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Pour en finir avec les salopes!

Le langage est instrumentalisé. Sans que nous y portions attention, il est là, au creux de nos bouches, prêt à mordre. Nous utilisons des mots et des verbes, des combinaisons de lettres bourrées de sens, auxquels nous ne portons plus attention. Nous ne le voyons plus, car nous nous sommes façonnés dans ce langage que nous ne contestons pas assez.
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Pas de grosse surprise ici : le langage est instrumentalisé. Sans que nous y portions attention, il est là, au creux de nos bouches, prêt à mordre. Nous utilisons des mots et des verbes, des combinaisons de lettres bourrées de sens, auxquels nous ne portons plus attention. Nous ne le voyons plus, car nous nous sommes façonnés dans ce langage que nous ne contestons pas assez. La langue modèle nos pensées du quotidien et brouille la réalité. Elle fait violence, créant des exclus, des soumis, des souillés et des monstres.

En utilisant des mots dont nous avons oublié la symbolique, nous contribuons, sans le savoir, à propager des discours haineux ou trompeurs. Le vocabulaire de la violence fait écho à cette théorie puisqu'une grande partie du langage colérique insulte implicitement les femmes et les homosexuels. Par exemple, lorsque nous disons « Cette fille est une salope », ce que nous disons réellement, c'est: « Les femmes qui ont une vie sexuelle active et plusieurs amants sont des monstres ». Être traitée de baiseuse est une injure. Lorsque nous utilisons « Va te faire foutre », ce que nous disons réellement, c'est: « Être pénétré est une insulte, un acte de salissure ». Lorsque nous disons « fif », ce que nous disons réellement, c'est: « Être un homosexuel est une honte ». Je pourrais continuer comme ça longtemps, mais vous avez sûrement saisi où je voulais en venir.

D'où vient cette manie de salir symboliquement le corps du pénétré ? Probablement d'une époque lointaine, celle où l'homme prit conscience du rôle qu'il joue dans la procréation. Impossible, alors, de savoir avec certitude si ce nouveau-né est vraiment le vôtre, ou celui de votre voisin. On met donc en place un système où la femme appartient au mâle. Comme un objet, on lui enlève ses droits (éducation, indépendance financière, etc.). Tout être vivant sortant de son sexe sera baptisé au nom du père pour souligner au fer rouge qui est le maître. Moi, homme; vous, mes choses !

Pour décourager les femmes des plaisirs sexuels et du libertinage, on met en place un système de valeurs où la moindre incartade vous fait pute. « Pas de sexe avant le mariage ! »; « À ta nuit de noces, on doit voir les taches de ton hymen déchiré sur les draps ! »; « Une jeune fille enceinte ? Ouache! Rien de plus dégoûtant qu'une fille-mère ! » Je n'exagère pas! À quoi servirent les ceintures de chasteté et l'excision si ce n'est pas à contrôler la pureté de la vierge et assurer la descendance du mari ?

Même si aujourd'hui, au Canada, l'excision et les ceintures de chasteté sont des pratiques illégales, il n'en demeure pas moins que la société porte les vestiges de cette logique de la honte. Le pouvoir du masculin appuie sa suprématie sur le salissage du féminin. Salope, pute, traînée. Celle qui se fait pénétrer est sale, sauf si elle accepte de rentrer dans le jeu : pas trop de partenaires sexuels, un seul si possible ; cochonne, mais seulement avec son amoureux, pas avec les autres avant lui ; soumise, fidèle... Une bonne fille quoi !

C'est probablement pourquoi les homosexuels font si peur aux machos. En prenant conscience que l'homme peut être pénétré, le mâle frôle l'expérience féminine. Son jeu de souillure n'est plus effectif. La seule issue de secours est de détruire l'homosexuel. Si ce n'est pas à coup de poing, ce sera avec les mots : fif, tapette, pédé, etc.

Ce discours social, toujours présent, quoique plus subtil, au quotidien, est arriéré. Il tente de couvrir de honte les femmes, les homosexuels et toutes les victimes de viol. On le voit très bien dans les cas de vidéos diffusés sur le web aux États-Unis où de jeunes filles intoxiquées se font violer par des garçons de leur classe (l'histoire horrible d'Audrie par exemple). Qui porte la honte après ? Ce sont ces filles. C'est elles qui vivent l'exclusion du groupe, pas les agresseurs ! Juste pour ça, on devrait tous être en colère, se révolter, faire une émeute ! Je m'emporte.

Le slut-shaming est encouragé et nourrit par les mots que nous utilisons, parfois à la blague, sans se poser de questions. Si nous changions ce discours, la honte pourrait être renversée dans le cas d'agressions sexuelles. Les victimes, trop souvent silencieuses à cause de ce déshonneur qu'elles portent, pourraient se libérer de ce fardeau et porter plainte plus souvent et sûrement plus rapidement.

Il n'y a rien de dégoûtant à la pénétration entre adultes consentants. Rien. Qu'un geste normal et naturel qui permet à l'espèce humaine de se reproduire et de s'aimer. Arrêtons d'instrumentaliser l'amour et la sexualité pour souiller l'image des gens et donner, du même coup, un pouvoir énorme aux machos.

Stop right now, thank you very much!

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