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Os la montagne blanche: le verbe inoxydable

Connaissons-nous vraiment ceux que nous aimons et à qui nous tenons le plus?
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Magali Canal

Ce n'est pas un hasard si le narrateur de Os la montagne blanche de Steve Gagnon présentée à La Licorne est archéologue. Il déterre des artefacts, il décèle les traces de civilisations et d'humains disparus et tente de les interpréter. Il ne sait pas encore qu'un défi bien plus grand l'attend à la mort de sa mère : déceler ses traces à elle, tenter de comprendre cette vie, interpréter cette femme qu'il aimait profondément et qui n'a rien laissé derrière elle pour expliquer qui elle était.

Depuis des dizaines d'années, j'écris dans ce que j'appelle Mes cahiers noirs. Pas du tout dans le genre « Cher journal, aujourd'hui au bureau, j'ai pleuré. Encore.» J'écris les anecdotes, les coïncidences, les moments amusants de ma vie, des extraits de romans lus, des poèmes que j'aime, des souvenirs de gens que j'ai connus et qui, parfois, meurent. Ma vie est documentée. Mes fils pourront lire cela quand je ne serai plus là. Ou les jeter à la poubelle.

Mais la mère de Os n'a jamais écrit dans des cahiers noirs ou autres, elle n'a jamais tenu de journal et alors que le fils fouille partout et espère trouver dans les livres de recettes ou sous le matelas de la mère disparue une explication, une validation, le pourquoi et le comment de cette vie, il ne trouve rien. C'est donc à l'intérieur de lui-même, lui qui possède la moitié de cette femme dans ses gènes, qu'il essaiera de la découvrir et de la rencontrer.

Connaissons-nous vraiment ceux que nous aimons et à qui nous tenons le plus? Répondant à cette interrogation, Steve Gagnon revisite l'enfance, les projets inachevés ou ratés, les souvenirs impérissables comme celui du deuxième tiroir de la salle de bain où on peut tout trouver sauf, hélas, ce qui est le plus important. Et il y a cette réalisation douloureuse de l'amour incroyable porté à la mère puisque plus rien n'est pareil depuis qu'elle n'est plus là et qu'on ne peut plus lui poser les questions qui s'agitent dans notre tête. Et, pire, le fils doit se bâtir en homme tout seul.

Ce spectacle tient du slam, de la poésie, de la performance; la musique fort pertinente et belle de Nicolas Basque et Adèle Trottier Rivard qui l'accompagne ponctuellement souligne le texte et contribue à l'émotion. Le public est debout dans la salle de la Petite Licorne et Steve Gagnon se promène de podium en podium pour les différents chapitres de l'histoire qu'il nous raconte. Il y aura des relations difficiles, des amours déçues, un voyage en Amérique du Sud et la rencontre d'Edna, moitié mère substitut, moitié chamane ou sorcière. Tout cela contribuant à la construction d'un homme qui n'est pas nécessairement doué pour l'archéologie de l'amour.

J'ai été très touchée par ce spectacle où les moments pénibles de l'existence alternent avec des éclats de joie.

J'ai été très touchée par ce spectacle où les moments pénibles de l'existence alternent avec des éclats de joie. La mise en scène de Denis Bernard, complice du texte, rend tout cela avec une belle évidence. Mais surtout cette pièce s'inscrit dans ce projet de Steve Gagnon de redéfinition de la masculinité dans le cadre de notre époque où tout est remis en question. Et puisque le deuxième tiroir de la salle de bain ne contient pas de mode d'emploi pour toutes ces grandes questions, il nous revient à tous et à toutes de réfléchir là-dessus et parfois de grands fous romantiques comme Steve Gagnon nous permettent de le faire.

Os La montagne blanche : Une production du Théâtre Jésus, Shakespeare et Caroline en codiffusion avec La Manufacture, à La Licorne jusqu'au 1 décembre 2017.

20 pièces de théâtre

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