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Les frais de scolarité à l'école publique sont-ils justes et équitables?

La persévérance et la réussite scolaires représentent de sérieux enjeux économiques et l'éducation reste un levier incontournable qui a été négligé pour relancer l'économie au Québec.
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C'est la rentrée et ça coûte cher. Certains parents m'ont témoigné avoir presque 1 000$ à débourser soudainement pour acquitter les droits de scolarité de leurs deux enfants inscrits à l'école secondaire publique!

La gratuité scolaire est révolue depuis longtemps au Québec. L'égalité des chances est une valeur que nous avons délaissée. Rien n'est gratuit, pas même le droit de s'instruire et d'apprendre pour acquérir une formation de base qui correspond aux intérêts de chaque élève.

Il y a plus de 50 ans, les Québécoises et les Québécois se sont dotés d'un réseau scolaire public pour favoriser l'égalité des chances et nombreux sont parvenus à améliorer leur condition sociale. Parallèlement à son avènement, toute la société a connu un essor économique sans précédent dans les années qui ont suivi. Qu'en est-il aujourd'hui à votre avis?

«À court de moyens et pour parvenir à leur fin, les écoles vendent souvent chocolat ou pacotilles pour se financer. C'est la marchandisation de l'éducation.»

À l'école publique aujourd'hui, vous avez droit à différents services et différents outils selon ce que vous déboursez. Vous pouvez aller au théâtre, visiter des musées, écouter un concert, etc. Puis, si vous payez moins, vous en avez moins, si vous ne payez pas... À court de moyens et pour parvenir à leur fin, les écoles vendent souvent chocolat ou pacotilles pour se financer. C'est la marchandisation de l'éducation.

De nos jours, cette approche dépasse le débat public vs privé. Cette logique a rejoint la réalité quotidienne des écoles publiques. Si des parents reçoivent une facture allant jusqu'à plus de 500$ par enfant, c'est qu'ils ont inscrit leur progéniture dans un programme spécial pour répondre à ses intérêts. Spontanément, cela peut sembler juste. Ils en veulent plus, ils payent plus. Par conséquent, ceux qui en veulent moins payent moins. Alors, ceux qui ont plus de moyens peuvent en avoir plus. Cela vous semble juste, n'est-ce pas?

Pour se défendre, l'école dira souvent que les parents ont choisi librement d'inscrire leur enfant dans une concentration à vocation sportive, technologique ou artistique. Toutefois, quand les parents l'ont «choisie», ladite concentration, la facture n'était pas toujours déterminée. Dans certains établissements scolaires, il semble qu'elle puisse fluctuer jusqu'à quelques jours de la rentrée. Ainsi, le compte arrive pour certains quelques heures avant la rentrée et les parents sont contraints de régler la note rapidement. Certaines écoles vont jusqu'à menacer, avant même le premier jour d'école, de ne pas remettre les fournitures scolaires aux élèves dont les parents n'auront pas acquitté leur facture. Est-ce là une stratégie de relation publique qui favorise le développement de relations harmonieuses entre l'école et les familles ?

Par ailleurs, n'est-ce pas la mission même de l'école publique d'instruire, de socialiser et de qualifier chaque élève en fonction de ses intérêts et ses habiletés? S'il en est ainsi, pourquoi des parents devraient-ils avoir à payer pour permettre à leurs enfants de faire plus de sport, ou jouer d'un instrument de musique?

Les programmes particuliers sont devenus une source de financement pour les établissements scolaires. Alors, les écoles n'hésitent pas à publiciser activement leurs programmes et inciter les jeunes à s'y inscrire. Chacune rivalise entre elles. La compétition et le clientélisme existent même au secteur public. Bien que cela force les équipes-écoles à se mobiliser et faire preuve de créativité dans l'élaboration de leur projet éducatif, des iniquités peuvent laisser des jeunes sur la touche.

Qu'advient-il quand un enfant possède de l'intérêt ou du talent pour s'inscrire dans des concentrations particulières puis que ses parents ne disposent pas des ressources nécessaires face au «marché scolaire» pour lui permettre d'assouvir ses passions? Alors cet élève ne dispose pas des mêmes moyens ni des ressources comparables à ses pairs pour poursuivre sa formation. Certains s'en aperçoivent très tôt ; dès le primaire. Cela se répercute sur leur motivation et leur persévérance scolaire.

