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«Le terrier»: des souliers d'enfants abandonnés sur scène

Avec une économie de moyens, de la retenue et de la sobriéténous entraîne dans l'univers d'une famille en complet désarroi à la suite de la mort accidentelle de Danny, leur petit garçon de 4 ans.
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Vous connaissez peut-être ce micro-roman attribué à Ernest Hemingway For sale : baby shoes, never worn. Dans ces six mots se retrouvent toute la douleur du monde et toute la dimension du drame qui a été vécu. Et c'est un peu ce que fait David Lindsay -Abaire dans la pièce Le terrier présentée au Théâtre Denise-Pelletier dans une très bonne traduction de Yves Morin.

Avec une économie de moyens, de la retenue et de la sobriété Le terrier (Rabbit hole en anglais) nous entraîne dans l'univers d'une famille en complet désarroi à la suite de la mort accidentelle de Danny, leur petit garçon de 4 ans. Son absence est symbolisée par une paire de souliers d'enfants abandonnés sur scène, des souliers qui ne seront plus jamais portés. Ce qui m'a fait penser à la phrase d'Hemingway.

C'est une très, très bonne pièce impeccablement mise en scène et formidablement sentie par les comédiens qui y jouent. Et il y a la sublime Sandrine Bisson. Dans le rôle de Becca, la mère qui ne trouve plus ses repères et qui n'a plus de larmes pour pleurer, elle est tout simplement renversante. Que ce soit dans les conversations de tous les jours ou dans les moments plus lourds qu'elle partage avec son mari, Sandrine Bisson nous fait tout comprendre, nous fait tout saisir avec un petit geste, une légère intonation, une expression fugace qui lui traverse le visage. Il n'y a qu'elle pour faire ça et pour nous broyer le cœur de cette façon. Et une comédienne de ce calibre à qui l'on procure un si bon texte ne peut que relever le niveau d'exigences pour ceux qui partagent la scène avec elle.

Mission réussie: Frédéric Blanchette (Louis, le mari), est poignant; Rose-Anne Déry (Isa, la sœur) égoïste, légère, qui ne saisit pas combien l'annonce de sa grossesse peut bouleverser sa sœur orpheline de son petit, donne à ce rôle la juste combinaison d'immaturité et de lucidité; et Pierrette Robitaille m'a complètement convaincue avec cette mère souvent maladroite, disant tout ce qu'il ne faut pas, qui délire sur la malédiction des Kennedy, mais dont le cœur recèle aussi une cicatrice qui ne se refermera jamais. Finalement André-Luc Tessier, qui incarne Jason, le très jeune conducteur responsable de la mort de Danny, se révèle touchant dans son désir de se racheter. Lui aussi vivra le reste de sa vie avec les conséquences de cette mort.

À texte sobre, décor sobre. Quelques chaises, aucun accessoire sauf les souliers d'enfants. Sous la scène, des bouteilles vides ou renversées, des verres sales, un gâteau d'anniversaire. Reliefs de la fête à laquelle ne peuvent plus se joindre les protagonistes? Car leurs conversations sont dorénavant teintées par la peine : vendre ou pas la maison, avoir ou pas un autre enfant. Se rendre compte qu'on a enregistré par erreur par-dessus la cassette vidéo où se trouvaient les images de David, seuls souvenirs de sa courte vie. On s'accuse à qui mieux mieux, même si ce n'est de la faute de personne, les reproches et les récriminations se faisant l'expression de la cassure des âmes. Et la mise en scène de Jean-Simon Traversy est faite dans le total respect de ce texte qui n'a pas besoin de fioritures pour être terriblement efficace.

Mais il y a de l'espoir. La peine s'amenuisera. Un peu. La vie continuera. Et on croit terriblement à ces personnages, on s'en fait pour eux, on éprouve de la compassion pour cette famille qui se débat pour garder la tête hors de l'eau dans de terribles circonstances. On leur souhaite de retrouver les petites joies qui rendent la vie supportable. Et tout cela à travers ce texte de David Lindsay-Abaire qui, l'air de ne pas y toucher, nous dit tout ce qu'il faut, et plus encore.

Le terrier, à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier jusqu'au 19 novembre 2016.

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