que l'on tapait derrière une porte de cellule. Le responsable du centre répondit qu'il n'y avait personne mais le délégué insista que l'on finit par ouvrir la porte et un prisonnier apparut qui donna seulement son nom.

Aujourd'hui, la relation aux victimes a beaucoup changé, me faisait remarquer Iris Meierhans, responsable du projet "150 ans d'action humanitaire", car les gens veulent partout faire partie des acteurs de leur propre sauvetage.

Lors du déjeuner qui suivit l'inauguration, David Pierre Marquet, qui fut plus de quinze ans délégué du CICR en Asie, me disait l'action très diplomatique mais indispensable et capitale que les délégations de la Croix-Rouge en Chine ou en Corée du Nord (pour ne pas parler du Rwanda, de Somalie, des territoires palestiniens, de Syrie bien sûr, d'Afghanistan et de tant d'autres zones de non-droit pour tant de millions d'êtres) pouvaient avoir simplement en ayant l'autorisation de visiter les hôpitaux psychiatriques, les temples tibétains sans aucun moyen de subsistance, ou aussi dans certains cas plus rares quelques prisons, mais évidemment ni en Corée du Nord ni en Chine.

Humaniser la guerre? dites-vous. Humaniser les assassins, oui, cela n'est pas impossible, contrairement à ce que l'on croit en général, et c'est là le rôle opiniâtre du Comité international de la Croix-Rouge et de ses trente mille délégués de par le monde, sans parler des personnes qui les aident dans leur travail inlassable mus par la conscience qu'il est toujours possible, oui, de faire reculer le mal, non pas comme un beau sentiment mais comme une réalité dans laquelle tentent de survivre des êtres vivants menacés de tortures et de mort.

Le CICR veut croire que le pire n'est pas le dernier mot que l'on doit attendre dans les situations où "c'est de l'homme qu'il s'agit".

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