La marchandisation de l'éducation peut être perçue comme étant juste, mais elle demeure inéquitable pour d'autres. Et, ce sont d'abord ces jeunes déjà vulnérables, des adultes en devenir, qui en subissent les conséquences. Plus tard, c'est la société immanquablement qui en assume les impacts. En 2016 au Québec, des écoles produisent ou entretiennent des iniquités en se confortant d'être «justes».

Ce qui demeure plus navrant, c'est que le principe d'égalité ou de justice selon lequel on modélise nos écoles publiques nuit aux intérêts de toute la collectivité. En effet, les iniquités scolaires sont intimement reliées à une problématique qui gangrène tout le Québec : la sous-performance économique. Cependant, cette réalité échappe aux yeux de la majorité à mon avis.

N'allez pas croire ici que j'accuse le réseau scolaire tout entier d'incompétence ou de complaisance. Je suis conscient que nos élèves «performent» remarquablement aux tests PISA. Cependant, ceux-là ne représentent qu'un échantillon de l'ensemble des jeunes qui fréquentent nos écoles. Qui plus est, certains d'entre eux ont déjà abandonné l'école avant d'être en âge pour participer au PISA. Dans les faits, nos élèves demeurent moins nombreux qu'ailleurs à compléter une formation qualifiante. Néanmoins, cette formation s'avère appropriée. D'ailleurs de nombreux enseignants doivent faire un travail hors pair, compte tenu des moyens dont ils disposent, puisque les élèves qui demeurent en classe se distinguent sur la scène internationale. Voilà un indice qui témoigne que notre système fonctionne pour quelques-uns. Certes, il y a des lacunes. Notre système scolaire peut être optimisé, voire actualisé, mais il n'a nul besoin de subir une sempiternelle réforme de ses programmes pédagogiques.

Le défi du réseau scolaire québécois revient à se doter des conditions nécessaires pour garder plus de jeunes en classe jusqu'à ce qu'ils obtiennent une qualification probante pour intégrer le marché du travail. Dans une telle perspective, les frais de scolarité à l'école publique peuvent être inéquitables puisqu'ils restreignent l'accès des jeunes et des adolescents issus de milieux socioéconomiques plus difficiles à une expérience scolaire stimulante comparable à celle de leurs pairs.

Je me soucie de cette problématique pour notre intérêt à tous. En soustrayant aux milieux les plus à risque les ressources dument requises pour leur offrir des chances égales, nous minons notre développement économique collectif.

«La persévérance et la réussite scolaires représentent de sérieux enjeux économiques et l'éducation reste un levier incontournable qui a été négligé pour relancer l'économie au Québec.»

Quand un ado ne dispose pas des conditions correspondant à ses intérêts dans son milieu scolaire, l'école devient pour lui insignifiante et il décroche. Tolérer plus longtemps le décrochage scolaire comme un phénomène inévitable et éternel revient à nous retenir de former des travailleurs spécialisés, des professionnels, des entrepreneurs, des artistes, des chercheurs, etc. Il existera toujours dans des quartiers populaires des Mario Lemieux, Marie-Sissi Labrèche, Alain Lefèvre ou Oliver Jones en devenir. Ne l'oublions jamais. Il ne tient qu'à nos dirigeants de mettre en place les conditions optimales pour que les jeunes grandissent ainsi, et pas autrement.

D'ici à ce que nous entreprenions, au Québec, un changement de culture à l'égard de l'éducation publique, nous demeurerons, ensemble, une population à risque marquée par des écarts socioéconomiques croissants, des différences de scolarité constantes, un taux d'analphabétisme plus élevé que dans plusieurs sociétés industrialisées, l'omniprésence de soupçons de corruption et une activité économique inférieure à celle des autres grandes provinces canadiennes. Tout cela, malgré nos 16 000 000 000$ investis en éducation!

Bref, je souhaite que nous actualisions notre réseau scolaire. J'aimerais que nos écoles puissent offrir une réelle égalité des chances à tous les élèves. Que nos établissements scolaires représentent des milieux de résilience pour celles et ceux qui connaissent un départ plus difficile. Que chaque enfant y retrouve les ressources nécessaires et des outils modernes pour grandir et devenir l'adulte dont il rêve. La persévérance et la réussite scolaires représentent de sérieux enjeux économiques et l'éducation reste un levier incontournable qui a été négligé pour relancer l'économie au Québec.

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