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Le vrai visage du cours Éthique et culture religieuse

TEXTE COLLECTIF - Les opposants au programme Éthique et culture religieuse ont dernièrement multiplié les sorties médiatiques pour demander que ce cours soit revu ou sinon carrément retiré des écoles du Québec. Voici donc notre plaidoyer «pour» un cours d'ÉCR 2.0 qui prend en compte les objections que l'on y fait.
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Récemment, suivant la parution du collectif La face cachée du cours Éthique et culture religieuse, les opposants au programme Éthique et culture religieuse (ÉCR) ont multiplié les sorties médiatiques pour demander que ce cours soit revu ou sinon carrément retiré des écoles du Québec.

Plus de 70 signataires - des enseignants du primaire et du secondaire ainsi que des universitaires (voir la liste à la fin du texte) - tiennent ici à se faire entendre sur cette question. Nous sommes évidemment en faveur du cours. Par ailleurs, nous sommes parfaitement conscients que des aménagements doivent y être apportés.

Voici donc notre plaidoyer «pour» un cours d'ÉCR 2.0 qui prend en compte les objections que l'on y fait.

Contre: La religion devrait être oubliée et « enterrée »; elle n'a pas sa place dans une société laïque.

Pour: Les faits parlent d'eux-mêmes: la religion façonne la vie de milliards de personnes - 84% de la population mondiale se dit croyante -, le phénomène religieux existe, que l'on soit pour ou contre. En 2016, comme l'affirme le philosophe français Roger-Pol Droit, la culture religieuse est indispensable. Pour lui, il faut « (...) avoir, sur toutes ces questions, des points de repère. Pour la "culture générale" et la compréhension des oeuvres d'art. Pour la vie quotidienne (...). Dans tous les pays, à présent, voisinent des gens de croyances différentes, qui doivent apprendre à se connaître. »

Contre: Le cours ÉCR est une sorte de catéchèse des religions et valorise le fait d'appartenir à une religion.

Pour: L'approche du cours ÉCR du phénomène religieux est culturelle, non catéchétique et se fait sans aucun prosélytisme. Elle se veut également respectueuse des croyances qui composent nos sociétés. De plus, la posture de l'enseignant prescrite par le programme est la neutralité, tant que les propos ou les comportements des élèves ne contreviennent pas aux valeurs québécoises mentionnées plus loin.

Contre: Le cours ne parle pas suffisamment des athées, des agnostiques et des visions séculières.

Pour: Même si le programme le permet déjà au secondaire et que beaucoup enseignants d'ÉCR expliquent la pensée de Sartre, d'Épicure, de Kant et de Mill pour ne nommer que ceux-là, nous sommes aussi d'avis qu'il faut donner à l'athéisme et aux autres visions séculières du monde la place qui leur revient de droit, même au primaire.

Contre: Ce cours ne permet pas de poser un regard critique sur le religieux.

Pour: Le programme le permet déjà au secondaire. Ainsi, sur le terrain, déjà bon nombre d'enseignants posent un regard critique sur les comportements promus par les religions qui vont à l'encontre de valeurs québécoises telles que l'égalité des sexes, la primauté du droit, la non-violence, la séparation des Églises et de l'État, pour ne nommer que celles-là. Nous croyons qu'il serait tout de même nécessaire que le ministère de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur (MESS) étende l'application de ce regard critique à tous les cycles. Ce cours, fondé sur des approches religiologique, sociologique, phénoménologique, anthropologique et historique peut et doit permettre de poser un regard critique. En ce sens, il peut contribuer à tenter d'empêcher toute forme de radicalisme religieux.

