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La place des femmes en politique : atteindre l’égalité de représentation dans un système réellement démocratique

«Pour un grand nombre de femmes, l’expression "faire le saut en politique" donne le vertige et nécessite au préalable de traverser une course à obstacles.»
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Le 7 décembre, j'ai déposé un mémoire dans le cadre de la consultation sur la place des femmes en politique. Je l'ai fait non seulement pour que l'égalité de représentation des femmes soit atteinte, mais pour que toutes les femmes aient accès aux rôles de représentantes, dans un système plus démocratique qu'actuellement.

La représentation des femmes n'est pas qu'une question de nombre. L'on se prive actuellement d'expertises et d'expériences essentielles à la gouverne collective, alors qu'il faudrait plutôt s'assurer que toutes les composantes d'une société puissent contribuer aux prises de décisions. Il est également nécessaire de se préoccuper de la qualité de la représentation qu'obtiennent les femmes, et de celle qu'obtient la population en général.

Il importe de reconnaître que les inégalités socio-économiques découlant de discriminations systémiques sont des empêchements à exercer un rôle de représentation politique pour toutes les femmes et que certaines en souffrent encore plus que les autres. Comment envisager une carrière politique quand on est sans emploi ou qu'on occupe un emploi précaire? Comment contribuer aux enjeux de société et faire reconnaître ses expertises quand des documents ou des lieux de réunion ne sont pas universellement accessibles? Comment bénéficier de réseaux de contacts qui comptent, dans le monde politique, quand les préjugés s'en mêlent? La diversité des réalités et des expertises des femmes dans toute leur diversité doit être vue comme une contribution essentielle à la démocratie.

Il s'agit autant d'un enjeu démocratique que social et féministe, ce qui nécessite de tenir compte des effets cumulatifs de multiples marginalisations et du caractère systémique des sous-représentations. Examiner avec sérieux les causes de la sous-représentation des femmes et leurs solutions doit donc aussi se faire en remettant en question le mode de scrutin actuel, pour que tous les votes comptent et que toutes les personnes comptent.

Le mode de scrutin actuel nuit à la juste représentation des idées politiques et il interfère dans la composition de la classe politique. Il n'est pas neutre et, contrairement à des modes de scrutin de la famille proportionnelle, il n'est pas propice à l'instauration de mesures capables d'amener des résultats solides.

Cessons de nier l'évidence. Des 109 pays qui utilisent un mode de scrutin de la famille proportionnelle, 60 pays y combinent des mesures structurelles pour augmenter l'élection des femmes; le tiers des pays de l'OCDE font partie de ce groupe. En 15 ans, le pourcentage de femmes élues à l'Assemblée nationale n'a augmenté que de 4 points alors que dans ces 60 pays il a progressé en moyenne de 16 points.

Quant au classement mondial, 23 des 27 pays qui dépassent 35% de femmes élues utilisent un mode de scrutin de la famille proportionnelle, et 15 de ceux-ci l'ont combiné à des mesures structurelles. Les résultats de ces derniers sont éloquents : Rwanda (61,3%, soit + 44,2% en 15 ans); Bolivie (53,1%, soit + 34,6% en 15 ans); Nicaragua (45,7%, soit + 35,7% en 15 ans); Sénégal (42,7%, soit + 30,6% en 15 ans); Mexique (42,6%, soit + 24,4% en 15 ans); Finlande (42,0%); Espagne (39,1%); Argentine (38,9%); Timor oriental (38,5%); Angola (38,2%, soit + 22,7% en 15 ans); Équateur (38,0%); Belgique (38,0%); Slovénie (36,7%, soit + 28,9% en 15 ans); Burundi (36,4%, soit + 30,4% en 15 ans); Pays-Bas (36,0%); Costa Rica (35,1%).

Qui dit mesures structurelles dit se fixer des objectifs quantifiables, ce qui nécessite des données de référence. L'importance démographique des femmes et des personnes racisées et l'aspect "mesurable" de ces réalités nécessitent que des actions claires soient entreprises pour assurer leur représentation politique. Les incitations ne suffiront pas.La Loi électorale est l'outil à utiliser pour poser des exigences et surveiller les résultats. Elle permet notamment de lier le financement public au respect de nos valeurs démocratiques, égalitaires et antiracistes de société et de les transformer en gestes concrets et assumés collectivement.

La combinaison de plusieurs marginalisations (situation de pauvreté, limitations fonctionnelles, orientation sexuelle, identité de genre, etc.) doit aussi être prise en compte. Si l'absence actuelle de données de référence quant à ces réalités ne favorise pas l'application de mesures législatives adaptées, cela ne veut pas dire que rien ne soit possible. Les partis politiques devraient assumer leur responsabilité morale à cet égard, en adoptant des pratiques menant à une véritable diversification de la composition de la classe politique pour que les principales composantes constitutives d'une société se sentent représentées et aient accès aux postes de représentation.

Pour un grand nombre de femmes, l'expression « faire le saut en politique » donne le vertige et nécessite au préalable de traverser une course à obstacles. Mais ne regarder que les situations individuelles responsabilise indûment les femmes et donne l'impression qu'il s'agit d'une addition de problèmes personnels, alors qu'il s'agit d'un problème collectif devant être réglé par des interventions assumées collectivement. Ce n'est pas parce qu'une femme estime qu'elle n'aura pas (ou n'a pas eu) besoin d'un soutien particulier pour établir son réseau de contacts, qu'il faut conclure qu'aucun soutien ne devrait exister pour l'usage collectif. Curieusement, cette logique individualiste n'agit pas autant dans d'autres enjeux sociaux. Qui remettrait en question l'existence de prestations en cas d'accident du travail parce que son travail est vu comme comportant peu de risques? Qui rejetterait les besoins d'infrastructures routières des villes où l'on ne mettra jamais les pieds?

Instaurer des mesures pour atteindre l'égalité des femmes dans la représentation doit donc aller de pair avec l'adoption du mode de scrutin conçu dès le départ pour augmenter l'élection des femmes et des personnes racisées, ce qui doit être l'un des objectifs visés par un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire. Pour être efficaces, ces mesures doivent être structurelles, et non volontaires, car il est essentiel de les inscrire dans la Loi électorale pour fixer les règles à suivre, ainsi que leurs conséquences.

Pour participer à la consultation en ligne (jusqu'au 31 décembre 2017)

Pour des suggestions sur les enjeux à aborder.

Pour découvrir une foule d'informations sur le sujet et lire mon mémoire.

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