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Et si les profs collaboraient avec Sébastien Proulx...

Pendant la fin de semaine, le ministre de l'Éducation, M. Sébastien Proulx, a évoqué la possibilité de créer un ordre professionnel des enseignants. Cette idée est-elle nouvelle? Bien sûr que non!
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Pendant la fin de semaine, le ministre de l'Éducation, M. Sébastien Proulx, a évoqué la possibilité de créer un ordre professionnel des enseignants. Cette idée est-elle nouvelle? Bien sûr que non! La CAQ l'avait déjà proposée en 2012 et le PLQ, lui-même, l'avait envisagée en 2008.

Cependant plusieurs ignorent que l'idée de professionnaliser le métier de pédagogue remonte aux années 1950 et à l'aube même de la Révolution tranquille. À cette époque, Jean-Paul Desbiens publiait sporadiquement dans les journaux Les insolences du Frère Untel. Ces lettres ouvertes publiées sous un pseudonyme (Frère Untel) visaient à dénoncer un dirigisme arbitraire clérical qui régissait un réseau scolaire public déficient et qui maintenait le Québec en retard vis-à-vis le reste des autres États d'Amérique du Nord. Or, l'auteur prodiguait deux solutions pour moderniser et régulariser le réseau scolaire public québécois.

La première était de laïciser les métiers de l'éducation. C'est cela, entre autres, qui avait inspiré Paul Gérin-Lajoie et Jean Lesage pour construire des écoles, puis pour créer un ministère de l'Éducation et ouvrir la porte aux laïcs scolarisés qui désiraient faire carrière dans le milieu scolaire.

La seconde solution que Jean-Paul Desbiens préconisait était de professionnaliser les métiers de l'éducation. Toutefois, dans la vague de la Révolution tranquille et des mouvements de syndicalisation des années 1970, le second chantier suggéré dans le projet scolaire de Frère Untel n'a jamais abouti. Or, un ordre professionnel des enseignants n'est pas une idée nouvelle au Québec.

Pourquoi cette idée rebondit-elle sporadiquement dans les médias?

Si ce projet revient inlassablement, cela témoigne d'un intérêt de la part d'intervenants scolaires pour la professionnalisation pleine et entière du métier d'enseignante et d'enseignant au Québec. Dans le contexte où le réseau vivote et divers acteurs déplorent quotidiennement un manque sans cesse croissant de ressources ainsi que l'absence d'autonomie réelle dans les écoles, il devient normal et judicieux d'explorer des projets inachevés pour actualiser le système. De plus, en considérant les limites des fonds publics, il faut savoir faire preuve d'efficience et oser repenser les rôles de chacun, voire décentraliser les pouvoirs en échange d'une forme d'imputabilité.

Bien entendu, les syndicats de l'enseignement ont maintes fois décrié la création d'un ordre professionnel. Au-delà des syndicats, il faut savoir que la crainte spontanée des profs est d'ordre financier. Si les enseignantes et les enseignants du Québec sont déjà contraints de débourser plus 1 000$ annuellement à leur syndicat, ils craignent devoir en payer autant pour un ordre. Ainsi, il faudrait rassurer le corps professoral à l'égard des couts possibles et règlementer le tout. Pour leur part, les syndicats craignent de voir leurs membres voter en assemblée générale une réduction de leur cotisation annuelle, ce qui signifierait moins d'argent dans leurs coffres! Sans oublier qu'un ordre exercerait une influence nouvelle sur laquelle ils pourraient difficilement exercer leur contrôle dans les débats... Bref, l'antipathie des syndicats du monde scolaire à l'égard d'un projet d'ordre professionnel est instinctive.

Outre l'instinct de survie et l'argent, il y a des valeurs et des concepts idéologiques et professionnels qui sont en jeu ici. Par exemple, l'imputabilité. Un enseignant peut-il être tenu responsable des apprentissages et des compétences que développent ses étudiants? La réponse des syndicats est demeurée inchangée depuis des décennies. C'est non.

Pourtant, les recherches ont démontré qu'il existe un effet enseignant. Celui-ci témoigne que des pratiques professionnelles, des comportements et des connaissances adaptées par des pédagogues influencent le rendement scolaire des étudiants. Quiconque oserait soutenir le contraire laisserait entendre que les profs n'apportent aucune valeur ajoutée à l'expérience scolaire d'un apprenant!

Alors en tant que prof moi-même, je suis d'avis que nous avons une part de responsabilité dans la destinée scolaire de nos étudiants. Nous jouons un rôle déterminant dans leur vie. Par conséquent, nous méritons une réelle autonomie professionnelle notamment pour acquérir notre matériel et nos outils de manière efficace et aussi pour nous associer à des institutions en fonction de leurs projets pédagogiques.

En tant que pédagogues héritiers d'un savoir et d'habiletés, et de compétences professionnels, nous avons tout à gagner en souscrivant à un projet d'ordre professionnel. Par exemple, nous aurions avantage à nous engager auprès de la population, à offrir des services qui correspondent aux moyens modernes et aux ressources dont on dispose en nous inspirant des récentes recherches scientifiques. En agissant de la sorte, nous nous élèverions au-delà d'un statut de travailleur de l'éducation. Nous contribuerions constructivement à rehausser l'image de notre métier et légitimer notre statut professionnel.

En attendant, le projet de Monsieur Proulx demeure ambitieux et hasardeux. Sur le plan politique, il s'engage dans un épineux débat avec les syndicats à moins de deux ans des élections avec le statut du remplaçant du remplaçant du remplaçant. En effet, trois autres députés l'ont déjà précédé; MM Bolduc, Blais & Moreau.

Néanmoins, en ce qui concerne la légitimité de ses travaux, M. Proulx témoigne d'opportunisme. Qui plus est, M. Couillard et lui ont fait preuve d'humilité pour reconnaitre s'être égarés dans des débats de structure et se sont recentrés sur les principaux acteurs de l'école québécoise: les élèves et les pédagogues.

En témoignant de l'écoute à l'égard des partis d'opposition et des milieux scolaires, le gouvernement manifeste de l'ouverture au dialogue et se comporte ainsi en leader. Enfin, si nous avons à cœur le développement économique du Québec, son rayonnement culturel et, surtout, l'avenir des jeunes, nous aurions avantage nous abstenir de toute vile ou mesquine partisanerie pour dialoguer constructivement avec M. Sébastien Proulx et ses représentants afin d'actualiser notre réseau scolaire à l'ère du XXIe siècle.

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