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«Roméo et Juliette»: en manque d'émotions

Ce ballet est mon préféré. Les Grands Ballets s'y étaient aventurés il y a quelques années dans une approche contemporaine qui ne m'avait pas convaincue. Ils reprennent cette production à la Place des Arts et j'ai le regret d'écrire que je ne suis pas davantage convaincue.
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La dernière fois que j'ai vu Roméo et Juliette, c'était en 2014 à Toronto, dans la magnifique production du National Ballet. Guillaume Côté et Elena Lobsanova étaient splendides et la chorégraphie d'Alexei Ratmansky donnait encore plus de profondeur et de nuances à l'inoubliable musique de Prokofiev. Ce ballet est mon préféré et j'ai pu l'apprécier au cours des années dansé par le Ballet Kirov, et dans une autre version du National Ballet dans les années 1990. Les Grands Ballets, ici à Montréal, s'y étaient aventurés il y a quelques années dans une approche contemporaine qui ne m'avait pas convaincue. Ils reprennent cette production à la Place des Arts et j'ai le regret d'écrire que je ne suis pas davantage convaincue.

Le décor, composé d'immenses panneaux géométriques blancs, qui changeront de couleur selon les éclairages, est froid et stérile. On peut comprendre ce choix puisque ce ballet narratif comporte le plus grand quotient de passion au centimètre carré qu'on puisse imaginer. Mais c'est ici que le bât blesse puisqu'aucune émotion ne se dégage de cette déchirante histoire et cela tient, selon moi, à la chorégraphie de Jean-Christophe Maillot.

C'est une chorégraphie mécanique, sans âme où il manque un sentiment d'urgence, une conviction. Une chorégraphie où, très curieusement, il y a une utilisation d'une gestuelle des bras complètement inutile, qui n'a pas été sans me rappeler les facilités retrouvées dans le Carmina Burana de Fernand Nault. Il y a ici une absence de vision dramatique.

Il faut se l'avouer, les danseurs des Grands Ballets ne sont pas des parangons de technique. Christie Partelow en Juliette, une Juliette juvénile et attachante, et Troy Herring, un très mignon Roméo, se débrouillent et incarnent dans un jeu plausible ces amants que le destin s'ingénie à contrarier. Vanesa G.R. Montoya, Lady Capulet, représente la quintessence de la ballerine avec son cou de cygne et ses bras déliés. Elle apporte beaucoup de grâce et d'intensité à ce rôle et possède une réponse instinctive à la musique et aux scènes dans lesquelles elle se trouve. Jerimy Rivera en Mercutio et Stephen Satterfield en Tybalt, des rôles en or pour des danseurs athlétiques, font du bon travail. Mais le reste de la troupe, dans plusieurs scènes, ressemble à des enfants indisciplinés dans une cour d'école, éparpillés, sans ensemble, sans direction, semble-t-il. Il y a tellement de gestes et de poses inutiles qu'on se retrouve dans un embrouillamini chorégraphique où aucun sentiment ne réussit à passer.

Par ailleurs, Jean-Christophe Maillot a réussi à rendre ordinaire l'un des moments les plus extraordinaires de l'Histoire du ballet : La Danse des chevaliers. Cette musique forte, démesurée et pleine de noblesse doit trouver son équivalent sur scène. Maillot en fait un exercice scolaire qui tombe à plat. Il n'y a ni style ni aplomb dans ce morceau d'anthologie. Et j'ai mémoire d'avoir frissonné devant cet épisode grandiose lorsque je l'ai vu dans d'autres productions. Ici, ce n'est que du n'importe quoi. Dans toute cette modernité, la magie n'opère pas.

L'orchestre des Grands Ballets, sous la direction de Florian Ziemen, réussit à assurer la seule présence forte dans ce spectacle. Ils y vont avec tout leur cœur et c'est un plaisir que de les entendre. Mais ce qui se passe sur scène n'est hélas pas à leur hauteur. À trop vouloir styliser, on ne transcende plus. On s'agite pour rien sur la scène du Théâtre Maisonneuve, pour faire moderne peut-être. La chorégraphie emprisonne les danseurs plutôt que de les libérer et il en résulte que l'humanité inhérente à Roméo et Juliette, ce drame sans cesse revisité qui devrait toujours nous émouvoir, ne passe pas.

Roméo et Juliette au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts jusqu'au 28 octobre 2016.

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