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«Le Barbier de Séville»: sacré Beaumarchais!

Le Théâtre Denise-Pelletier présente, dans une mise en scène de daniel paquette qui a l'art de séduire un jeune public et qui amalgame comédie musicale et théâtre de boulevard.
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Beaumarchais est le patron des critiques. Sans la liberté de blâmer, il n'y a point d'éloge flatteur, c'est lui qui a écrit ça, ce qui résume formidablement bien, à l'époque des Lumières, les premiers balbutiements de la liberté d'expression et la naissance de la critique telle qu'on la connait. Sainte-Beuve formalisera tout cela quelques années plus tard et voilà : c'est pour cela que dans les démocraties on peut dire ce qu'on pense d'une œuvre de création, même si elle ridiculise ou remet en question le pouvoir en place ou les institutions. Merci, Beaumarchais.

Au même titre que Molière ou Racine, Beaumarchais est toujours joué. Le Théâtre Denise-Pelletier y va cette saison avec Le Barbier de Séville, dans une mise en scène de daniel paquette (il écrit son nom comme ça) qui a l'art de séduire un jeune public et qui amalgame comédie musicale et théâtre de boulevard tout en mettant l'accent sur un jeu très physique et très slapstick. Pour un résultat convaincant.

D'emblée je vous dirai que je préfère Le Mariage de Figaro pour le message social sans équivoque que l'on y retrouve, pour le monologue de Figaro, le valet (bien plus intelligent que son maître, comme c'est souvent le cas chez Molière aussi) met le nez du Comte Almaviva dans tous les privilèges dont il jouit sans les avoir jamais mérités, tout simplement parce qu'il est né noble avec toutes les injustices et les incohérences qui en découlent. Le Barbier de Séville n'en est pas encore là, même s'il est évident que le serviteur est le moteur de l'action et que les riches et les puissants de cette histoire sont soit des imbéciles, soit des crétins vicieux. Le Barbier de Séville, c'est plus léger. C'est une histoire assez échevelée où il y a des lettres volées ou dissimulées, des déguisements, des quiproquos et des malentendus, mais où l'amour et la jeunesse finissent par triompher.

Dans un décor angulaire et stylisé, très réussi, évoluent ces personnages colorés que sont Figaro, le Comte Almaviva, Bartholo et Rosine. Ils jouent tous beaucoup sur d'hilarantes expressions de visage, (que je voyais très bien étant assise près de la scène, mais je me questionne pour les spectateurs dans le fond de la salle). Carl Poliquin est un Figaro déchaîné, très en contrôle de son délire théâtral, et il a aussi une très belle voix lorsqu'il entonne la ritournelle. Kevin Houle est un Comte Almaviva transi d'amour qui fait appel à son ancien valet afin de séduire la charmante Rosine. Celle-ci, jouée par Madeleine Péloquin, est mutine et fine mouche à souhait tout en faisant preuve de beaucoup d'esprit dans ses réparties face à Bartholo, ce tuteur qui veut l'épouser. Roger Léger donne beaucoup d'ampleur à ce rôle et je dois dire que c'est lui qui se défend le mieux avec cette langue du XVIIIe siècle qui semble, au début du moins, donner du fil à retordre aux plus jeunes comédiens. Daniel Desparois nous propose un Don Bazile complètement délirant dans son amour de la bonne chère et de l'argent et Luc Boucher est surprenant dans les rôles du serviteur niais par excellence et d'un notaire en fait pas beaucoup plus intelligent. Tout ce monde-là consacre beaucoup d'énergie et de ferveur à ce spectacle, les remarques spirituelles fusent, les chansons (mignonnes) se succèdent, il y a même un moment où un duo d'amour évoque terriblement La voix. C'est léger et divertissant.

Un mot sur les costumes : à peu près toutes les époques sont représentées, sauf le 18ème siècle. Almaviva est habillé au début en dandy romantique du XIXe, Bartholo et Don Bazile pourraient personnifier des chevaliers de la spéculation immobilière contemporains d'Haussmann, Figaro va se retrouver avec un manteau de cuir très XXe et il y a aussi d'impossibles imperméables dissimulant des habits tout ce qu'il y a de contemporain. À travers tout cela, Rosine porte d'adorables robes inspirées par le New Look de Christian Dior. Tout cela fonctionne très bien, contribuant en fait à l'intemporalité de la pièce.

On passe une bonne soirée en compagnie de ces amusants personnages. Cela fait toujours du bien de voir le pouvoir ridiculisé par des valets rusés et des jeunes filles intelligentes. À condition de ne pas désirer davantage, c'est parfait et sans reproche.

Le Barbier de Séville: au Théâtre Denise-Pelletier jusqu'au 1er avril 2015.

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