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Ne m'oublie pas: surtout pas

, le texte de Ton Holloway présenté sur la scène du Théâtre Jean-Duceppe, superbement traduit par Fanny Britt, est plein de force et de beauté grave.
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Un François Papineau habité par ce personnage d'homme brisé à jamais, une Marie-Ève Milot convaincante dans le rôle de la fille de cet homme qui tente désespérément de trouver une façon de le rejoindre, de comprendre les raisons de son échec retentissant en tant que père et mari. Et surtout, surtout, une Louise Turcot déchirante dans le rôle de cette mère à qui on a arraché son fils de quatre ans et qui, tout le reste de sa vie, a imaginé qu'il connaissait une vie meilleure.

Ne m'oublie pas, le texte de Ton Holloway présenté sur la scène du Théâtre Jean-Duceppe, superbement traduit par Fanny Britt (ça veut dire qu'on ne sent pas une seconde qu'il s'agit d'une traduction et que le ton est toujours juste), est plein de force et de beauté grave. Jamais les choses ne sont aussi claires que lorsqu'une souffrance les a dévoilées. C'est cela que démontre la pièce avec une sobriété exemplaire, car il aurait été très facile de sombrer dans un pathos affligeant, piège qu'a évité le dramaturge, heureusement.

Le décor est tout simple : quatre sofas aux quatre coins de la scène avec au centre une table et deux chaises. C'est là qu'évolue la mère, le point d'ancrage de cette histoire autour de qui tout évolue. En 1964, en Angleterre, on a enlevé son enfant à cette fille-mère dans le cadre d'un programme concocté par les autorités britanniques, programme auquel a largement contribué l'Église catholique. Ces petits, dont l'ahurissement devait être total, ont été mis sur des bateaux et envoyés dans divers pays du Commonwealth, dont le Canada. George/Gerry (François Papineau) s'est retrouvé dans un orphelinat en Australie où il a été exploité et maltraité. De ses premières années passées avec sa mère il ne garde aucun souvenir. Parlons ici d'une vie gâchée.

George est habité par une rage et une peine que le spectateur de la pièce comprend absolument. Il n'y a jamais eu d'espoir dans sa vie et il refuse de croire en la possibilité qu'il y en ait un jour. Survient un homme (Jonathan Gagnon) qui lui annonce qu'il est possible de retrouver cette mère que George croit morte et que les frais de son voyage en Angleterre seraient assumés par un organisme spécialisé dans ce type de retrouvailles. George, poussé par sa fille, va accepter d'aller voir cette mère.

Il y a une économie, un minimalisme, dans cette pièce et également dans la mise en scène de Frédéric Dubois. Économie que j'ai beaucoup appréciée. Ainsi dans le texte, il n'y a que deux exemples donnés par Gerry/George des sévices et horreurs qu'il a dû subir dans l'orphelinat où il a vécu. C'est peu et cela suffit, car les deux anecdotes dont il fait état vous arrachent le cœur. On n'a pas besoin de plus, on ne s'attarde pas à la description des abominations, mais on comprend parfaitement ce que cela peut être de grandir dans le dénuement, sans amour et sans tendresse.

Il y a eu 100 000 de ces enfants qui ont été envoyés au Canada et qui ont surtout été utilisés, souvent dans des conditions épouvantables, comme travailleurs agricoles.

Il y a eu 100 000 de ces enfants qui ont été envoyés au Canada et qui ont surtout été utilisés, souvent dans des conditions épouvantables, comme travailleurs agricoles. Le Canada a cessé de les accueillir après la Deuxième Guerre. L'Australie a continué d'en recevoir jusqu'en 1970. Tom Holloway a choisi ce sujet riche en émotions et en injustices, il a donné une voix à tous ces malheureux et en a fait une pièce où on comprend qu'il est parfois impossible de reconstruire ce qu'on a été forcé de quitter. Et qu'il n'y a pas de répit pour les cœurs tourmentés dans ce monde rempli d'offenses impardonnables.

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