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Rumeurs, fausses morts et médias sociaux

Tout le monde s'interroge à qui mieux mieux sur le tour que peuvent prendre les rumeurs à l'ère des médias sociaux. « C'est drôle: ceux qui disent faire preuve de beaucoup de scepticisme lorsqu'ils lisent les journaux traditionnels sont les premiers à croire tout ce qui circule sur le Net. », soulignait, sur sa page Facebook, le chroniqueur Richard Martineau.
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Le « faux mort » (ou, à tout le moins, le « faux comateux ») des médias sociaux a fait couler de l'encre. En un mot : de nombreux commentaires sur Facebook et Twitter ont fait état d'un manifestant qui serait mort, ou à tout le moins dans un coma grave, après avoir été brutalisé par la police lors d'une manifestation. Et, devant l'impossibilité à retracer cette supposée victime, la twittosphère et la facebooksphère se sont enflammées, dénonçant un cover-up, un sombre complot de la police, etc. Jusqu'à ce que La Presse retrace le fantôme en question (nommé Sébastien Tranchard), bien vivant et un peu surpris.

Évidemment, tout le monde s'interroge à qui mieux mieux sur le tour que peuvent prendre les rumeurs à l'ère des médias sociaux. « C'est drôle: ceux qui disent faire preuve de beaucoup de scepticisme lorsqu'ils lisent les journaux traditionnels sont les premiers à croire tout ce qui circule sur le Net. », soulignait, sur sa page Facebook, le chroniqueur Richard Martineau. « Désormais, si on peut le lire sur le web, c'est que c'est vrai », ajoute Mario Roy dans La Presse. De la même façon que, dans le temps, on entendait dire : « Oui, mais c'est écrit dans le journal ! ». Ce n'est pas forcément à toute épreuve, mais les médias « traditionnels » sont au moins soumis à certaines normes, comme le souligne pour sa part Yves Boisvert.

En fait, le mécanisme de la rumeur insensée et impossible à tuer n'a rien de nouveau. Pour ne citer qu'un exemple, certains se souviendront peut-être, dans la grande période de gloire de la comédienne Isabelle Adjani, à la fin des années '80, de cette tenace rumeur comme quoi elle se mourait du Sida. Adjani étant une personnalité très secrète, et jalouse de sa vie privée, la rumeur avait pris des proportions insensées, que tous les démentis ne faisaient qu'amplifier. Adjani a fini par faire une apparition impromptue en direct à la télé, pour montrer qu'elle se portait bien. Et même là, certains ont continué d'alimenter la rumeur : « c'était un sosie; si elle tient tellement à démentir, c'est sûrement que c'est vrai, etc. » Même mécanisme maintenant, en ce qui concerne le « mort » et la police. Et les « instances officielles », qui ont un devoir de rigueur et de crédibilité (sans compter, dans le cas de la police, le fait qu'elle ne peut pas révéler d'informations personnelles sur des citoyens), ne peuvent jamais faire le poids face à une masse qui continue d'alimenter la rumeur, sans restriction.

Ce qu'il y a de nouveau avec les médias sociaux, en plus de l'ampleur, c'est que tout le monde doit ajuster ses foyers par rapport à la dynamique. D'un côté, comme « consommateurs » sur Twitter, Facebook, etc., on est porté, sans même se rendre compte, à y absorber l'info un peu comme dans les autres médias. Nous devons tous intégrer le fait qu'il n'y a pas là la même crédibilité que dans les médias traditionnels (quoi que certains en disent). Et d'autre part, comme émetteurs, tous ceux qui y publient, ou même relaient des choses, devront peut-être intégrer le fait qu'ils prennent une responsabilité en faisant cela. Avec les médias sociaux, tout le monde devient désormais un média. Tout le monde a, en fin de compte, des moyens de diffusion comparables à ceux d'entreprises médias. Mais qui a réfléchi, jusqu'ici, à la responsabilité qui devrait aller de pair avec ces moyens?

Mmmm. Responsabilité. Plus généralisée. Vaste programme, comme disait l'autre. Mais pourquoi pas. Et en fait, on n'a pas vraiment le choix.

En même temps, du côté des médias traditionnels et autres institutions, il faut aussi apprendre à utiliser les médias sociaux, et à embarquer dans cette communication qui n'est plus, comme avant, à sens unique. Yves Boisvert, que je citais plus tôt, disait aussi : « Les représentants des institutions qui se lamentent au sujet de ce flux de rumeurs, comme les générations précédentes se plaignaient et se plaignent des médias traditionnels, n'ont qu'une chose utile à faire: embarquer dans la discussion. » Et à l'émission La Sphère, à la radio de Radio-Canada le 26 mai dernier, à laquelle je participais, la responsable des communications du Service de police de la Ville de Montréal expliquait l'utilisation de Twitter faite par le SPVM, et la mentalité derrière cette utilisation. Je ne sais pas ce qu'en penseront ceux qui écouteront l'extrait, mais personnellement, je trouve cela plutôt encourageant.

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