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La question est sur toutes les lèvres : irez-vous voter le 7 avril ? Si l'on ose répondre par la négative, les reproches suivent de près: vous êtes cynique, apathique, vous négligez la politique, vous niez le patrimoine démocratique de vos ancêtres. Pas forcément.
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La question est sur toutes les lèvres : irez-vous voter le 7 avril ? Si l'on ose répondre par la négative, les reproches suivent de près: vous êtes cynique, apathique, vous négligez la politique, vous niez le patrimoine démocratique de vos ancêtres.

Ces réprimandes attestent que nous cultivons l'idée qu'il n'y a qu'une seule bonne façon de participer à la vie politique. Nous nous posons trop peu de questions et consentons ainsi aveuglément à un système politique qui joue pourtant un rôle central dans nos vies. Il est toutefois légitime de croire que les possibilités d'y réfléchir autrement existent et qu'elles sont déjà présentes autour de nous. Pour ce faire, il importe de sortir des cadres de référence officiellement proposés et de déconstruire nos idées préconçues.

Propagande électorale

Comme à chaque élection, la campagne du Directeur général des élections (DGE) vise à faire changer d'idée quiconque n'aurait pas l'intention d'exercer son « droit » de vote. Une petite visite sur le site cacompte.org, fruit du travail combiné entre le DGE et l'Institut du Nouveau Monde (INM), est suffisante pour constater l'usage d'arguments qui se rapprochent trop souvent de simples sophismes. Si tu ne votes pas, nous dit-on sur un ton plutôt condescendant, tu te fermes! Bref, tu n'as pas le droit de chialer. On y apprend également que voter constitue la liberté de parole, et que de ne pas le faire, c'est l'équivalent de « cracher sur la démocratie ».

La rhétorique affirmant que voter est un « devoir citoyen » cache de manière subtile une conception restreinte de ce qu'est la politique. De plus, elle est un argumentaire fortement répandu dans le but de justifier le processus électoral. En effet, très tôt dans nos vies, nous apprenons que la politique, ce sont les gens qui se retrouvent dans l'enceinte du parlement. Notre devoir à nous, le peuple, est de les élire, de choisir les mieux à même de nous représenter et de défendre nos intérêts. L'histoire se répète aux quatre ans, parfois plus souvent. C'est cela, nous dit-on, la démocratie.

Réduire la démocratie au simple fait de voter ainsi qu'à ses structures parlementaires alimente la conception classique et traditionnelle que l'on a de la politique, celle qui voit comme normale la création d'une classe professionnelle - les politiciennes et politiciens - dont la tâche est de gérer ce qu'on aime à appeler les affaires publiques. Cependant, cette séparation entre une classe politique d'un côté et le peuple électeur de l'autre instaure une forme d'élitisme éloignée de tout idéal démocratique.

Une autre politique

Il devient dès lors difficile d'imaginer d'autres façons de faire vivre la démocratie et la politique lorsqu'on les restreint aux activités organisées, gérées et jugées légitimes par le pouvoir en place. Des constats alarmants sont soulevés lorsque les taux de participation aux élections sont en baisse, et pourtant, on ne parle pratiquement jamais des innombrables projets, groupes et collectifs qui font de la politique à leur façon. Ceux-ci ne voient pas en l'État et en ses institutions le cadre dans lequel ils se doivent d'évoluer; que l'on pense par exemple à des groupes luttant pour de nombreuses causes sociales (sexisme, racisme, pauvreté, etc.), à des organismes et des coopératives de travail fonctionnant en autogestion, ou encore aux assemblées de quartier nées de la grève étudiante de 2012. Ces dernières, tout spécialement, proposent une tout autre manière de concevoir la politique, c'est-à-dire de manière autonome, non partisane et horizontale. Ainsi, les gens d'un même quartier délibèrent et décident ensemble de différents enjeux qui les concernent. Au sein de ces assemblées prend forme une activité politique qui, dans ce cas-ci, peut être qualifiée de démocratique.

Tant et aussi longtemps que l'on pensera la politique uniquement dans les cadres traditionnels que sont les partis politiques, les gouvernements et les élections, nous ne pourrons donner à ces exemples alternatifs leur juste valeur quant à leur apport à la participation à la vie collective. Pour y arriver, il faut d'abord que l'on se donne les moyens d'ouvrir nos perspectives en imaginant la politique sous des formes radicalement différentes: sans État ni gouvernement central, par exemple, avec plutôt un réseau d'assemblées fonctionnant en démocratie directe, réglant autant que possible leurs affaires respectives au niveau local tout en créant des instances plus larges lorsque nécessaire.

Le vote « blanc » (ou l'annulation du vote) ne règle d'aucune façon le problème. L'idée n'est pas de montrer son refus aux choix politiques offerts via les canaux existants, car de toute façon, les limites dans lesquelles peut s'exprimer cette désapprobation sont à la fois connues et contrôlées. Il est même presque absurde d'affirmer son refus envers un ordre politique jugé injuste et illégitime à même les institutions que celui-ci maintient.

Simplifier la question à l'abstentionnisme seul serait mal rendre compte de la situation. Un abstentionnisme envers une forme de politique, certes, mais pas envers toutes formes. C'est pour cette raison qu'il demeure essentiel de repenser notre rapport au politique afin d'en faire un d'actions plutôt que de revendications, d'assemblées plutôt que d'élections et de démocratie directe plutôt que de classe politique professionnelle.

Est-ce alors exagéré que de suggérer que la présente campagne électorale ainsi que la politique partisane habituelle semblent être des causes déterminantes de l'apathie ambiante envers les politiciennes et les politiciens et, de manière plus générale, envers ce qu'on appelle « la politique » ? Conséquemment, la question à se poser devient la suivante : la classe politique professionnelle et les institutions qui s'y rattachent font-elles davantage partie du problème que de la solution ?

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