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«Éloges de la fuite»: un dosage mal équilibré entre gravité et humour

Cette façon de revisiter l'de Laborit m'a semblé accablée de lourdeur et vide de sens parce que, peut-être, on a voulu trop en mettre, du sens.
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Éloge de la fuite, tout d'abord un essai d'Henri Laborit publié en 1976, puis un film d'Alain Resnais, Mon oncle d'Amérique, auquel d'ailleurs Laborit a participé, analysait cette idée selon laquelle la fuite est ce qui caractérise en grande partie l'être humain, toujours à la recherche de nouveaux plaisirs qu'il croit pouvoir trouver ailleurs. La fuite peut être physique, chimique ou dans l'imaginaire. Le Théâtre Qui va là s'est intéressé à ce livre et à ces concepts et dans un texte de Justin Laramée, en présente le résultat sur la scène de La Licorne.

Simon (Philippe Racine), qui en a marre, mais on ne saura jamais de quoi au juste, est parti vivre dans les bois. Nu, ne voulant adresser la parole à personne, il a abandonné sa compagne Sylvie (Anne-Marie Levasseur) qui est vétérinaire et leur petit Jean-François (dont la véritable nature sera révélée plus tard) pour vivre littéralement en sauvage primitif. Il ne semble cependant pas s'être beaucoup éloigné de la civilisation puisqu'il reçoit de fréquentes visites d'Éric (Justin Laramée), son chum de gars, et d'Hubert (Félix Beaulieu-Duchesneau)un médecin amoureux de Sylvie qui tentent de le convaincre de mettre fin à ce délire. Sylvie aussi vient plaider auprès de Simon pour qu'il revienne à la raison et à la maison, jusqu'à ce que se produise un tragique événement.

Simon représente la fuite physique, on l'aura compris, Sylvie qui est accro aux pilules et Hubert qui se sert de généreuses rasades du liquide contenu dans sa flasque sont les porte-étendards de la fuite chimique, et Éric...et bien je ne sais pas trop pour Éric. Ce personnage excessif, grossier, macho et matérialiste avec tendances fascisantes est cependant celui qui nous fait rire avec son discours complètement extravagant lorsqu'il va voir Simon. Qui, de son côté, ne possède aucun sens de l'humour.

Le fond de la scène est un tableau noir où sont projetés des mots illustrant des concepts: le bonheur, la mort, l'amour etc. Et sert aussi à Simon d'exutoire lorsqu'il le couvre de peinture blanche et rouge. Je ne sais pas trop ce qu'on a voulu dire avec ça. Car il ne s'agit pas de projeter des mots lourds de signification pour qu'ils deviennent automatiquement plus limpides. Et cette histoire prend du temps à s'installer, les motivations des personnages sont restées obscures pour moi et ils n'ont pas réussi à m'intéresser à leur course à obstacles. La vie est difficile. Ben tiens. Que faire?

Le texte aborde également le thème de l'animalité qui se trouve en nous, sans aller bien loin, tout comme on aborde de façon superficielle l'idée du doute, de la place de l'homme dans la nature et bien d'autres choses qui ne demeurent qu'effleurées dans l'heure que dure le spectacle. Anne-Marie Levasseur et Félix Beaulieu-Duchesneau surjouent tous les deux des personnages qui demeurent sans épaisseur et qui ne réussissent pas à nous émouvoir; Philippe Racine dit bien peu de choses dans un rôle qui lui demande de tenir de la statue d'albâtre au milieu de la forêt; il n'y a que Justin Laramée avec son Éric quasi insupportable, qui va réussir à nous toucher à la fin.

Tout cela n'a pas fonctionné pour moi. Cette façon de revisiter l'Éloge de la fuite de Laborit m'a semblé accablée de lourdeur et vide de sens parce que, peut-être, on a voulu trop en mettre, du sens. C'était en même temps trop et pas assez didactique. Le discours était flou, avec un dosage mal équilibré entre la gravité et l'humour, ce qui donne comme résultat que l'on ne sait pas sur quel pied danser. Une pièce comme celle-là devrait éveiller notre curiosité pas semer la confusion. Alors qu'ici, je ne sais vraiment pas ce qu'on cherchait à me dire au juste.

Éloge de la fuite, une production Qui va là en co-diffusion avec La Manufacture, à La Licorne jusqu'au 4 juin 2016.

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