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Mon beau-père est mort (lettre aux experts en ressources humaines)

Le marché du travail ne s'est toujours pas adapté à la réalité des familles reconstituées, phénomène qui a pris son ampleur dans les années 1980.
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J'ai perdu cet hiver mon beau-père à la suite d'une brève maladie, un cancer fulgurant qui l'a emporté en trois petits mois. Ça m'a terrassée, dévastée. Pourtant, je n'ai eu que deux jours de congé pour faire mon deuil, tel que prévu dans mon contrat de travail pour «la perte d'un beau-père».

Avouez que, jusqu'ici, si vous compatissez, vous vous demandez aussi de qui je parle au juste lorsque je dis «beau-père». Est-ce qu'il s'agit du paternel de mon chum? Ou plutôt du conjoint de ma mère?

Deuxième réponse. Et pas un homme rencontré il y a deux ans sur Réseau Contact là, non. Le partenaire de vie de ma mère des trente dernières années, l'homme qui m'a traitée comme sa propre fille, qui m'a éduquée, avec qui j'ai vécu pratiquement toute mon enfance (j'ai 35 ans, calcul assez facile). Je parle donc de l'homme qui a été mon «deuxième papa», celui avec qui, coup de chance pour mon frère et moi, ma mère a choisi de refaire sa vie.

J'ai passé des jours à l'hôpital à son chevet, je l'ai aimé et accompagné jusqu'au bout. J'ai vécu sa mort comme un cataclysme et... voilà, j'ai eu droit à deux jours de congé à son décès. Tout ça parce qu'il avait le malheur de ne pas être du même sang que moi. S'il avait été mon père biologique, j'aurais eu droit à cinq jours sans travailler pour me relever du choc, de ce séisme dans ma vie. Cinq jours, vous me direz que ce n'est pas la mer à boire non plus, mais c'est à tout le moins un début.

Tout ça m'a amenée à faire un constat bien simple: le marché du travail, les conseillers en ressources humaines et les patrons, ne se sont toujours pas adaptés à la réalité des familles reconstituées, phénomène ayant pris de l'ampleur durant les années 1980 et qui affecte particulièrement les gens de ma génération et les suivantes.

Vous conviendrez que le fait d'avoir droit au même nombre de jours de congés pour, disons, le décès du père d'un nouveau chum que l'on a rencontré une seule fois, et celui d'une figure parentale présente dans notre vie depuis des décennies, est d'une incroyable absurdité. Il y a là quelque chose qui cloche, assurément.

J'y vois d'abord une erreur terminologique, que des modifications apportées à la Loi sur les normes du travail de même qu'aux contrats de travail et conventions collectives peuvent corriger.

Par exemple, je suggère que l'on parle de beau-père ou belle-mère dans le cas des parents du conjoint ou de la conjointe (après tout, on dit bien «belle-famille»), et que l'on utilise le terme «figure parentale» dans le cas du conjoint ou de la conjointe de longue date d'un parent, pour respecter les nombreuses personnes qui vivent un contexte de famille reconstituée.

Vous me direz que ça ouvre la porte aux abus? Je vous répondrai par une question: jusqu'à combien de fois par année pensez-vous qu'un employé peut s'absenter pour un décès de figure parentale sans se couvrir de ridicule? Je sais bien qu'il faut tout un village pour élever un enfant, mais quand même!

Et puis quand, par exemple, on veille un parent ou une figure parentale aux soins palliatifs, l'employeur le sait, nous voit prendre des congés pour aller à l'hôpital... Ça ne s'invente pas, ces choses-là...

De plus, on ne vit pas en vase clos de nos jours. Avec Facebook et les autres réseaux sociaux de ce monde, les gens reçoivent des condoléances, témoignent de la maladie, puis de la perte, d'un être cher.

De toute façon, en cas de doute, l'employeur peut toujours demander l'Acte de décès gouvernemental ou l'avis du salon funéraire sur lequel, s'il s'agit vraiment du décès d'une figure parentale, l'employé sera cité comme enfant laissé dans le deuil.

Il est temps de réfléchir à ces questions et de réviser les pratiques, car elle est bien loin l'époque de la famille nucléaire mur à mur, avec un papa, une maman et leurs beaux enfants. Les divorces et séparations sont légion et de plus en plus de familles québécoises sont reconstituées. Et ça, ça fait beaucoup d'enfants discriminés au moment du décès d'un père ou d'une mère, biologique ou non.

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Avril 2018

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