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«Münchhausen»: la belle folie

Comment parler de ce spectacle haut en couleur, rempli d'une folle énergie, servi par des comédiens impeccables et avec une fin ouverte pleine de poésie?
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Comment parler de ce spectacle haut en couleur, rempli d'une folle énergie, servi par des comédiens impeccables et avec une fin ouverte pleine de poésie? Mon compagnon de ce soir-là et moi sommes sortis du Théâtre Denise-Pelletier après avoir vu ce merveilleux Münchhausen le sourire aux lèvres, complètement ravis, heureux d'avoir pu faire ce voyage grâce à la vision d'Hugo Bélanger, celui qui a adapté et mis en scène l'histoire de cet extravagant Baron.

Tout débute avec la pièce dans la pièce; le théâtre Galimard, qui a vraiment existé, est au bord du gouffre financier à cause des compressions dans le domaine de la culture (ici, clin d'œil à ce qui se passe ici...). Son propriétaire, malgré l'indifférence de sa fille et l'ineptie de ses comédiens, essaie de sauver son théâtre en ruines avec une représentation des aventures du Baron de Münchhausen, ce mercenaire allemand qui s'est battu pour les Russes au XVIIIe siècle et qui a relaté ses aventures en, disons, exagérant un peu. Tout ça est très, très amusant; Éloi Cousineau est irrésistible en Gustave Galimard tentant désespérément de donner une représentation alors que rien ne fonctionne : les comédiens ratent leurs entrées, les accessoires ne sont pas où ils devraient être, le décor menace de s'écrouler à tout moment...On rit beaucoup, beaucoup, mais soudain, coup de théâtre (ben oui, on est au théâtre) apparaît le Baron de Münchhausen, lui-même en personne.

(Crédit photo : Frédéric Bouchard)

Félix Beaulieu-Duchesneau est sensationnel dans ce rôle. Pour l'avoir vu dans un certain nombre de pièces (dont dans As is de Simon Boudreault où il incarnait le Gros Richard, qui n'était pas gros) je sais qu'il a beaucoup de talent, mais là, il m'a jetée par terre. Sa carrure, sa voix profonde, son agilité vont composer un Baron plus grand que nature qui prend effectivement les proportions mythiques qui sont demeurées dans l'imaginaire des lecteurs de ses aventures. Car devant la troupe de Galimard, médusée, le Baron va prendre les choses en main et raconter ce qui, selon lui, s'est véritablement passé(!)

J'ai bien reconnu la touche d'Hugo Bélanger dont j'ai vu l'adorable Tour du monde en 80 jours l'été dernier au TNM. Encore ici, des décors qui remplissent plusieurs fonctions alors qu'ils ont l'air de ne pas y toucher : des cordes, des poulies, des rideaux, quelques marionnettes et une direction de comédiens pleine d'énergie et de dynamisme. En prime, d'excellentes blagues remplies d'autodérision sur le théâtre, les comédiens, les metteurs en scène qui ajoutent une petite couleur postmoderniste. Parmi les meilleurs moments, la rencontre avec le Grand Truc qui donne lieu à une scène délirante, le sauvetage de Catherine de Russie qui se trouvait en grand danger (ne demandez pas d'explications) et la visite chez le dieu Vulcain où j'ai quasi eu peur à cause des très impressionnants déguisements. D'ailleurs les costumes de Véronic Denis, extraordinaires, inventifs, chamarrés, ahurissants, contribuent à créer cette atmosphère surréelle dans laquelle nous baignons tout au long de la représentation. Je n'ai qu'un tout petit, petit bémol. Après l'entracte, alors que le Baron et Sarah Galimard (excellente Audrey Talbot) se retrouvent sur la lune (comme ça, parce qu'ils sont tombés dedans) il y a une légère baisse d'énergie, bien vite récupérée par ailleurs, mais qui m'a fait réaliser les efforts physiques et intellectuels qu'une telle production exige de la part des comédiens et de tous les artisans derrière eux. Ils sautent, ils courent, ils vocifèrent, ils se démènent pendant près de trois heures, il n'y a aucun temps mort, je suis sûre qu'ils sont épuisés à la fin. Et ils font tout ça pour nous.

Münchhausen est un hymne à l'imaginaire et à l'imagination, éléments trop souvent négligés au profit...du profit. Je rêve donc je suis, dit le Baron, et je jure de ne jamais être raisonnable. Cette pièce, avec son enthousiasme rafraîchissant, nous donne l'occasion de dépayser notre regard et aussi notre âme en compagnie d'une galerie de personnages formidables. Et nous avons terriblement besoin de folie, pas de la folie meurtrière des attentats de Beyrouth et de Paris, mais de la belle, belle folie d'Hugo Bélanger et de cet impossible mais combien attachant Baron de Münchhausen.

Münchhausen Les machineries de l'imaginaire : Une production de Tout à Trac, présentée au Théâtre Denise-pelletier jusqu'au 9 décembre 2015.

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