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La cyber-répression: la nouvelle ingérence occidentale

La manipulation médiatique n'est pas un sujet nouveau. De la guerre en Irak à la Libye, l'information sert aussi l'intérêt diplomatique des grandes puissances occidentales. Mais depuis peu, l'Occident organise aussi l'interventionnisme informationnel dans les États dictatoriaux via ses firmes de cyber-répression. Ou quand l'Occident ne cesse de réinventer les formes de son ingérence.
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La manipulation médiatique n'est pas un sujet nouveau. De la guerre en Irak à la Libye, l'information sert aussi l'intérêt diplomatique des grandes puissances occidentales. Mais depuis peu, l'Occident organise aussi l'interventionnisme informationnel dans les États dictatoriaux via ses firmes de cyber-répression. Ou quand l'Occident ne cesse de réinventer les formes de son ingérence.

Le maquillage médiatique de l'ingérence occidentale, une vieille histoire

Il n'est question ni de cynisme déplacé ni de théorie complotiste, mais d'une réalité diplomatique. À la surface d'une terre où les ressources s'épuisent, les États cherchent à s'assurer l'avenir le plus prospère possible. À ce titre, chacun avance ses pions sur l'échiquier planétaire de manière à s'aménager un accès stratégique vers les ressources naturelles. Sans compter le prosélytisme idéologique qui influence lui aussi les politiques étrangères officieuses.

Mais ces intérêts sont irrecevables en soi quand pour les satisfaire l'Occident fait preuve d'ingérence territoriale. Le temps de la colonisation est terminé, du moins la colonisation basée sur une idéologie raciste dominante. Elle prend aujourd'hui des formes plus sophistiquées et l'habillage doit être irréprochable. Pour pouvoir agir, les gouvernements ont besoin de l'adhésion de l'opinion et donc de justifications moralement défendables. Sans dire que l'ensemble des médias est manipulé, l'asymétrie de l'information conduit souvent à l'instrumentalisation des journalistes.

Les exemples d'hier et d'aujourd'hui

La troisième guerre du Golfe n'en est que l'exemple le plus retentissant. Les États-Unis, en affirmant que l'Irak avait essayé de se procurer des tubes d'uranium (utilisés pour la construction de réacteurs nucléaires), ont décidé de déclarer formellement la guerre au pays. Les médias ont relayé le mythe des armes de destruction massive ce qui a permis de justifier l'intervention auprès des Américains et de la communauté internationale. A posteriori, des enquêtes ont été menées pour déterminer si oui ou non l'Irak était à l'origine d'un programme nucléaire. Elles ont conclu à une machination visant à circonscrire les puits de pétrole irakiens et à prouver la rapidité et la supériorité de la force de frappe américaine.

Les exemples de cette instrumentalisation médiatique se multiplient. Les médias ont par exemple été accusés de relayer une information sélective à propos du conflit libyen en 2011. Ils ont notamment soutenu de manière unilatérale les modalités de l'intervention. Celles-ci s'appuyaient sur une interprétation discutable de la résolution de 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies selon laquelle les pays membres de l'ONU qui le souhaitent pouvaient protéger les populations civiles et les zones civiles en Libye.

L'effet papillon ou quand les médias causent des dommages collatéraux

Le biais occidental n'a pas seulement pour conséquence de désinformer. Il peut envenimer les conflits et alimente parfois des idéologies extrémistes qui le dépassent et se retournent contre lui. Pensons au reportage du JT de France 2 du 30 septembre 2000, diffusé par les chaînes de télévision du monde entier, dans lequel Charles Enderlin, correspondant de France 2 à Jérusalem, commente en voix off la manière dont un homme et son fils, Jamal et Mohamed al-Dura, sont pris pour cible par les soldats israéliens lors d'un affrontement près du carrefour de Netzarim dans la Bande de Gaza.

Le reportage se termine sur la mort tragique de l'enfant. Il est devenu par la suite un martyr de la cause palestinienne et sera notamment utilisé pour justifier le meurtre de Daniel Pearl, qu'Al-Qaïda a revendiqué pour venger le garçon. L'authenticité de ce reportage est depuis longtemps remise en cause par des sceptiques tels que la journaliste allemande Esther Schapira ou l'homme politique français Philippe Karsenty. Si les motifs d'une éventuelle mise en scène restent inconnus, il n'en reste pas moins que les images ont déjà fait leur « œuvre » et provoquent beaucoup de morts dans le monde entier.

Quand la cyber-répression dans les dictatures est permise par les firmes occidentales

On n'a pas fini d'entendre parler de la manière dont l'Occident organise son droit de regard sur les pays en guerre. Mais plus récemment, une nouvelle étape a été franchie. Des firmes occidentales interviennent depuis peu à la source de l'information en vendant aux gouvernements en guerre des outils électroniques de surveillance et de censure liberticides et de plus en plus sophistiqués.

C'est ce qui a été découvert par des journalistes du Wall Street Journal et de la BBC en septembre 2011 après la chute du colonel Kadhafi. Ils ont mis la main, dans les quartiers généraux de l'ancien dictateur, sur un contrat signé en 2007 entre la société d'ingénierie informatique française Amesys et les autorités de Tripoli. Il s'agissait de la vente d'un système d'interception des e-mails et de surveillance des messageries instantanées avec un volet d'assistance technique, ce qui ne laisse aucun doute sur la connaissance qu'avait l'entreprise de la véritable finalité de l'outil.

Ces instruments de contrôles antidémocratiques visent à limiter l'expression des net-journalistes et des blogueurs dans des pays (Chine, Iran, Russie, Biélorussie, Ouzbékistan etc.) où les réseaux sociaux jouent un rôle de contre-pouvoir prépondérant et ont conduit à de nombreuses arrestations et emprisonnements.

Selon Reporters sans frontières, le marché mondial de la cyber-surveillance représente 5 milliards d'euros en 2011 et près de 160 entreprises dont les leaders sont essentiellement européens et américains. Il existe bien une industrie locale de la cyber-répression en Chine par exemple, mais la surveillance façon Big Brother des pays du Moyen-Orient et de l'Afrique est finalement orchestrée par des firmes occidentales.

La découverte de ce nouvel avatar, très élaboré, de l'interventionnisme souligne en creux, et avec d'autant plus de force, l'hypocrisie des dirigeants occidentaux exhortant à davantage de démocratie. Discours de façade contre intérêts diplomatiques et économiques, ce double jeu finira par se retourner contre les pays qui le pratiquent.

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