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Mince réconfort, j'en conviens, mais grâce à vous et votre conjointe, des ponts ont été construits et des dialogues amorcés entre des parents et leurs enfants afin, ultimement, de sauver des vies.
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Cher M. Taillefer,

Je cherche en vain depuis quelques jours les mots justes, la phrase appropriée pour témoigner de toute ma sympathie suite au décès tragique de votre fils Thomas.

Outre les formules d'usage dans ces circonstances - «mes plus sincères condoléances à vous et votre famille» - quoi dire à un père qui vit un drame si épouvantable? Quels mots utiliser pour exprimer l'indicible?

Car j'ai peine à imaginer le chagrin et la douleur qui vous accablent en ces moments difficiles.

La perte d'un enfant, quelles qu'en soient les circonstances, demeure une calamité de la vie. Une brèche dans l'ordre naturel des choses. Le pire cauchemar de tout parent.

Je salue votre courage ainsi que celui de votre conjointe d'avoir publiquement parlé ces derniers jours des circonstances entourant le décès de votre fils. Exercice extrêmement douloureux, je n'en doute point.

Votre bouleversant témoignage à Tout le monde en parle a touché des milliers de Québécois. Votre sincérité et votre humilité méritent l'admiration de tous.

Votre témoignage a aussi, j'en suis fort convaincu, incité plusieurs parents à parler de suicide et de santé mentale avec leurs enfants.

Plusieurs pères, plusieurs mères interpellés par votre histoire ont sans aucun doute approché leurs adolescents dans les jours qui ont suivi la diffusion de l'entrevue afin d'ouvrir le dialogue sur ce sujet délicat, mais ô combien important.

Je suis l'un d'eux.

Je suis papa d'un fils âgé de 14 ans. Le même âge que Thomas.

Je vis aussi avec une maladie mentale depuis plus de 20 ans.

À plusieurs moments de ma vie, les idées noires et le désespoir ont envahi mes pensées. À quelques reprises, j'ai songé à m'enlever la vie. À chaque fois, j'ai donné une autre chance à la vie.

Pendant de nombreuses années, j'ai caché ma condition médicale par crainte du rejet ou du jugement. Seule une poignée de gens était au fait de mon histoire et de ma condition médicale.

Jusqu'au jour où j'ai pris la décision de parler ouvertement de ma maladie mentale. Le plus beau jour de ma vie!

Mon fils sait donc que son papa souffre d'une maladie mentale et prend des médicaments pour en limiter la portée.

Le suicide, par contre? Un sujet jamais abordé jusqu'à maintenant.

Le moment était donc venu. D'autant plus que je suis témoin privilégié des transformations radicales et fulgurantes qui chamboulent mon fils depuis quelques temps.

J'assiste en fait à la naissance d'un être indépendant et à l'éclosion d'un jeune homme. Avec toute sa furie, son pouvoir d'indignation, ses conflits intérieurs, sa conscience sociale.

Mais où est passé le petit garçon qui, il n'y pas si longtemps me semble-t-il, apprenait l'alphabet et s'amusait avec ses super-héros favoris?

Ainsi, nous avons donc discuté du suicide et en sommes venus à une entente. Dans un jargon que vous reconnaîtrez sans doute, nous avons conclu une entente bilatérale.

Un serment qui nous unit, un pacte avec droits et obligations et qui, dans d'éventuels moments de grand désespoir ou de détresse, nous ramène à l'essentiel : en parler à l'autre ou à une personne de confiance avant de poser un geste fatal et permanent.

En somme, un profond gage d'amour entre un père et son fils.

D'un père à un autre : je vous en remercie.

Mince réconfort, j'en conviens, mais grâce à vous et votre conjointe, des ponts ont été construits et des dialogues amorcés entre des parents et leurs enfants afin, ultimement, de sauver des vies.

Je vous remercie également pour votre travail de sensibilisation. Comme vous l'avez si bien mentionné lors de votre entrevue à Tout le monde en parle :

«Aujourd'hui, on va voir des médecins pour la grippe, mais les gens sont gênés de dire qu'ils vont voir des psychologues. J'ai commencé à parler autour de moi, je pose la question: "Est-ce que vous voyez des psychologues?" La plupart des gens me disent: "Oui, mais parle-en pas". Il y a encore beaucoup de tabous par rapport à ça.»

En effet, trop de préjugés persistent encore de nos jours au sujet des maladies mentales et le temps est venu d'y remédier.

Soyez assurés que je serai à vos côtés dans votre quête afin de sensibiliser la population et faire tomber les tabous et les préjugés envers les maladies mentales.

Le temps est venu de changer les perceptions. Le temps est venu de faire tomber cette stigmatisation. Le temps est venu d'en parler!

Enfin, je vous souhaite ardemment de retrouver une paix intérieure et une certaine sérénité malgré la terrible épreuve qui a chaviré votre vie et celle de votre conjointe.

Veuillez agréer mes plus sincères salutations.

La version originale de cet texte a été publié sur le site Entre les deux oreilles.

Êtes-vous dans une situation de crise? Besoin d'aide? Si vous êtes au Canada, trouvez des références web et des lignes téléphoniques ouvertes 24h par jour dans votre province en cliquant sur ce lien. Au Québec, contactez le Centre de prévention du suicide au 1 866 277-3553.

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