Encore cet automne, à Québec, lors de la conférence internationale sur la radicalisation organisée par l'UNESCO, plus de 250 expertes et experts se sont entendus pour reconnaître l'importance d'offrir un cours commun et obligatoire sur la religion comme objet de savoirs. Réduire la religion à un phénomène historique, comme certains voudraient le faire en déplaçant le volet « culture religieuse » dans les cours d'histoire, serait se priver d'une compréhension beaucoup plus large du phénomène religieux, notamment dans ses dimensions culturelles, éthiques et expérientielles. Les enseignantes et enseignants d'ÉCR ont justement développé une expertise dans ce domaine. Ainsi, on se retrouverait avec la situation absurde où des enseignantes et enseignants formés adéquatement pour enseigner la religion ne le feraient plus dans leur champ disciplinaire, alors que des enseignantes et enseignants peu ou non formés sur la religion auraient à l'intégrer artificiellement à leur discipline.

Enfin, pour les croyants qui s'inquiètent d'une approche critique des religions, Michel Schleifer montre que ces approches critiques du religieux ne conduisent pas pour autant les enfants à rejeter leurs croyances religieuses (Science et religion en éducation - comment répondre aux questions des enfants (2009), PUQ).

Contre: Les manuels d'ÉCR contiennent des images stéréotypées des femmes, des autochtones et des croyants, et participent au maintien de l'inégalité entre les hommes et les femmes.

Pour: Les manuels d'ÉCR ou les cahiers d'activités, même approuvés par le MEES, ne sont pas le programme lui-même. Si des manuels comportent certaines faiblesses, il faut les réviser. Leur accorder toute l'importance est réducteur. Mais surtout, l'ÉCR vise justement à défaire les préjugés et les stéréotypes sur l'ensemble des personnes et des groupes marginalisés. Encore une fois, dans les classes, c'est ce travail qui est accompli par les enseignants. Oui, nous devons parler davantage, entre autres, de sexisme et de racisme systémique.

Enfin, nous demandons que l'ensemble des écoles et de leur direction respectent les heures devant être consacrées au programme et qu'elles confient l'ECR à des enseignantes et enseignants qualifiés en la matière et non plus à des enseignants parfois sans formation dans le domaine. Cette pratique, trop souvent constatée, peut avoir pour effet d'affaiblir la qualité et la crédibilité du cours.

Des enseignants du primaire et du secondaire ainsi que ces universitaires ont cosigné cette lettre: Sylvie Beaudoin; Dominique Chabot; Benoit Raymond; Jean Dansereau; Jacinthe Bolduc; Carole Bergeron; Daniel Montpetit; Mélanie Dubois; Chantal Sirois; France Hogues; Gilles D'Astous; Vincent Beaucher; Christian Vinet; Véronique Pelletier; Nathan Robert; Alain Vandelac; Line Dubé; Marie-Josée Dumas; Anne Gingras; Sylvie Tardif; Stéphane Farley; Philippe Legault; François Besnard; Jean-Philippe Asselin; Chantale St-Cyr; Christine Trano; Christiane Wilson; Natacha Bernard; Annie Turpin; Lucie Desruisseaux; Louis Fortin; Marc-Antoine Johnson; Caroline Boucher; Cathy Boily; Sébastien Jean; David Ouellet; Lisa Desrochers; Julie Bérubé; Marc Landry; Marianne Picard; Geneviève Demontigny; Alexandre; Chenette; Chantal Bertrand; Marc Chevarie; Catherine Belval-Fratzios; Sivane Hirsch; Simon Martel; Isabelle Grenier; Jérôme Tremblay; Réginald Fleury; Éric Chevalier; Mike Cormier; Marie-Claude Roy; Hélène Marchildon; Jonathan Pereira-Lauzier; Marc André Defoy; Céline Blais; Karine Therrien Harpin; Milène Houde; Stéphanie Tremblay; Louis Rousseau; Denis Jeffrey; Christine Cossette; Patrice Trudeau; Sébastien Desy; Alexis Ferland; Carl P-Poliquin; Alexandre Brisson; Katy Philippe; Karine Beaulieu; Alexandre Vallée-Payette; Yves Roy; Sylvain Fournier; Valérie Pellerin; Philippe-Olivier Giguère; Émilie Lambert

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