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La Cité-Jardin du Tricentenaire de Montréal

Se promener dans les rues de ce patrimoine des années 1940 est une expérience un brin déroutante.
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Ce concept d'urbanisme britannique de la fin du 19e siècle aussi appelé City Beautiful Movement, fondé par Sir Ebenezer Howard, est relativement simple: repenser la ville en opposition à l'industrialisation des grandes villes.

Un quartier avec une densité faible dans des rues cul-de-sac pour en réduire la circulation, entouré de verdure ou même de terres agricoles, avec ses éléments publics comme les parcs et les centres culturels au milieu du quartier pour une utilisation minimale de l'automobile. À Montréal, nous sommes au début des années 1940, au début de la Deuxième Guerre mondiale, l'étalement urbain n'est pas encore tout à fait une réalité et l'automobile n'est pas encore déclarée comme ennemi numéro un. Il faut se placer en contexte: nous sommes tout de même à l'époque où fumer n'était pas néfaste pour la santé, les Québécoises viennent tout juste d'avoir le droit de vote et le salaire annuel de la classe moyenne se situe autour de 2000 dollars. Dernièrement des plans par l'architecte-paysagiste Jacques Greber pour une cité-jardin qui devait voir le jour à Villeray, dans le domaine Saint-Sulpice, ont été découverts. Ce plan ne verra jamais le jour et il faudra attendre au tricentenaire de la fondation de la ville pour voir une première cité-jardin à Montréal.

Photo: Archives de Montréal

En 1940, avec l'aide de la communauté religieuse des Jésuites par l'entremise de Père Jean-d'Auteuil Richard, du Mouvement Desjardins et de l'avocat Auguste Gosselin, est créée l'Union économique d'habitation (UÉH) visant à offrir aux familles de la classe ouvrière la possibilité d'accéder à la propriété, loin des plex des quartiers ouvriers d'Hochelaga ou du Faubourg à m'l'asse, plus au sud. L'UÉH prend possession des terrains dans Rosemont, entre les rues Sherbrooke est, Viau, Dickson et Rosemont.

Fortement inspiré du quartier Radburn au New Jersey, la création des plans est alors offerte à l'urbaniste Samuel Gitterman, un gradué en architecture de l'Université McGill qui donne la forme finale de ce qui deviendra un legs pour le 300e anniversaire de la fondation de Montréal en 1942.

Des rues de formes serpentines terminant sur des passages piétonniers menant vers un bâtiment commun, qui sera utilisé comme bureaux pour l'Union, la Coop alimentaire et des espaces religieux. Beaucoup de verdure et d'arbres longent les rues, offrant beaucoup ombre et très peu d'îlots de chaleur. L'aménagement paysager est même sous la direction technique du Jardin botanique de Montréal qui aidera les citoyens à planifier leur plantation, tout en remplaçant les arbres au fil des années suivantes lorsque cela sera nécessaire. La toponymie nous rappelle les essences particulières d'arbres qui les bordent: rue des Sorbiers, des Cèdres, des Tilleuls ou des Sapins. Le nouveau quartier embrassera son titre de cité-jardin jusque dans le nom de ses rues.

La construction débute en 1941 dans l'avenue des Marronniers avec les premiers résidants prenant possession de leur demeure en 1942. Les acheteurs ont le choix de quelques types de maisons modèles: le «Chalet Suisse», «Maison canadienne-française» ou la «Maison Victoire». Faciles et rapides à construire dans les règles de l'art de fabrication du moment, 48 nouvelles résidences sont érigées rue des Mélèzes et, année après année, de nouveaux chantiers sont ouverts. En 1947, la cité-jardin compte 167 maisons sur les 300 à 600 projetées. Cette même année, suite à des problèmes internes de gestion et au succès mitigé du projet, l'Union économique d'habitation plie bagage et déclare faillite. Une liquidation vendra les maisons et cédera les rues à la Ville de Montréal en 1948. L'UÉH disparaît finalement en janvier 1964.

Plan de la proposition originale versus ce qui a été construit entre 1941 et 1947.

La cité-jardin de Rosemont se voulait une expérience sur l'installation d'une banlieue viable et utile où, malgré la présence importante de l'automobile pour une utilisation quotidienne, elle pouvait rester stationnée durant la fin de semaine. Profiter de la ville tout en habitant une campagne et profiter de la nature, de Dieu (on se rappelle, les Jésuites sont derrière le projet) et d'un loyer abordable. La construction fut plus longue que prévu et les coûts explosèrent, les résidences prévues pour la classe moyenne sont plutôt la proie de la petite bourgeoisie qui ont les moyens de se payer les nouvelles maisons. Plusieurs des gestionnaires du projet même furent séduits par le projet et comptèrent parmi les premiers acheteurs, dérogeant au profil de l'acheteur voulu. Le bâtiment commun est transformé en école primaire pour le baby boom d'après-guerre.

L'avenue des Plaines, Rosemont-Petite-Patrie, 2015.

Aujourd'hui dans l'ombre de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont, du Stade et des Pyramides Olympiques, le secteur est où la densité habitée est parmi les plus basses à Montréal. Il est possible de voir un clivage important entre les résidents anciens qui sont de la première époque et dont la maison est passée de génération à génération, et les résidents récents, qui se sont procurés ces maisonnettes au coût de plusieurs centaines de milliers de dollars, parfois près du million. Les rutilantes BMW, Range Rover et Mercedes longent les rues aux côtés des Hyundai et des Honda. Des agrandissements et autres interventions radicales, pas toujours nécessaires, de plusieurs des constructions originales en détruiront l'héritage du patrimoine exceptionnel qu'était cette expérience du début des années 1940.

Depuis, la Ville de Montréal et l'arrondissement Rosemont-Petite-Patrie se sont dotés d'un Plan d'implantation et d'intégration architecturale (PIIA). La disparition de certains sentiers pour piétons par des propriétaires voulant agrandir leur terrain est un exemple de mal déjà fait. Le PIIA est venu mettre au clair les règles pour ce patrimoine bâti de l'est de la ville. Il reste que se promener dans les rues curvilignes de cette cité-jardin demeure une expérience un brin déroutante. Il est déconcertant de savoir que nous ne sommes qu'à quelques mètres du «métro-boulot-dodo» sans avoir à se taper la traversée d'un pont pour se rendre dans l'étalement urbain autour de la ville centre.

Pour en savoir plus sur la Cité-Jardin-du-Tricentenaire je vous invite à lire Une cité-jardin à Montréal de Marc H.Choko, publié chez Méridien en 1988 (ISBN 978-2920417441) qui semble être la source incontestée pour l'histoire complète du quartier.

Ce billet a été initialement publié sur le blogue ProposMontréal.

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