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Je voudrais être normale, sauf que rien n'y fait, je suis maigre depuis toujours, je suis faite comme ça; je ne fais rien pour perdre du poids, j'essaye tout pour en gagner, en vain. Je ne prône en aucun cas la maigreur ici, mais le respect de l'autre.
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En voilà un sacré post d'humeur, le jour de mes 27 ans en plus. Sûrement le bon moment pour enfin exprimer ce que je pense, ressens et vis au quotidien. L'élément déclencheur a ceci dit été la question récurrente de mon âge en ce mois d'août, en supposant au hasard "16 ou 17 ans". Comment peut-on m'enlever 10 ans en me regardant?

Comment peut-on naïvement croire que ça me fait plaisir d'être autant rajeunie alors qu'en vérité ça me rappelle juste que je ne ressemble pas à une jeune femme, mais à une ado? A contrario, ceux qui me disent de "profiter" de cette "chance" n'ont rien compris. Je voudrais être normale, sauf que rien n'y fait, je suis maigre depuis toujours, je suis faite comme ça; je ne fais rien pour perdre du poids, j'essaye tout pour en gagner, en vain. Je ne prône en aucun cas la maigreur ici, mais le respect de l'autre.

On félicite sans arrêt - dans la presse, dans les films, sur les blogues, dans la vie de tous les jours - celles qui assument leurs rondeurs, mais on a une forte tendance à oublier celles qui souffrent de leur minceur dans une société qui juge le physique avant tout. On lit des articles à foison dans la presse féminine sur "comment maigrir", mais jamais de "comment grossir". Alors moi je vais vous dire ce que c'est d'être maigre dans une société qui n'aime pas les maigres. C'est entendre des mots et expressions violentes comme "rachitique", "squelettique", "anorexique", "tu ne manges sûrement pas beaucoup", "tu ne manges rien ou quoi", "tu te fais vomir?", "quelle maigreur", "je m'inquiète pour toi", "il faut que tu manges", "tu as encore maigri non?", "tu crois vraiment que c'est utile pour toi d'aller à la salle de sport?", en face ou dans mon dos... ajoutés à des regards dévisageant de la tête aux pieds de la part de connaissances plus ou moins proches, ou d'inconnus dans la rue, ou même de médecins.

À mon arrivée à Paris il y a 3 ans, je ne connaissais personne dans le corps médical, alors au hasard j'ai vu une femme médecin généraliste pour une banale angine et elle a refusé de me laisser sortir de son cabinet sans avoir le numéro de mon médecin traitant, car à vue d'œil j'étais trop maigre pour être en bonne santé. Quelques semaines plus tard, c'était au tour de mon maitre de stage de me demander furtivement "Au fait, est-ce que tu manges bien?". Alors quoi? Être maigre veut forcément dire malade? Ou encore anorexique? Je vous arrête tout de suite si vous pensez oui, c'est non. Bien sûr, certaines personnes maigres le sont et elles méritent d'être accompagnées et écoutées, pas enfoncées; c'est une maladie grave et encore incomprise. Mais d'autres comme moi ont un métabolisme rapide couplé d'une nature über angoissée de la vie tout en étant électrique; ça donne un corps qui brule tout très vite. C'est comme ça, je n'y peux rien.

J'ai toujours été la plus petite de la classe, la plus maigre, la plus fragile, la dernière formée... Passage vécu difficilement pendant l'adolescence et puis d'un coup en entrant en études supérieures, ça a changé. Mes nouveaux amis et les autres étudiants s'en foutaient et c'était cool. Je m'assumais enfin; je ne me sentais plus différente. Plus personne ne regardait mon assiette. Je n'ai d'ailleurs pas de problèmes avec l'alimentation. J'aime manger. Pendant longtemps, je n'ai pas fait attention à la qualité, tant que c'était "bon" au goût; je mangeais les pires cochonneries industrielles. J'emploie le passé pour cette petite phrase, car il y a deux ans, j'ai eu des problèmes de santé absurdes à cause d'un appareil dentaire, et dans la foulée l'apparition de brûlures d'estomac toujours à cause de mon stress omniprésent. Avant de comprendre que mes maux venaient d'un appareil, 5 mois se sont écoulés avec une gorge complètement bloquée (une histoire de contractures musculaires entrainant une perturbation de la déglutition, on appelle ça une dysphagie).

