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«Les Bienheureux»: le bonheur à tout prix

Ils sont une quinzaine sur scène, la plupart non-acteurs, qui reçoivent des services du Centre de dépendance de Montréal et qui se sont impliqués volontairement dans ce projet un peu fou.
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Ce que j'ai vu au Théâtre Les Écuries était un spectacle rafraîchissant, attachant et plutôt divertissant. Qu'est-ce que c'était au juste? Je ne suis pas sûre. Une dénonciation? Une remise en question? Une féroce critique? De toutes ces thérapies, propos positivistes-nouvel-âge-à-la-noix qui nous promettent le bonheur, puisqu'il s'agit simplement de le vouloir assez sinon c'est bien votre faute si vous n'êtes pas heureux?

Je crois que c'est un peu tout cela à la fois. L'originalité du propos réside dans le fait qu'on utilise la méthode des AA avec les twelve steps, sérieusement pervertis ici et de façon plutôt plaisante, mais plutôt que de parler de jours de sobriété, dans Les Bienheureux on s'attarde à dénombrer les jours d'euphorie.

Le bonheur à tout prix, quoi. Et c'est assorti de projections vidéo dénichées sur You Tube d'une niaiserie à couper le souffle; je ne peux pas croire que, sérieusement, il y ait des gens qui s'abonnent et qui paient pour ces discours ignares, redondants et bourrés de fautes de français, histoire de se requinquer le moral.

Une jeune femme en particulier nous parle de son Visual board, un tableau où l'exercice consiste à découper dans les magazines l'objet de vos désirs, matériels de préférence, et de coller cela sur le dit tableau avec des photos de vous, car vous devez attirer toutes ces merveilleuses choses qui vont se précipiter dans votre vie: condos, voitures de luxe, bijoux, voyages, argent etc. D'après la jeune femme, ça marche, il s'agit seulement d'y croire. Alors ça et The Secret ou encore la spiritualité capitaliste et mercantile dont Oprah parlait constamment dans son émission, c'est la même chose: le bonheur est indéfectiblement lié aux possessions matérielles. En tout cas, c'est ce qu'on nous dit.

Ils sont une quinzaine sur scène, la plupart non-acteurs, qui reçoivent des services du Centre de dépendance de Montréal et qui se sont impliqués volontairement dans ce projet un peu fou. Ils sont tous convaincants, atteignant un niveau de professionnalisme qui n'a rien à envier à des productions bien plus ambitieuses. Ils le font surtout sans prétention aucune, y investissant leur cœur et leur bonne volonté, le tout sous la direction de Michelle Parent et après avoir collaboré au texte d'Olivier Sylvestre.

Le spectacle est rôdé et les projections vidéo sur les écrans de l'arrière-scène s'insèrent sans effort aux divers monologues des participants qui les livrent avec aplomb et humour. Les mouvements des comédiens sont fluides, les chorégraphies simples sont efficaces, l'atmosphère est celle d'une maison de fous sympathique qu'on a apprivoisée peu à peu. On aime ça sans trop savoir pourquoi, peut-être parce que l'on doit choisir de s'abandonner à cet univers, d'abandonner nos grilles d'analyse habituelles et de tout simplement apprécier ce que l'on nous offre.

Je ne sais toujours pas si c'est triste ou formidable de forcer cette bonhomie artificielle dans le cadre de ces thérapies qui connaissent beaucoup de succès en ce bas monde. Est-ce que c'est risible, ridicule ou révoltant de forcer des gens à prétendre constamment que tout va bien, que quand on veut, on peut, que le verre est à moitié plein plutôt qu'à moitié vide, que c'est le début du reste de notre vie etc. etc... Il demeure que ce spectacle est réjouissant et attachant, que j'ai bien aimé cette heure vingt minutes passée en compagnie de ces gens sympathiques avec qui je n'hésiterais pas à aller prendre une bière (ben, peut-être pas une bière, Coke ou Orangina?) car il y a une énergie qui émane de cette scène et de ces amateurs qui, s'ils dénoncent des faussetés, sont tout sauf faux.

Les Bienheureux, une production Théâtre Pirata, aux Écuries jusqu'au 23 janvier 2016.

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