Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Le déclin de l'empire américain: rien n'a changé

Si l'on se réfère au texte uniquement, force est de constater que les personnages actualisés du Déclin n'ont pas bougé depuis 1986.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Les hommes ne pensent qu'au sexe, qu'ils appellent parfois l'amour.

Dans cette adaptation modernisée du Déclin de l'empire américain de Denys Arcand, présentée à l'Espace Go, rien n'a vraiment changé depuis 1986. On a ajouté des références au World Trade Center et à Tinder. On envoie des textos, on achète son épicerie bio chez Adonis, on se préoccupe des antioxydants et on offre de la bière sans gluten. Mais les personnages, surtout les hommes, font un affligeant surplace. Ils n'ont pas changé ni évolué, ils n'ont en rien progressé lorsqu'il s'agit de leurs relations avec les femmes, ce sont toujours des Cro-Magnon du sentiment et ils font pitié.

Le décor, multifonctionnel et très évocateur, consiste en un immense plateau noir avec de chaque côté des casiers, une table couverte de bouteilles, les quelques accessoires qui détermineront les lieux tout au long du déroulement de la pièce. Adapté par Alain Farah et Patrice Dubois, ce dernier assumant également la mise en scène et un des rôles, ce Déclin théâtral reste fidèle à l'esprit de l'original. On a coupé un peu dans le texte, on a rajouté toutes ces évocations rappelant que nous sommes ici et maintenant. Les comédiens sont très bons, Sandrine Bisson (toujours excellente) et Marie-Hélène Thibault se démarquant du lot avec des présences fortes. Alexandre Goyette est retentissant dans le rôle que tenait Gabriel Arcand, rôle qui a été étoffé, et qui permet à ce personnage de ne pas apparaître seulement comme une brute inculte et de damer le pion à cette bande de privilégiés condescendants. Cet étranger dans un lieu clos apporte une autre dimension plus approfondie à l'immense fossé qui sépare les classes sociales. Lui, le type au vocabulaire pauvre et aux préoccupations terre-à-terre va laisser sans voix cette bande d'universitaires qui se croient profonds et qui ne sont que superficiels.

Je n'ai pu m'empêcher de penser à On ne badine pas avec l'amour d'Alfred de Musset, lorsque Perdican s'adresse à Camille dans une tirade sentie : «tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées [...], mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompés en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit : "J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. »

Si l'on se réfère au texte uniquement, force est de constater que les personnages actualisés du Déclin n'ont pas bougé depuis 1986.

Et bien voilà. Si l'on se réfère au texte uniquement, force est de constater que les personnages actualisés du Déclin n'ont pas bougé depuis 1986. Le discours est truffé de remarques sexistes et machistes, la domination masculine sur les femmes dans tous les domaines est encore ce qui prévaut et cette obsession pour le cul semble ne pas avoir évolué d'un iota. Ce n'est donc mis au goût du jour que dans les détails et les allusions à notre univers de 2017. Et je ne peux pas croire que les hommes dans la quarantaine de maintenant ne sont pas plus au fait des changements survenus et qu'ils n'ont pas développé une certaine sensibilité face aux revendications des femmes. Mais ce que j'ai retenu et que l'on retrouvait aussi dans le film de Denys Arcand, c'est la solitude de ces personnages qui, en baisant, croient créer des liens solides avec leurs semblables. Ce qui n'est qu'illusion. Le tout accompagné d'un discours intello, car ça paraît toujours bien de citer Gramsci ou Foucault au lit ou entre universitaires. Ma complice de ce soir-là me soulignait que dans cette pièce, le cynisme passe pour de l'intelligence. Ils sont en effet revenus de tout, ces personnages, et n'ont en fait rien approfondi, et surtout, rien compris. Ils devraient relire Musset.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

Le déclin de l’empire américain

10 pièces de théâtre à voir en début d'année à Montréal

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.