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À la suite de l'écoute d'un reportage sur la commémoration d'une tuerie sexiste durant laquelle 14 femmes ont été lâchement assassinées parce qu'elles étaient des femmes, cet auditeur a considéré opportun de commenter en se plaignant du fait qu'il se sent rejeté et exclu par certaines féministes?
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Lorsque l'équipe de l'émission Desautels à la Première chaîne de Radio-Canada a mis en ligne un reportage sur les 25 ans de la tuerie de Polytechnique, elle a en a profité pour solliciter les commentaires du public. Selon l'animateur, les hommes ont répondu à l'appel en plus grand nombre et c'est pourquoi il a lu en onde trois messages provenant d'auditeurs masculins (je me permets de trouver ce choix douteux).

Parmi eux, le traditionnel chasseur qui se plaint des «idéologues» de la Coalition pour le contrôle des armes à feu, l'homme empathique qui dénonce la violence faite aux femmes et rappelle les Autochtones disparues (merci!), de même que le frustré, selon qui «prôner la haine et l'exclusion de l'autre sexe comme le font certaines féministes aujourd'hui est une forme de violence sociale que nous ne devrions plus tolérer».

Pardon? À la suite de l'écoute d'un reportage sur la commémoration d'une tuerie sexiste durant laquelle 14 femmes ont été lâchement assassinées parce qu'elles étaient des femmes, cet auditeur a considéré opportun de commenter en se plaignant du fait qu'il se sent rejeté et exclu par certaines féministes?

D'abord, il faut se demander si ce rejet est réel ou imaginaire, puisque certains hommes se sentent bousculés et menacés par le désir d'une société égalitaire, dont un certain Marc Lépine...

Voilà donc un discours qui me semble extrêmement glissant, typique du masculinisme, qui tend justement à présenter les hommes comme les victimes des avancées sociales des femmes.

Le pire là-dedans, c'est que ç'a passé comme une lettre à la poste. L'animateur a lu le commentaire en onde, comme si de rien n'était, sans mise en contexte, sans avertissement, le disant simplement représentatif de beaucoup de courrier reçu.

Dans la même veine, dans cette chronique parue cette semaine, Toula Drimonis rappelle que le tueur a spécifié dans sa note de suicide que son action était politique et que les féministes lui avaient gâché la vie. Elle ajoute qu'elle reçoit chaque semaine le même genre de complaintes (les menaces de mort en moins) de la part d'hommes qui appellent à la radio où elle tient une chronique ou qui commentent les textes qu'elle publie.

Comme quoi le ressac antiféministe n'a pas fini de nous heurter de plein fouet encore et encore. Et voilà pourquoi il faut parler de poly 25 ans après. Clairement, on est loin du compte. Même que, parfois, je pense qu'on a reculé. Si des jeunes hommes pensent que le féminisme - c'est-à-dire la marche vers l'égalité entre les femmes et les hommes (droit à la sécurité, égalité des chances, équité salariale, etc.) - est une forme de violence sociale et d'exclusion, on est VRAIMENT loin du compte.

Je crois qu'il va falloir changer nos méthodes, réfléchir à comment on parle aux jeunes hommes, afin de mieux transmettre notre message égalitaire et antiviolence.

À Toronto, un groupe composé d'hommes et de femmes me semble le faire très bien. Les gens de l'organisme White Ribonns donnent des conférences, des ateliers, vont dans les universités, dans els écoles, travaillent à la source du problème, luttent contre les stéréotypes de genre. Dans cette vidéo, excellente de surcroît, le conférencier fait d'ailleurs mention du drame de polytechnique.

Parlant d'université, dans le fameux reportage radio à Desaultels, j'ai entendu des femmes mentionner le fait que le nom de l'équipe de football de l'Université de Montréal, «les Carabins», les mettaient mal à l'aise.

En effet, pourquoi les Carabins? Sur Wikipédia, on peut lire que «les Carabins est le nom porté par les équipes sportives du programme de sport d'excellence de l'Université de Montréal, et de ses écoles affiliées HEC Montréal et l'École polytechnique de Montréal». L'encyclopédie virtuelle nous apprend également qu'«un carabin était à l'origine un soldat armé d'une carabine» et que «le terme désigne désormais un étudiant en médecine».

Il me semble que c'est effectivement «malaisant» cette histoire de carabine, malgré le double sens et bien que l'appellation remonte aux années 1920.

Je dis ça, je ne dis rien, mais, au moment de la refondation de l'équipe de football de l'UdM, en 2001, après trois décennies d'absence, n'aurait-il pas été opportun de considérer choisir un nouveau nom et d'expliquer pourquoi? Il me semble que ç'aurait été un geste symbolique important.

Malheureusement, il semblerait que ce n'était pas sur l'écran radar des décideurs. Je dirais même que l'idée ne les a probablement pas effleurés.

Et pourtant, c'était 12 ans à peine après la tuerie qui a fait 14 mortes et 14 blessés.e.s parmi les étudiants.e.s et le personnel de l'institution.

Ainsi, quoi qu'on en dise, la tuerie de polytechnique est souvent oubliée et niée. On ne veut pas en parler, on ne veut pas s'en souvenir.

D'ailleurs, mon texte de la semaine dernière à ce sujet a été le moins lu et le moins partagé parmi toutes mes chroniques à ce jour. D'une manière un peu prémonitoire, j'y parlais de confort et d'indifférence. Je ne me doutais pas à quel point...

C'est terrible à admettre, mais c'est le constat auquel je suis parvenue face à l'indifférence relative du public et l'hostilité de certains quant au 25 anniversaire de commémoration: dans une société où la parole des hommes a plus de poids, tant que le message contre la violence sera porté par les femmes, nous ne serons pas entendues.

Geneviève Bergeron

Les victimes de l'École Polytechnique - 1989

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