Pour le coup, mon poids a chuté drastiquement; on n'a évidemment aucune réserve quand on est maigre. Mon médecin traitant à l'époque m'a même dit que je ressemblais "à un détenu de camp de concentration à la limite de la mort". Comment peut-on dire ça à une jeune fille de 25 ans qui ne se reconnait plus elle-même ni ne comprend ce qui lui arrive? Après avoir vu une demi-douzaine de médecins, on a finalement supposé que c'était peut-être cet appareil qui causait tout ce mal. Bingo! Aussitôt enlevé, aussitôt débloquée. Mais ont persisté les problèmes d'estomac qui n'étaient absolument pas liés. Lassée de prendre des médicaments forts qui n'amélioraient rien, j'ai découvert le monde merveilleux de la médecine douce et je remercie infiniment mon naturopathe parisien qui m'a appris à changer d'alimentation. En moins de 3 semaines, par ce changement motivé, mes problèmes se sont progressivement résorbés.

Alors évidemment aujourd'hui quand je dis que je ne mange presque plus de viande et que j'ai banni les produits laitiers au profit des légumes, céréales, oléagineux, et protéines végétales, on me regarde avec de grands yeux et on n'hésite pas à me dire: "C'est sûrement pour ça que tu es maigre". Encore raté. Mon poids ne cesse de grimper petit à petit, depuis que je mange sainement (attention je ne dis pas que manger sainement fait grossir, je dis que ça rééquilibre le corps), et surtout j'ai l'impression de revivre: plus d'énergie, une plus belle peau et évidemment une réduction de douleurs diverses de l'appareil digestif. Mais cet épisode a fragilisé ma confiance en moi et j'ai énormément reculé sur le chemin de l'acceptation de soi.

Aujourd'hui, même si ma santé va mieux, je fais toujours une obsession avec ce corps d'adolescente tout simplement, car le regard des gens et leurs mots si peu délicats sont là. En faute, cette société qui, dès que l'occasion se présente, se permet de critiquer sans connaitre. On mélange tout. Tout le monde est mis dans le même panier. La ministre de la Santé française elle-même porte préjudice à des gens comme moi en croyant bien faire. En voulant interdire les mannequins trop maigres des podiums en se basant sur leur IMC, elle fait une erreur monumentale. Pourquoi se baser sur l'IMC? Il y a autant de dynamiques de poids qu'il y a de gens sur terre. Pourquoi vouloir mettre des gens dans des cases à partir d'un calcul? Moi mon IMC dit "famine", on voit mes côtes et ma colonne vertébrale. Pourtant, je n'ai aucune carence ni anémie et je me porte à merveille.

Les quantités dans mon assiette sont même égales à celles de mon copain de 85 kg. Difficile à croire? Je vous invite donc à déjeuner ensemble un jour! Le pire, c'est que j'en suis à me justifier, mais ce sera la dernière fois. Oui j'ai conscience que je suis maigre, oui je complexe énormément à la plage ou à la piscine, oui j'évite les dos nus, oui les bustiers tombent, non je ne vais pas aux toilettes après un repas au restaurant par peur que mes amis pensent que je le vomis, et oui je souffre quand on me demande si je mange bien ou si on insinue que je ne finirais pas mon assiette avant même que je la commence.

À partir d'aujourd'hui, je n'encaisserai plus sans rien dire, je dois assumer qui je suis: j'ai 27 ans, je mesure 1m67, je n'ai jamais réussi à dépasser 44kg mon poids actuel, et JE VAIS BIEN. Au lieu de m'enfoncer en me critiquant ou en me regardant de travers avec cet air de dégoût, juste ignorez-moi ou regardez-moi simplement comme une jeune femme et non pas une adolescente. Laissez-moi VIVRE. Et apprenez à vos enfants à respecter son prochain. Parce que la prochaine gamine qui dit le mot "anorexique" quand je passe près d'elle dans le métro (véridique), elle m'entendra, elle ne me fera plus pleurer. LA PAIX. Merci.

Ce billet est également publié sur le blog Will You Meet My Fashion Eye.

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