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Un repas à la campagne qui nous laisse sur notre faim

C'est ce qui arrive lorsqu'une bonne pièce se retrouve assortie à un mauvais casting et à une mise en scène approximative.de Jean-Marc Dalpé, au Théâtre Jean-Duceppe, est handicapée par ces deux boulets et je dois dire que si le texte a résonné chez moi, pour le reste, j'ai été davantage exaspérée qu'autre chose.
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C'est ce qui arrive lorsqu'une bonne pièce se retrouve assortie à un mauvais casting et à une mise en scène approximative. Août-Un repas à la campagne de Jean-Marc Dalpé, au Théâtre Jean-Duceppe, est handicapée par ces deux boulets et je dois dire que si le texte a résonné chez moi, pour le reste, j'ai été davantage exaspérée qu'autre chose. Les explications suivent.

Jean-Marc Dalpé, connu pour son théâtre, mais aussi pour ses magistrales traductions, entre autres celle de Hamlet que le TNM a montée en 2011, s'intéresse dans Août-Un repas à la campagne à une famille qui, sous des apparences normales, dissimule de sombres secrets. Tout cela assorti à un non-dit chronique, au syndrome de l'autruche-avec-la-tête-dans-le-sable, à tout ce qu'on peut cacher aux êtres qui sont le plus proches de nous et qui, au final, nous connaissent bien peu. Thème universel et inépuisable s'il en est. La pièce nous propose donc un portrait de cette famille, la mère, le père, la fille mal mariée, la petite-fille, la grand-mère, la tante un peu excentrique et son futur mari. Ils sont réunis pour ce repas lors d'une étouffante journée du mois d'août alors qu'un drame se joue en filigrane entre la fille Louise et son mari Gabriel. Mais, évidemment, personne ne veut parler de cela.

Martine Baulne nous a habitués à mieux que cela dans ses mises en scène. Ici, on voit tout arriver gros comme un éléphant, bien bien visible depuis l'horizon lointain. Il n'y a aucune subtilité dans le traitement de ce texte où des sous-titres devraient être lus dans les attitudes et les expressions corporelles et je crois que le problème relève de certains des comédiens qui surjouent, ou alors pas suffisamment et chez qui on ne sent aucune implication ni aucune émotion. Kim Despatis, qui incarne la jeune Josée ex-anorexique pétrie de rêves d'écriture pour le cinéma, ne réussit qu'à être insupportable en jouant l'hystérie. On ne croit pas deux minutes au drame que vit sa mère Louise (Isabelle Roy), larguée par son amant et qui sera confrontée par un mari violent (Frédéric Blanchette), lui un peu plus crédible. Pierrette Robitaille, elle, rate complètement son coup en figure hiératique de mère incarnant avec stoïcisme l'humanité souffrante au grand complet. Bien sûr que le personnage n'est pas démonstratif, bien sûr qu'il souffre par en-dedans sans le laisser voir, mais ce que la comédienne donne comme performance relève davantage du règne minéral. Tirent bien leur épingle du jeu : Gilles Renaud en fiancé bon enfant, Chantal Baril qui joue la tante en visite, Michel Dumont en père dépassé par les événements et qui ne veut pas faire de vague et Nicole Leblanc en grand-mère malcommode qui est bien plus maligne qu'il n'y paraît.

Il faut que je parle des robes dont sont affublées les comédiennes. C'est une pièce qui se déroule dans un univers contemporain avec ordinateurs et téléphones cellulaires. Pourquoi avoir habillé la mère, la tante et la grand-mère avec des dépouilles archaïques et informes, avec des jupons qui dépassent (des jupons!) et qui leur donnent l'air de sortir du Sud profond du temps de la Dépression? Pourquoi? En principe, il fait 38 degrés. Comment se fait-il que le personnage de Chantal Baril porte une robe longue rose avec falbalas et qu'elle est parée d'innombrables colliers et bracelets en plus de porter une perruque? Parce qu'on parle ici d'une pièce réaliste.

Le moment charnière de la pièce, la scène qui devrait être la plus forte et la plus chargée, qui résume tous les malaises de cette famille mal assortie, est complètement ratée. On la voit venir à cent milles à l'heure et Isabelle Roy, la victime sacrificielle, ne véhicule qu'un vide intersidéral comme si elle était détachée de tout cela, pensant à sa liste d'épicerie plutôt qu'à nous faire sentir la souffrance et l'humiliation de son personnage. Cette mise en scène au premier degré souligne à gros traits ce qui devrait être davantage suggéré, faisant appel ainsi à l'intelligence du spectateur. Bref, vous aurez compris que je suis sortie déçue et désenchantée de cette représentation qui ne rend pas justice au texte de Jean-Marc Dalpé, un texte qui traite des espérances enfuies et des rêves à côté desquels on passe. Alors que le résultat sur scène stagne au ras des pissenlits.

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