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Mononc' Legault, l'écolo

Aujourd'hui, François Legault est «devenu» fédéraliste, allant jusqu'à dire qu'il voterait non à un référendum sur l'indépendance et affirme que la situation économique du Québec est alarmante au point où la souveraineté serait une catastrophe (bien qu'il affirmait le contraire lors de la dernière élection générale). Rares sont les occasions où je suis parfaitement d'accord avec Jean Charest, mais force est de constater que celui-ci a entièrement raison de qualifier Legault de girouette.
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CP

Qu'on le veuille ou non, il est tout à fait normal que nos politiciens soient opportunistes: un politicien qui ne l'est pas est condamné à la marginalité. Par contre, entre opportunisme «normal» et opportunisme abusif, notons le cas de François Legault.

Il y a moins d'un an il était encore un souverainiste pur-et-dur, était un défenseur de l'accessibilité à l'université et affirmait à qui voulait l'entendre que le Québec se porterait beaucoup mieux s'il était indépendant (Legault est d'ailleurs l'auteur du «budget de l'an 1» d'un Québec souverain, où il tirait la conclusion que le Québec est lourdement limité par le régime fédéral).

Aujourd'hui, François Legault est «devenu» fédéraliste, allant jusqu'à dire qu'il voterait non à un référendum sur l'indépendance et affirme que la situation économique du Québec est alarmante au point où la souveraineté serait une catastrophe (bien qu'il affirmait le contraire lors de la dernière élection générale). Rares sont les occasions où je suis parfaitement d'accord avec Jean Charest, mais force est de constater que celui-ci a entièrement raison de qualifier Legault de girouette.

Oui, tous les politiciens sont, jusqu'à un certain point, des girouettes. Mais tant de contradictions en si peu de temps démontre l'étendue de la soif de pouvoirs à Legault. La CAQ, forgée par des sondages, sans buts précis (« on verra ») et constituée de transfuges, démontre bien jusqu'où certains peuvent aller afin d'atteindre le pouvoir.

Alors que François Legault promettait de mettre l'accent sur la défense du français à la fondation de son parti, il a depuis mis cette question de côté, au point où plusieurs anciens membres de l'Equality Party et d'Alliance Quebec appuient aujourd'hui la CAQ plutôt que le PLQ! Il était pour la loi 78 et souhaitait même des mesures plus radicales (puisque les sondages suggéraient que ce serait payant) mais déclare aujourd'hui qu'il abrogerait une partie de la loi 78 (en réponse à la réaction de la population face à cette loi). Legault souhaitait le maintien de la taxe santé, mais semble proposer aujourd'hui de l'abolir. Il souhaite une rigueur budgétaire, mais multiplie les milliards en promesses électorales. Et maintenant, il affirme que les jeunes sont paresseux et doivent s'inspirer des Asiatiques pour être plus productifs!

Premier mythe: jeunes Québécois paresseux

Commençons par déconstruire ce mythe cher à Richard Martineau, Stéphane Gendron et à l'ensemble des animateurs de radio-poubelle. (Jean-François Lisée et Pierre Luc Brisson ont été plus rapides que moi sur le sujet, je vous invite donc à lire leurs blogues qui déconstruisent aussi le mythe du jeune Québécois paresseux.)

Paresseux, vraiment? 81 % des étudiants québécois travaillent afin de subvenir à leurs besoins, un taux bien supérieur aux taux dans les pays asiatiques! En fait, pour l'avoir moi-même constaté en Chine, les jeunes Chinois ne travaillent pas durant leurs études et vivent pour la plupart chez leurs parents ou dans des résidences universitaires, payées par leurs parents (dois-je rappeler la politique d'enfant unique pour l'ethnie Han?). Au Québec, c'est plus de 75 % des jeunes universitaires qui habitent en appartement et vivent par leurs propres moyens, taux supérieur au Canada-anglais, aux États-Unis et aux pays asiatiques. En prenant l'ensemble des jeunes de 15 à 24 ans, le Québec fait meilleure figure que la très grande majorité des pays de l'OCDE! Si vous ne prenez que les étudiants universitaires, il ne fait aucun doute que le Québec est dans le top 10 des États où les jeunes étudiants travaillent le plus. Ayant moi-même travaillé en moyenne plus de 25 heures par semaine tout en étudiant à temps plein, je me permets de dire que les propos de François Legault sont insultants pour la jeunesse québécoise, d'autant plus que celui-ci était, selon des déclarations qu'il aurait faites le 9 août, un « Tanguy »! Et, comme si ceci n'était pas assez, il donne la leçon aux parents bien qu'il gazouillait récemment que son fils de 18 ans se levait après 14 heures! Bref, comme Jacques Villeneuve avant lui, il semble faire de la projection lorsqu'il affirme que les jeunes Québécois sont paresseux et leurs parents insuffisamment stricts!

