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Faire entrer éducation financière, et par ricochet monde contemporain, dans la catégorie des «mini-cours», sera un coup d'épée dans l'eau, complètement à l'opposé des principes d'intégration et de cohésion dans le parcours scolaire des jeunes.
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Ça brasse dans mon jardin ces temps-ci! Les sciences humaines au secondaire font les manchettes et cette fois, ce n’est pas le programme d’histoire nationale !

En effet, c’est la métamorphose d’éducation financière en cours obligatoire dès la rentrée 2017 qui fait tant jaser. Depuis l’annonce officielle du ministre Proulx juste avant la pause des Fêtes (hasard ?), le programme optionnel « fraîchement » approuvé le printemps dernier est devenu soudainement impératif pour tous.

Scénario proposé par le ministre.

Notez que le « AVANT » n'a pas encore un an, puisque le programme optionnel n'est approuvé que depuis mai 2016.

Comme enseignant d’univers social, je me sens évidemment interpellé par ce changement pressant. Et NON, je ne trouve pas que le scénario idéal de notre Xe ministre de l’Éducation est « la meilleure solution ».

Mais je ne répéterai pas ici la multitude d’arguments pertinents véhiculés dernièrement par Daniel Rouillard et sa mobilisation Sauvons le cours Monde contemporain, ou encore la perspective large du billet de Mathieu Bernière et la réflexion économique de Sylvain Dancause. Et j’en passe : on a eu de bonnes occasions de lecture à ce sujet ces derniers jours.

La multiplication des silos

C’est qu’il y a un élément dont on parle peu dans le débat actuel : le morcellement de la tarte des heures de cours pour les élèves, dans ce cas-ci, de cinquième secondaire.

Alors que plusieurs ténors du changement et de l'innovation en éducation prônent l'abolition des silos-matières, je n'entends actuellement aucune voix pour dénoncer le scénario proposé (ou plutôt « imposé ») qui a pour effet direct de rapetisser le silo de monde contemporain pour intégrer celui d'éducation financière, tout aussi petit.

On oublie le vécu au quotidien des élèves dans le débat. À travers les gros cours récurrents - français, mathématiques, anglais - les cours au choix (dont les cours de physique et de chimie, préalables à certains programmes collégiaux), les cours à deux périodes/cycle (environ 75 minutes par semaine) dans l'horaire ont peu d'impact pour eux. Parlez-en aux enseignants d'éducation physique, d'éthique et culture religieuse (ÉCR) et d’arts : leur cours est trop souvent marginal dans la vie des élèves.

Sur papier, ça paraît bien, présenté dans un emballage aux couleurs d’une éducation globale et diversifiée. Mais sur le terrain, au quotidien, c’est souvent plus terne. Devant eux, les élèves voient tout ce beau monde (leurs profs) se « battre » pour tirer la couverture de leur bord. La majorité des élèves finissent par laisser ces « petits cours » de côté, préférant investir leur temps et énergie dans les cours « qui comptent vraiment ». C’est du moins la conclusion générale des discussions en classe que j’ai eues ces derniers jours avec mes élèves. Et la structure scolaire étant ce qu’elle est, chaque prof dans son coin, dans SA classe, avec SON programme « à passer », la tentation de ne considérer que SON propre silo est toujours aussi forte, malgré les grands principes intégrés du Renouveau pédagogique.

Remettre l’élève au centre

À quel moment allons-nous faire le focus sur les élèves dans ce débat ? Parce que ni les syndicats, ni les directions de commissions scolaires, ni le ministre Proulx ne font état de cette dimension. On demeure à quelque part entre les contraintes administratives et structurelles (dont Mario Asselin fait état dans son dernier billet) et l'idéologie de « éduquer aux finances personnelles, c'est bon pour tout le monde ».

Comme le soulignait Lise Bissonnette en décembre dernier, « l’éducation n’est pas un simple outil de développement économique et d’accès à l’emploi, elle devrait être une démarche pour arriver à une compréhension du monde, de son histoire, de son présent et de sa destination. » Pour y arriver, il faut plus que jamais tisser des liens entre les matières, entre les cours et surtout, entre les personnes qui les font vivre. Augmenter sans cesse le nombre d’intervenants dans le quotidien des jeunes, tout en dispersant leur attention sur une multitude de sujets cloisonnés, ne contribue pas à consolider les liens : il les affaiblit.

Ainsi, faire entrer éducation financière, et par ricochet monde contemporain, dans la catégorie des « mini-cours », sera un coup d'épée dans l'eau, complètement à l'opposé des principes d'intégration et de cohésion dans le parcours scolaire des jeunes. Je dirais même plus, cela va à l’encontre des visées fondamentales du Programme de formation de l’école québécoise (bien décrites dans les premiers paragraphes du chapitre 1.1).

Je compte maintenant sur les éducateurs, toutes sphères confondues, soucieux de faire disparaître les silos hermétiques dans nos écoles, pour faire valoir cet angle dans le débat actuel. Remettons ainsi ensemble l’élève au cœur des considérations du ministre.

Ce billet de blogue a également été publié sur la page Facebook Ed Café

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