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La maternité sous l'Inquisition

Les années de mon arrière-grand-mère et notre 2016: même combat. Celui, lorsqu'on est une femme, d'être par défaut présumée fautive et coupable de tous les maux de la planète.
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Parfois, je me dis que dès ce moment où l'on décide d'avoir des enfants, nous nous retrouvons à signer un genre de contrat sans le savoir. De ceux dont les détails en petits caractères - ceux que vous avez bien sûr oublié de lire - sont fort nombreux.

Parmi ceux-ci, votre acceptation que, dès lors, vous passerez au tribunal populaire. Rien de moins que l'Inquisition par ces parents - toujours parfaits, eux - qui jugeront vos moindres faits et gestes.

Vous, le parent qui, bien sûr, est inapte!

C'est à cette constatation à laquelle je suis venue ces dernières années. Rien de moins qu'une évidence : celle qu'un peu n'importe qui peut aujourd'hui donner son avis de bien-pensant sur les divers forums sur internet et dans les médias sociaux, sur cette question de toujours : «Qu'est-ce qu'être un bon parent?»

Hier, alors que je lisais un article sur le web dans lequel la chroniqueuse expliquait pourquoi, selon elle, les familles d'aujourd'hui avaient tant de difficulté à contrôler la «consommation» d'écrans de leurs enfants, j'ai été comme frappée de cette révélation. Parce que, selon elle, les parents d'aujourd'hui (exception faite d'elle-même, vous l'aurez compris!) sont des irresponsables qui ne jouent pas leur rôle de parents.

Bien sûr, je résume. N'empêche! Je n'ai pu m'empêcher, une fois de plus, d'être un peu consternée devant cette facilité mille fois démontrée qu'aujourd'hui n'importe qui peut se permettre de juger les aptitudes parentales des autres!

Parmi les commentaires sous cet article, celui d'une dame m'interpellle particulièrement. Celle-ci racontait en effet que c'est avec une «envie de vomir» qu'elle voyait parfois certains parents récupérer leurs enfants à l'école... le nez rivé à leur téléphone.

Je l'avoue, ce commentaire m'a fait réagir. D'abord parce que je trouve facile et simpliste de juger les capacités parentales des gens pour ne les avoir croisé que 30 secondes dans une cour d'école. Mais surtout, parce que c'est toujours tellement tentant et rassurant de souligner avec un gros marqueur jaune fluo ce que les autres font de mal - selon notre propre estimation bien subjective - plutôt que de se regarder soi-même!

En lisant cela, je me suis dit que c'est sur moi qu'elle aurait pu vomir. Moi, la mère à qui, oui, il arrive parfois en attendant son fils le soir de regarder ses courriels sur son téléphone.

Mais est-ce que cela me définit? Bien sûr que non! Parce que je suis aussi cette mère qui cuisine tous les repas de la famille, prenant un soin presque méticuleux à éviter le «tout fait» de l'industrie. Parce que je suis aussi cette mère qui s'attarde, chaque semaine, à s'assurer que les devoirs de fiston sont faits. Qu'il dort suffisamment. Et qui, surtout, lorsque ce fils a eu des difficultés scolaires, s'est assurée d'aller chercher l'aide nécessaire pour qu'il n'accumule pas les retards et les échecs, au péril de son estime personnelle.

Mais tout cela, en une fraction de seconde, c'est rien de moins que balayé d'un revers de la main par une pure étrangère anonyme croisée dans une cour d'école ; étrangère qui, du coup, écrit sur un forum ce qu'elle ne dirait jamais en personne. Vomissant sur moi parce que j'aurai regardé mon téléphone en attendant mon fils, la chose dénotant clairement, dans son esprit, que je suis une mauvaise mère, irresponsable, qui ne se préoccupe pas de son fils...

La vérité, c'est qu'en moins de temps qu'il n'en faut pour cligner de l'œil, j'aurai été déclarée coupable d'être une incompétente de la maternité.

Et ce n'est là qu'un exemple, bien sûr! Car clairement, ça ne s'arrête pas là! Parce que si vous n'avez pas allaité votre enfant, vous aurez affaire au «cartel des mamans allaitantes», soyez-en certaine!

Vous savez, celles pour qui il n'y a aucune raison au monde pour ne pas allaiter son enfant. Et qui, dès lors, ne verront plus vos compétences de mère autrement que sous ce prisme du «j'allaite, donc je suis!»

Et si, pour votre malheur, vous êtes retournée au travail après votre congé de maternité - peu importe que ce soit par choix ou par obligation - alors dites-vous bien que vous n'êtes pas sortie du bois, comme le dit si bien l'expression! Vous entendrez le martelet de ce tribunal populaire tomber lourdement sur votre cas! Coupable sans appel, serez-vous alors, d'être une égoïste de la pire espèce. Parce que, c'est clair, vous aurez fait passer votre carrière avant vos enfants.

Et je ne parle même pas ici du regard... vous savez, «ce regard»! Celui de vos amis sans enfants qui, à la vue du vôtre en crise, se permettent de vous lancer : «Mais vous n'êtes pas assez sévère! Moi, ça ne se passerait pas comme ça chez moi!»

Comme c'est arrivé un jour avec un ami de mon mari, un homme qui pour toute expérience parentale avait tenu un rôle d'autorité auprès du fils de sa compagne du moment... J'ai eu beau lui dire que mon fils n'était pas capricieux mais fatigué, que dans ces moments, ça ne donnait rien de le disputer, qu'il était juste destiné à aller dormir, rien n'est parvenu à le convaincre que nous étions autre chose que «mous» devant notre progéniture...

Eh bien, vous savez quoi? Un jour, bien longtemps après cet événement, alors qu'il était lui-même devenu père et qu'il était venu souper chez-nous, il s'est approché de moi. Un peu honteux, il s'est excusé, avouant avoir compris ce que je voulais dire à l'époque. Que notre enfant, on le connaît. Et que même dans les meilleures familles, un enfant, il arrive que ça fasse des crises. Que ça se roule par terre en criant, de préférence dans un endroit public, s'il vous plaît!

Parce que ce sont des enfants, justement. Et non pas des images de magazine que l'on présente à la visite pour leur montrer combien nous sommes de bonnes personnes!

***

Parfois, j'ai cette impression que le monde n'évolue pas. Que la société n'en finit plus de tourner en rond, imposant aux femmes encore et toujours les mêmes vieux corsets usés à la corde.

Les années 1920 de mon arrière-grand-mère et notre 2016 : même combat! Celui, lorsqu'on est une femme, de ne pas avoir ce droit - légitime il me semble - de décider pour soi.

D'être par défaut présumée fautive et coupable de tous les maux de la planète.

Ou d'être incontestablement une mauvaise mère parce qu'on a oublié le matin en partant, un peu à la course comme tous les matins, de prendre les mitaines de fiston, par exemple. Ou parce que dans la cour d'école, on aura jeté un œil sur nos courriels.

Je ne me résigne pas! Je rêve d'un monde où tous et toutes nous attarderions à être un peu plus indulgents les uns envers les autres. Et conscients, surtout, qu'être parent, ce n'est pas toujours facile. Qu'on ne devient surtout pas parent en lisant un guide quelconque, ou mieux, pourquoi pas, comme par magie.

Au final, la vérité toute simple, c'est probablement que nous faisons rien de moins que notre mieux.

Ou comme nos parents avant nous. Et les leurs, avant eux.

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