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École nationale de cirque: de l'art et du show

À chaque année, ces jeunes gens follement dynamiques que sont les finissants de l'École nationale de cirque trouvent le moyen de m'étonner. Encore cette fois-ci, le trapèze, la roue Cyr, la roue coréenne, le monocycle servent à de nouveaux numéros qui suscitent l'admiration. Le tout avec une bonne dose d'humour et un enthousiasme qui ne se dément jamais.
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On n'a pas à se creuser la tête pour comprendre le titre du premier spectacle de l'École nationale de cirque. Il y a un abri sur la scène qui sert d'accessoire, de coulisses, de tremplin, de cachettes et la mise en scène de Gioconda Barbuto en fait un excellent usage.

Gioconda Barbuto est une ex-danseuse maintenant chorégraphe. Elle a travaillé entre autres avec le Royal Winnipeg ballet, les Grands Ballets canadiens et le Nederlands Dans Theater III. J'ai toujours admiré cette altière danseuse à la technique impeccable qui a su intégrer dans sa deuxième carrière des éléments de la danse classique tout en faisant preuve d'une rare inventivité. Ce que l'on peut constater dans L'abri, présenté à La Tohu et dont elle assure la conception.

À chaque année, ces jeunes gens follement dynamiques que sont les finissants de l'École nationale de cirque trouvent le moyen de m'étonner. Encore cette fois-ci, le trapèze, la roue Cyr, la roue coréenne, le monocycle servent à de nouveaux numéros qui suscitent l'admiration. Le tout avec une bonne dose d'humour et un enthousiasme qui ne se dément jamais.

L'humour en question doit beaucoup au clown Harley McLeish, grande asperge dégingandée, qui possède des dons d'imitateur remarquable et un charisme fou. Parmi les numéros qui se démarquent, signalons le main à main de Nicolas Jelmoni et Charlotte O'Sullivan, très dansé et rempli d'une magnifique énergie. Mais je dois dire que la partie du spectacle que j'ai le plus aimée est la finale de Mishannock Ferrero et Émile Pineault, les deux hommes forts, le type d'artistes de cirque qui sont généralement les faire-valoir, ceux qui portent et lancent les autres dans les airs. Gioconda Barbuto les a mis en scène dans un étrange et puissant pas de deux rempli de virilité et de force physique. Le résultat est inattendu et surprenant, tout à fait à la hauteur de ce que peut explorer le cirque.

Soir de première oblige, il y a eu quelques petits pépins. Le numéro de diabolo de Sidney Bateman n'était pas tout à fait au point et son numéro de cerceaux chinois avec Melvin Diggs, quoique spectaculaire et où ils accomplissent des bonds de fauves, a connu aussi quelques ratés. Mais on leur pardonne. Parsemé de moments de grâce et de sources d'étonnement, L'abri est fort plaisant.

Et on remet ça le lendemain soir pour La matrice de Morphée. Mis en scène par Michael Watts, ça ne peut pas être plus différent que le spectacle de la veille. C'est chaotique, bruyant, déjanté, parfois trop et peut-être pas tout à fait prêt pour la scène. Mais c'est aussi totalement séduisant et ahurissant de par les excès mêmes.

Tous les participants m'ont semblé être envahis par la folie dans La matrice de Morphée. Dès le début, deux Français fous qui font office de clowns, donnent le ton de ce qui va suivre : sans crier gare débute un numéro de roue Cyr accompagné d'une musique tribale et de dizaines de personnages incarnant des moutons, Adam et Ève, des satyres, des lémuriens, Cupidon, etc. : un joyeux fouillis d'un peu n'importe quoi avec quelques allusions à la mythologie pour, j'imagine, justifier le titre du spectacle.

Ici, je veux souligner le problème que je retrouve dans ce que j'ai vu au cirque depuis une trentaine d'années: la velléité des concepteurs d'ajouter sur la scène toutes sortes de choses, toutes sortes de mini-événements acrobatiques ou autres alors qu'un soliste ou un duo sont en train de faire leur numéro. On ne sait littéralement plus quoi regarder, on est distrait de l'élément principal, on passe à côté de l'intensité dramatique. Bref, ça m'énerve. Est-ce que tout le monde souffre d'un déficit d'attention de nos jours? Est-il bien nécessaire que dix mille choses se passent en même temps pour satisfaire les besoins d'un public avide de sensations?

C'est le problème qu'on retrouve dans La matrice de Morphée. C'est trop souvent un incroyable fouillis, c'est brouillon quoiqu'aussi hyper sympathique avec des performances enthousiastes même si elles ne sont pas toujours parfaites. Il se dégage de ce spectacle une incroyable énergie et je l'ai beaucoup aimé malgré ses défauts. Émile Mathieu-Bégin, en monocycle, est remarquable et c'est dans ce numéro qu'on va trouver un joli moment d'émotion. C'est la première fois que je voyais un couple, Dominic Cruz et Marta Henderson, performer aux cerceaux chinois et une jeune fille, Lea Toran Jenner, sur la roue Cyr qui a d'ailleurs clos la représentation de façon magistrale.

L'École nationale de cirque nous propose donc un spectacle sage et discipliné, L'abri, et un autre plein de chaos et de folie, La matrice de Morphée. Je m'en voudrais d'en couronner un plutôt que l'autre. Ils sont différents, traduisant les visions de leurs concepteurs, ils sont tous les deux divertissants et vous laisseront pantois ou ahuris. Mais le premier relève de l'art alors que le deuxième s'approprie davantage le show.

L'abri et La matrice de Morphée sont présentés en alternance à La Tohu jusqu'au 8 juin 2014

Voyez un aperçu de ces spectacles ci-dessous:

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