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«La campagne»: chuchotements dans l'obscurité

Pendant la plus grande partie de la représentation de, cette pièce de Martin Crimp présentée au Prospero, les comédiens sont sur une scène plongée dans la pénombre, chuchotent ou murmurent (heureusement ils ont des micros) en nous tournant le dos pendant de longs moments.
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C'est tout à fait ça : pendant la plus grande partie de la représentation de La campagne, cette pièce de Martin Crimp présentée au Prospero, les comédiens sont sur une scène plongée dans la pénombre, chuchotent ou murmurent (heureusement ils ont des micros) en nous tournant le dos pendant de longs moments. Les spectateurs, yeux écarquillés et oreilles tendues, essaient de trouver le sens de ces dialogues de couples, mari et femme, amant et maîtresse, tout en priant pour que l'éclairagiste se manifeste enfin. J'avais vu la veille les quatre courtes pièces de Beckett, et bien Beckett comparé à cela, c'est du théâtre de boulevard.

Donc. Un mari et une femme qui ont déménagé à la campagne dans une belle grande maison située dans un environnement enchanteur. Lui est médecin, elle s'occupe de leurs deux enfants. Dans des dialogues qui se chevauchent parfois, Corinne cherche à faire la lumière (ha!) sur un incident qui vient de se produire. Son mari, Richard, a ramassé une jeune femme trouvée inconsciente sur la route et l'a ramenée à la maison. Pourquoi a-t-il fait ça, qui est cette jeune femme, questions qui demeurent sans réponses et qui sont noyées dans un brouillard de mensonges et d'approximations. Lui leur ment à toutes les deux. Elles se mentent à elles-mêmes.

Justin Laramée, qui joue le rôle de Richard, adopte un ton doux, toujours égal, trop égal. On ne sait pas si cet homme est en parfait contrôle ou s'il est l'incarnation de la lavette sans épine dorsale. Delphine Bienvenu, en Corinne, exprime une colère rentrée qui n'éclatera jamais et Victoria Diamond (Rebecca), étudiante en histoire qui fait du latin, semble avoir de la difficulté à trouver le bon registre. On parle aussi d'un mystérieux Maurice qui a pu jouer un certain rôle dans cette histoire, mais dont on ne sait pas grand-chose et de la mort d'un vieil homme qui était semble-t-il plutôt odieux, mort dans laquelle Richard aurait peut-être eu une responsabilité. Mais ces énigmes ne font qu'ajouter à la confusion qui émane de cette pièce.

Il y a peut-être ici une réflexion amorcée sur le mythe de la campagne salvatrice, ce lieu de pureté où les gens sont plus authentiques, mais qui se révèle ici toxique et dangereuse et qui dévoile le vrai visage des personnages. Puisqu'ils sont prisonniers de l'espace qui se trouve à l'intérieur d'eux-mêmes. Mais plutôt que de faire ressentir l'espoir et l'attente, la souffrance et le regret, le texte demeure stérile, on ne s'attache pas à Richard, Corinne ou Rebecca et on s'en fout de ce qui va leur arriver. Dans cette continuité, le décor consiste en une table et une chaise. Sur le mur du fond une fenêtre où on décèle l'image d'un arbre solitaire dans un paysage désolé, très Six feet under.

Il n'y aura pas de résolution pour ces gens ni de rédemption d'aucune sorte. Tout cela est en fait assez déprimant. Peut-être qu'on voulait souligner la marge d'ombre (littérale ici) qui cerne chaque instante de la vie humaine. Peut-être. Pourtant j'avais bien aimé La ville du même auteur, il y a deux ans. La ville a été écrite en 2008, La campagne en 2000. Faut-il blâmer une moins grande maîtrise de la part du dramaturge ou des choix de mise en scène qu'on pourrait discuter longtemps? Je me demande sincèrement quelles sont les motivations pour présenter un texte aussi abscons et aussi lourd où on n'y voit presque rien et où on entend à peine. C'est aussi ennuyeux qu'une après-midi de parloir, et une fois sorti du théâtre, on n'a que l'envie de tout oublier ça.

La campagne : au Théâtre Prospero jusqu'au 22 octobre 2016.

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