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La montée en puissance du citoyen producteur de contenu qui surveille l'autorité - le policier, le journaliste ou le politicien - est-elle le reflet du manque de confiance de plusieurs envers les institutions? Ou plutôt, devient-elle la simple résultante des possibilités de s'exprimer qu'offre Internet?
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Au Québec, l'accès au réseau Internet est devenu «grand public» entre les années 1995 et 2002, avec l'aide de programmes comme Brancher les familles sur Internet, Villages branchés du Québec et divers plans de développement de la micro-informatique à l'école. Au milieu des années 2000, chaque internaute pouvait s'informer via le Web, mais avec les blogues, les wikis, puis les autres médias numériques dits « sociaux », la planète Internet a rapidement été envahie par tous ces contenus générés par des utilisateurs du réseau des réseaux. Sans connaître l'informatique ou les langages de programmation, monsieur/madame tout le monde pouvait à tout instant publier un texte, une photo ou une vidéo, sans intermédiaire.

Avec l'omniprésence des téléphones multifonctions, le mouvement s'est accéléré dans les dernières années. On peut maintenant affirmer que chaque citoyen qui le souhaite a la capacité de devenir « son propre média », en quelque sorte. Certains parviennent via leur blogue, leur page Facebook ou leur canal Twitter à rejoindre des milliers d'internautes qui peuvent potentiellement relayer l'information à leurs réseaux de proximité. La production de contenu devient virale, le beau et le vrai côtoyant le laid et le faux, sans filtre.

Dans certains pays, où une presse libre manque cruellement à l'exercice démocratique, le phénomène a présidé à des changements de gouvernement. Quand le citoyen s'improvise journaliste pour diffuser ce que le reporter professionnel ne peut faire parce qu'il n'est pas sur place ou en mesure de la faire, on parle d'une contribution inusitée. Au Québec, quand la production débridée du citoyen-surveillant côtoie celle du journaliste d'un grand média, on entre en présence d'un nouveau phénomène qui surprend.

La montée en puissance du citoyen producteur de contenu qui surveille l'autorité (le policier, le journaliste ou le politicien) est-elle le reflet du manque de confiance de plusieurs envers les institutions ? Ou plutôt, devient-elle la simple résultante des possibilités qu'offrent les dispositifs numériques de production de contenu ?

Les événements de ce printemps nous bousculent. Les rumeurs prolifèrent à partir de la rue et dépassent souvent les faits entraînant suspicion, exagération et méfiance. La spirale infobèse prend parfois des proportions inquiétantes quand des personnes influentes relaient des potins pris pour des vérités (le cas du manifestant dont on a annoncé le décès sans discernement étant un exemple parmi d'autres). La vitesse avec laquelle le phénomène du citoyen-surveillant se déploie pose un certain nombre de problèmes dans une société où plusieurs de ses citoyens croient que la téléréalité n'est pas scénarisée et où chaque grand média prétend être plus objectif que son concurrent.

J'ai entrepris récemment une transition professionnelle qui me mène du secteur de l'éducation en passant par le monde des affaires vers celui de la politique. Depuis 2002, je blogue. Depuis le milieu des années 2000, j'ai ajouté Facebook, LinkedIn et Twitter à mon arsenal d'outils de conversation. Mon parti et mon chef ont ajouté à leur équipe un candidat nouveau genre - moi en l'occurrence -, qui dispose lui aussi de moyens de communication qui s'apparentent à un média.

Je suis souvent le producteur, l'éditeur et le diffuseur. Je fais partie de cet « écosystème » de gestionnaires de contenu qui ne revendiquent aucune objectivité, mais qui donnent souvent « l'air d'avoir raison » ! Qu'on se comprenne bien : je crois avoir raison. Je m'affirme et je débats. Je surveille et j'écoute. Parfois, je suis convaincant et à d'autres moments, je ne fais que semer le doute. Je ne suis pas le premier à vouloir faire de la politique à l'aide - entre autres - des outils du numérique, mais en ce moment, ce dilemme que pose la venue du citoyen-surveillant m'interpelle...

« Il en résulte des paradoxes, pour ne pas dire des contradictions : si les politiciens sont soupçonnés de ne pas écouter la population, ils sont alors qualifiés de « déconnectés » mais, à l'opposé, s'ils se rapprochent trop du peuple, ils sont jugés « électoralistes » et alimentent le mépris. La clé se trouverait potentiellement dans le sentiment de confiance qui semble faire particulièrement défaut non seulement dans les relations entre citoyens et élus, mais également dans l'ensemble des rapports en société. Or, l'édification d'un monde commun ne peut réussir que grâce à un minimum de confiance les uns envers les autres. »

Raymond Hudon et Christian Poirier, dans « La politique, jeux et enjeux - Action en société, action publique, et pratiques démocratiques ».

Je suis à l'aise avec le petit côté « activiste » du citoyen qui surveille et rapporte ses observations sur La Toile. J'ai des problèmes avec le manque d'éducation aux médias.

À la méfiance, j'ai le goût de répondre par l'ouverture. Face à la défiance, j'ai le réflexe d'encore plus de transparence. Mon passé de directeur d'école me porte vers le dialogue en cette période où la confiance envers les politiciens est mise à rude épreuve. Le climat actuel, sous tension, me commande aussi d'en appeler à la responsabilité.

Je veux bien qu'on surveille, voire, « qu'on résiste », mais certains comportements doivent être questionnés, certaines pratiques sur Internet doivent être remises en question.

Le bon fonctionnement de dispositifs participatifs commande davantage de vigilance dans la vérification de ses sources. Il exige aussi de se poser la question du « qui me parle » à travers ce média ? Il faut davantage tenir compte des intentions de communication et des biais de celui qui s'exprime à travers un canal de diffusion de contenu.

La possibilité de pouvoir facilement s'exprimer et de rejoindre d'autres citoyens va de pair avec la conscience de pouvoir influencer. On ne peut pas relayer le point de vue d'un autre sans envisager l'effet chez les autres de ce qu'on diffuse.

Pour être encore plus clair : je dis simplement que la démocratie est fragile et qu'un regard critique sur tout ce qu'on diffuse me paraît être approprié en cette fin de printemps où une simple rumeur ou un fait sorti de son contexte peut nous entraîner dans une escalade de mauvais sentiments.

Ceci étant écrit par un citoyen qui apprivoise doucement l'idée de devenir politicien, donc, de solliciter la confiance des gens qui l'entoure !

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