Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

«L'écolière de Tokyo»: le voyage comme fuite

J'ai beaucoup d'affection pour Jean-Philippe Lehoux. Sa dernière création, présentée au Théâtre Denise-Pelletier,, aborde de nouveau le thème du voyage, une constante chez ce jeune et talentueux dramaturge. Mais cette fois-ci, c'est pas mal moins réussi.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

J'ai beaucoup d'affection pour Jean-Philippe Lehoux dont j'ai vu Comment je suis devenue touriste, Napoléon voyage et Normal. Sa dernière création, présentée au Théâtre Denise-Pelletier, L'écolière de Tokyo, aborde de nouveau le thème du voyage, une constante chez ce jeune et talentueux dramaturge. Mais cette fois-ci c'est pas mal moins réussi.

Quatre comédiens sur scène : le délicieux Michel Olivier Girard en professeur de japonais, Miro Lacasse, convaincant dans l'incarnation de divers représentants du Soleil levant, Jean-Philippe Perras, le jeune Canadien Samuel Cohen qui semble vivre d'expédients dans les bas-fonds de Tokyo et Daniel Gadouas, qu'on voit trop peu au théâtre et qui joue le rôle de Claude. Ce dernier, licencié de son travail dans le domaine technologique à cause de son âge, décide d'aller se faire hara-kiri au Japon (à cause des téléviseurs Sony sur lesquels il a travaillé toute sa vie? On ne sait pas trop.) Sans parler anglais, et encore moins le japonais, il rencontre par hasard Samuel dans un restaurant miteux. Il y mangera des déjections de pieuvre et autres curiosités gastronomiques avant d'établir une sorte de complicité avec le jeune Canadien et finalement renoncer à son projet de suicide.

Jean-Philippe Lehoux privilégie les histoires de choc culturel dans ses pièces. Ici c'est plutôt le choc des générations qui occupe l'espace. Mais voilà, je n'ai pas compris les motivations du baby-boomer vieillissant ou du jeune homme amoureux d'une jolie Japonaise. Contrairement aux personnages habituels de l'auteur, ni l'un ni l'autre ne m'ont semblé attachants. Claude est un chien battu à propos duquel on se demande pourquoi il est venu au Japon, Samuel est un opportuniste baveux pour qui d'ailleurs les combines ne marchent pas tellement. Leur improbable complicité m'est apparue comme un deus ex machina qui se trouve là pour résoudre le conflit intérieur mêlé de désespoir de Claude. Et tout cela est expédié en deux coups de cuillère à pot alors qu'une longue demi-heure s'efforce de placer les personnages au début de la pièce, avec leçons de japonais à la clef. J'ai eu le sentiment qu'il y avait du remplissage là-dedans, qu'on a voulu faire une pièce d'une heure trente avec un matériau trop ténu.

La structure de cette pièce, qui se veut éclatée, dessert aussi le propos. Lehoux a manifestement voulu aborder la solitude du voyageur ainsi que le drame existentiel qui frappe beaucoup de gens pour qui le travail a représenté tout ce qui était important dans leur vie. Mais alors que ses pièces précédentes étaient caractérisées par leur désinvolture, par leur rythme et leur côté ludique amalgamés à une réflexion humaniste, ici le mélange de drame et de divertissement ne prend pas. Il y a trop d'hésitations entre ce qu'on veut dire et la façon de le dire, trop d'échanges linguistiques laborieux, ce qui laisse le spectateur incertain. Les deux personnages principaux, Claude et Samuel, fuient tous les deux, mais leur fuite manque de substance. Et à la fin rien n'est vraiment résolu sauf de façon anecdotique.

La mise en scène de Charles Dauphinais ne révolutionne rien et la scénographie de Loïc Lacroix-Hoy aurait pu être, à mon avis, davantage dépouillée. Il y a une impression d'encombrement qui se dégage de cette production, à l'image du texte qui tente de dire peut-être trop en évitant des explications qui nous auraient permis de ressentir davantage le désarroi et les raisons d'être des personnages. À quoi ça sert de parler deux, trois, quatre langues, dira Claude à Samuel, si tu n'écoutes personne? Et bien, c'est à peu près ça.

Il y a une chose que l'amatrice de baseball en moi a bien aimée, c'est l'allusion à l'équipe des Giants de Tokyo pour qui jouait Hideki Matsui avant de rejoindre les Yankees de New York en 2003. Mais j'avais des attentes bien plus grandes que cela pour ce texte, attentes déçues, hélas.

L'écolière de Tokyo : Une production du Théâtre Sans domicile fixe, à la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier jusqu'au 24 septembre 2016.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

<strong>DANS LA SOLITUDE DES CHAMPS DE COTON</strong>

Théâtre: 5 pièces à voir à l'automne 2016

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.