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Des ados attachants qui m'inspirent

TÊTE À TÊTES - Je fais mon boulot avec passion, parce que je l'aime! Pourtant, je ne l'ai pas choisi. C'est plutôt lui qui m'a choisie. Depuis 15 ans, je suis intervenante spécialisée en dépendance au centre Le Grand Chemin et je travaille auprès des ados âgés de 12 à 17 ans qui vivent des problématiques de dépendance.
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Je fais mon boulot avec passion parce que je l'aime! Pourtant, je ne l'ai pas choisi. C'est plutôt lui qui m'a choisie.

Depuis 15 ans, je suis intervenante spécialisée en dépendance au centre Le Grand Chemin et je travaille auprès des ados âgés de 12 à 17 ans qui vivent des problématiques de dépendance (toxicomanie, jeu excessif et cyberdépendance). Le Grand Chemin, c'est ma deuxième famille, mais avant tout l'endroit où ces ados passent entre huit à dix semaines en hébergement et où moi, je passe le plus clair de mon temps.

Au départ, Le Grand Chemin était pour moi une transition. Un emploi temporaire, le temps de passer au travers du long processus d'embauche en milieu carcéral. Toute jeune, avec un baccalauréat en psychologie en poche, mon cheminement, mes intérêts et mes ambitions pointaient vers les pénitenciers.

Personnellement, je crois à l'adage qui dit : «choisis un travail que tu aimes, et tu n'auras pas à travailler un seul jour de ta vie». J'adhère à cette idée, à l'importance de faire ce que l'on aime, ce qui nous inspire. Ça, c'était sans compter que la vie avait d'autres projets pour moi.

Moins de trois semaines après mon arrivée au Grand Chemin, je recevais une réponse positive du pénitencier. J'ai refusé l'emploi. En trois semaines au Grand Chemin, ces jeunes, à la fois perturbés, mais tellement attachants m'avaient conquise. J'avais le sentiment que je pouvais les aider pour vrai. Quinze ans plus tard, je suis toujours là et ce sentiment m'habite encore. Travailler avec des ados en quête d'identité, savoir que l'on peut faire la différence dans leur parcours de vie, parfois chaotique, c'est des plus valorisant.

Aider des ados, c'est entre autres éduquer en partageant mes passions personnelles, mon amour de la vie, mais plus que tout, c'est les influencer positivement en étant un modèle dans mon imperfection. Bien sûr, intervenir auprès des ados avec une problématique de dépendance conjuguée aux troubles de comportements amène son lot de journées difficiles. Ils ont besoin d'être accueillis tel qu'ils sont. Besoin d'être aimés et aidés afin de reprendre leur chemin dans la bonne direction. Mais à l'adolescence, difficile de faire tout ceci sans accrochage. Il faut prendre le temps de les écouter plutôt que de les juger. Il faut savoir mettre à profit leurs compétences, leurs forces. Il faut leur redonner confiance, en eux, en l'adulte et parfois même en la vie. Transformer leur hyperactivité en enthousiasme, leur agressivité en persévérance et construire petit à petit leur estime d'eux-mêmes.

Dans nos vies respectives, nous avons tous fait de mauvais choix, acquis de mauvaises habitudes et les changer n'est jamais facile.

Le défi pour l'intervenant, c'est d'aller au-delà d'un sentiment de méfiance pour créer un lien de confiance sans pour autant devenir ami. Il faut devenir significatif par un geste, une parole. Avec des ados, il faut être en constante évolution, proactif, créatif et dynamique. Savoir profiter des beaux moments avec eux et accepter les moments plus difficiles sans me décourager, c'est aussi ça mon quotidien. Pour moi, même les journées où tout semble aller tout croche, ces journées moches et poches, j'aime encore ma job.

Ces quelque 250 ados que nous accueillons chaque année m'inspirent, ils me permettent de rester en contact avec mon cœur d'enfant. Je les trouve très attachants, mais plus que tout, je les trouve très courageux. Prendre la décision d'entrer en thérapie pour 8 à 10 semaines pour vaincre leur dépendance, ça veut aussi dire laisser de coté la famille, les amis, se couper de sa réalité d'adolescent (ordinateur, téléphones intelligents, party, etc.). Mais sans qu'ils en soient totalement conscients, c'est un moment décisif dans leur vie. Leur nouvelle réalité chez nous c'est entre autres, se lever à 6 heures tous les matins, devoir constamment être en groupe, participer à des thérapies pour parler des blessures du passé, vivre ses émotions, mais surtout, être sobre pour faire face à tout ça. Rien qui ressemble à un camp de vacances!

Dans nos vies respectives, nous avons tous fait de mauvais choix, acquis de mauvaises habitudes et les changer n'est jamais facile. Les résolutions du jour de l'An, ces promesses brisées faites à nous-mêmes, nous en avons tous. Nos ados eux, leur mauvais choix aura été de consommer. Ils l'ont essayé, une fois, avec un ami, une cousine, un grand-frère, pour être cool. Cette première expérience, combinée à leur vécu, à leurs épreuves et aux chambardements de l'adolescence les aura amenés à s'y perdre.

Placez-vous dans la peau d'une jeune fille de 14-15 ans, dont les amis, souvent amis de «conso» comme ils disent, sont le centre de votre univers. Maintenant, pensez au courage et à la détermination que demande la décision d'arrêter de consommer et d'éventuellement, tourner dos à ses amis nocifs. S'investir dans le changement, garder le cap sur les objectifs, maintenir la motivation quand les choses deviennent difficiles et surtout ne pas abandonner, voilà ce à quoi les jeunes courageux du Grand Chemin sont confrontés chaque jour.

Et vous, seriez-vous prêt à tester votre détermination? Dans le cadre d'OcSobre, nous invitons grands et petits à changer une mauvaise habitude, une seule, pour tout le mois d'octobre. Cet engagement à couper la malbouffe, à bouger plus ou à délaisser les écrans pour vivre dans le moment présent peut sembler anodin. Mais de vaincre la tentation, résister à l'influence des autres ou simplement dire non sont autant de défis que vous rencontrerez et qui vous rappelleront, un jour à la fois, ce que les ados du Grand Chemin vivront aujourd'hui, et demain, et nous le souhaitons, pour longtemps.

Vous êtes en situation de crise? Ou vous connaissez quelqu'un qui a besoin d'aide? Plusieurs centres d'écoute sont à votre disposition au Québec, 24h/24, 7 jours sur 7. Vous pouvez aussi joindre Jeunesse, J'écoute au 1-800-668-6868.

Tête à têtes est une nouvelle série de blogues lancée conjointement par le Huffington Post Québec et le Huffington Post Canada. Inspirée par le projet Maddie, cette série met l'accent sur les adolescents et la santé mentale. Elle a pour but de sensibiliser et de susciter des conversations en s'adressant directement aux adolescents qui traversent un moment difficile ainsi qu'à leurs familles, aux enseignants et aux dirigeants communautaires. Nous voulons nous assurer que les adolescents qui sont aux prises avec une maladie mentale reçoivent l'aide, le soutien et la compassion dont ils ont besoin. Si vous souhaitez contribuer à cette série, envoyez-nous un courriel à cette adresse : nouvelles@huffingtonpost.com.

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