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Quebec-bashing: le Royal Canadian National Sport

RÉTRO 2013 - Tout est bon pour salir le Québec. Mais les faits importent peu, le Québec commet la faute impardonnable de souhaiter préserver sa différence. Le Quebec-bashing n'est pas un phénomène nouveau dans le Canada anglais, mais sa prolifération et sa banalisation doivent être dénoncées une fois pour toutes.
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Vous rêvez de devenir chroniqueur, mais vous n'avez qu'un talent limité et une capacité d'analyse aussi évoluée que celle d'un enfant de 10 ans? Pas de problème! J'ai la solution pour vous dénicher un emploi de chroniqueur-vedette pour un grand journal tel que le National Post, voire peut-être le Globe and Mail. La solution? Lisez le titre d'un article de journal qui parle du Québec, puis cracher sur l'ensemble de la population québécoise! Car au Canada anglais où l'on croit laver plus blanc que blanc, le seul racisme socialement acceptable est celui qui vise les Québécois.

Prenons comme exemple l'épisode du turban et de la FSQ. Ce n'était pas une décision gouvernementale et encore moins une décision prise après avoir consulté les Québécois, mais il s'agissait malgré tout d'une occasion en or pour cracher sur tout le Québec. De nombreux chroniqueurs n'ont pas tardé à pondre des articles anti-Québec sans trop chercher à comprendre ou à vérifier si des interdictions similaires étaient en vigueur ailleurs dans le monde - ou encore vérifier si les joueurs Sikhs eux-mêmes jouent avec leur turban lors de compétitions internationales.

Peu importe que ce soit une décision prise par une poignée d'individus ou non, on accuse sans retenue l'ensemble de la société québécoise d'intolérance et de fermeture d'esprit. Comme l'a fait Supriya Dwivedi en écrivant dans le Globe and Mail que les Québécois, en souhaitant très majoritairement la laïcité dans l'interprétation des lois et des règlements, ont démontré qu'ils sont obsédés par la pureté linguistique et culturelle, sont xénophobes et prônent la suprématie des francophones («Obsessions with linguistic and cultural purity, xenophobia and generalized Franco-supremacy are at an all-time high in the province.»)! Bref, interdiction de remettre en cause le multiculturalisme canadien et de parler de laïcité, car si vous le faites, vous n'êtes qu'un sale raciste!

Le billet se poursuit après la galerie

Même s'il n'y a pas de «scandale québécois» dans les nouvelles, rien n'empêche ces chers chroniqueurs de faire du Quebec-bashing. Ils n'ont qu'à ressortir la diabolique loi 101, les méchants séparatistes ou encore Pauline Marois. Par contre, ils n'expliqueront jamais vraiment en quoi la loi 101 est si terrible et n'expliqueront jamais que même la très fédérale Cour suprême du Canada, en se basant sur une Charte canadienne créée sur mesure pour combattre la loi 101, a déclaré que la loi 101 était nécessaire pour préserver le français au Québec.

Parmi les cas les plus grossiers, prenons celui de Matt Gurney, du National Post, qui a dernièrement pondu l'un des articles les plus anti-Québécois depuis longtemps. Selon l'auteur - qui se moque de notre désir de protéger notre langue puisqu'il juge celle-ci inutile, même en France -, les Québécois devraient partir vivre sur une autre planète s'ils souhaitent continuer de parler leur langue et devraient cesser d'ennuyer le reste du Canada. Pourtant ce même chroniqueur déchirait sa chemise quelques jours plus tard parce que Brigitte Frot de la FSQ invitait les joueurs qui souhaitent porter le turban à aller jouer dans leur cour.

Autrement dit, Monsieur invite les Québécois à dégager de la surface de la Terre s'ils souhaitent continuer de parler français, puis ce même champion crie au racisme lorsqu'une Québécoise invite des jeunes à jouer dans leur cour (mais, contrairement à lui, elle n'avait pas le luxe d'effacer avant d'envoyer). Bien sûr, pas besoin d'être cohérent lorsque vient le temps d'attaquer les Québécois! En réalité, un tel article contre n'importe quel autre groupe que les Québécois aurait été ouvertement décrié partout au Canada, mais puisqu'il s'agit du Québec, on n'y voit aucun problème. Barbara Kay, tristement connue pour l'article « The rise of Quebecistan » où elle accusait les Québécois d'être antisémites, est une référence en la matière. Selon elle, le projet de Loi 14 vise à éliminer graduellement l'anglais du Québec. Bien entendu, elle ne mentionne nulle part que le français est en déclin au Québec alors que l'anglais progresse.

Un autre adepte du Quebec-bashing - encore du National Post - Kelly McParland, affirmait récemment que le Québec est chanceux d'être toujours dans le Canada, car c'est, selon lui, une société fondamentalement corrompue qui imploserait si ce n'était pas de la protection du Canada. Le hic, dans cette pseudo-analyse, est que pratiquement tous les scandales de corruption et de fraude sont reliés aux partis fédéralistes, et donc à ceux qui souhaitent que le Québec demeure dans le Canada. L'auteur oublie aussi, probablement volontairement, que la corruption et la fraude sont aussi présentes dans le reste du Canada, comme nous le voyons avec les scandales entourant les conservateurs et la mairie de Toronto. D'ailleurs, la commission Charbonneau nous apprenait récemment que la mafia est beaucoup plus présente dans l'administration ontarienne que dans celle du Québec. Comble de la mauvaise foi, il compare la dette brute québécoise (en incluant les administrations municipales et les universités) à la dette nette ontarienne (dette moins les actifs financiers) en affirmant que la dette québécoise est à 61,7% du PIB contre 37,2% pour l'Ontario, dans le but de discréditer le Québec. Il va sans dire que cet auteur est franchement malhonnête.

Bref, tout est bon pour salir le Québec. Pourtant, personne ne se donne la peine de répondre à ces campagnes de haine contre les Québécois. Par exemple, à ceux qui affirment sur toutes les tribunes que le Québec est une société profondément raciste, il aurait été bon de réitérer le fait que les Québécois sont ceux qui adoptent - et de loin - le plus d'enfants de l'étranger de tout le Canada. Le Québec est aussi l'un des endroits au monde où il y a le plus de couples mixtes. Peuple obsédé par sa pureté sanguine? Critique grossière qui ne tient pas la route.

On s'acharne aussi constamment contre le Québec et sa loi 101, mais on ne mentionne jamais que les anglophones du Québec ont accès à des services entièrement en anglais de la naissance à la mort, comme en témoignent le vaste réseau scolaire anglophone, les services gouvernementaux du Québec en anglais et les hôpitaux anglophones - services auxquels les francophones du reste du Canada n'ont bien souvent pas accès. Mais les faits importent peu, le Québec commet la faute impardonnable de souhaiter préserver sa différence. Par contre, lorsqu'un Québécois connait du succès à l'international, comme Céline Dion ou Georges St-Pierre, il devient automatiquement un symbole "canadian". On le dépouille de son caractère québécois pour se l'approprier. Et les autres Québécois? Ils demeurent des citoyens de deuxième classe sur qui on crache à la moindre occasion!

Le Quebec-bashing n'est pas un phénomène nouveau dans le Canada anglais, mais sa prolifération et sa banalisation doivent être dénoncées une fois pour toutes.

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