Deuxième mythe: l'Asie devrait être un modèle pour le Québec

Deuxième mythe à Legault: l'étudiant asiatique devrait être un modèle pour les Québécois. Il est vrai que les étudiants asiatiques excellent dans le « par cœur » en raison du système scolaire. En Chine, par exemple, la plupart des étudiants du secondaire à qui j'ai parlé demeurent à l'école de 7 heures à 22 heures. Ils commencent tôt et quittent tard.

Dans le cas de Taiwan, du Japon, de Hong Kong et sûrement d'ailleurs en Asie, les étudiants fréquentent, si le budget des parents le permet, des « cram school », qui, comme le nom l'indique, sont des écoles privées où les étudiants se font bourrer le crâne (et ce, en dehors des heures normales de cours) de mathématiques, de sciences, d'anglais et d'autres sujets. Les étudiants sont classés parmi leurs camarades, ce qui fait en sorte que tous savent si vous êtes le premier de classe ou le dernier. Les examens d'entrée à l'université sont d'une difficulté incroyable. Bref, la recette parfaite pour une société conformiste où le développement d'un esprit critique n'est aucunement favorisé par le système d'éducation. D'ailleurs, les étudiants asiatiques choisissent la plupart du temps leur profession en fonction de leurs capacités et du prestige du métier plutôt que selon leurs passions, d'où la raison pourquoi il semble y avoir beaucoup plus d'étudiants asiatiques en médecine qu'en arts, par exemple.

Le Québec, contrairement à la Chine, a une économie mature en grande partie centrée autour de notre créativité. Dans une société post-industrielle comme la nôtre, est-il nécessaire de rappeler à Legault que seules notre créativité et nos inventions nous permettent de maintenir notre niveau de vie? À toutes fins pratiques, les étudiants d'Asie n'ont pas de vie en dehors de leurs études, ce qui a un impact important sur leurs expériences parascolaires et surtout sur leur créativité.

Des études démontrent effectivement que les étudiants québécois, bien que n'atteignant pas exactement le niveau des pays asiatiques pour les mathématiques (mais étant tout de même parmi les meilleurs), étaient plus aptes à en faire un usage pratique grâce à leur capacité de résolution de problèmes concrets. D'ailleurs, tous les économistes prévoient que l'économie chinoise stagnera si elle ne devient pas plus inventive. Les 4 tigres d'Asie (Taiwan, Corée du Sud, Hong Kong et Singapour) ont connu une croissance phénoménale avant de stagner au point où l'économie québécoise (PIB par habitant) est plus forte que celle de Taiwan, de la Corée du Sud et est en égalité avec Hong Kong (celle-ci étant à la fois ville et région autonome, il serait plus juste de la comparer à la RMR de Montréal, qui dépasse largement Hong Kong).

Tout ceci sans mentionner les taux de suicide beaucoup plus élevés pour plusieurs pays d'Asie, un style de vie hyper-stressant, des inégalités sociales alarmantes et la quasi-inexistence de services sociaux. Travailler pour vivre? D'accord. Se tuer pour travailler? Non merci, d'autant plus qu'absolument rien n'indique que ce soit la voie à suivre. Malgré tout, les jeunes Québécois travaillent fort et n'ont certainement pas à avoir honte d'eux-mêmes, quoiqu'en pensent les éléments les plus à droite de notre société.

S'il est vrai que l'économie du Québec a ses défauts et que nous pouvons faire mieux, affirmer que la jeunesse québécoise est paresseuse et leurs parents irresponsables est d'une grossièreté sans nom. François Legault s'est mis les pieds dans les plats et, plutôt que d'admettre avoir commis une erreur, en a rajouté pour se justifier. Autant les statistiques que les faits démontrent pourtant qu'il a tort. Tente-t-il encore de gagner des points en tapant sur les étudiants? En orientant son parti vers une nouvelle mouture du Parti libéral, François Legault a renoncé à l'ensemble de ses idéaux pour tenter d'atteindre le pouvoir. Faut-il le blâmer pour cela? Non. D'autant plus qu'en courtisant l'électorat fédéraliste, il divisera le vote pour le statu quo. Sera-t-il encore fédéraliste advenant une déconfiture de son parti? Deviendra-t-il autonomiste? Tout est possible avec un parti où tous semblent renoncer à leurs idéaux. Legault démontre néanmoins qu'il tient encore à au moins une valeur : il est foncièrement écologique. En effet, son parti, constitué de matières recyclées, risque de démontrer après les élections qu'il est également 100 % recyclable!

François Legault en campagne

7 novembre 1998

La carrière de François Legault

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