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D pour Dieu: la quintessence de l'œuvre de jeunesse

n'est pas sans qualité, loin de là. Mais si on y sent un indéniable talent, il y manque une maturité, une profondeur et une volonté de laisser tomber un narcissisme adolescent afin de porter son regard sur la condition humaine et d'élargir ainsi son propos.
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J'avais beaucoup, beaucoup aimé As is (Tel quel) de Simon Boudreault, vu le printemps dernier au Théâtre d'Aujourd'hui. Texte qui, d'ailleurs, est en nomination pour un Prix du Gouverneur-Général, ce qui n'est pas rien. Tout comme l'a été D pour Dieu en 2012. Et lorsque j'ai su qu'il y avait reprise de ce spectacle, je me suis précipitée car il n'y a rien de plus fascinant que de voir l'évolution d'un auteur.

Un mot sur l'endroit où on présente la pièce : Les ateliers Jean-Brillant se trouvent dans Saint-Henri et je qualifierais le style du lieu de rustico-industriel. C'est très accueillant, très chaleureux et la salle de présentation des spectacles comporte aussi des expositions d'artistes visuels qui attirent le regard et nous enchantent. Un endroit unique et très beau, vraiment.

Bon, alors tout de suite, je vais lâcher le morceau : D pour Dieu représente pour moi la quintessence de l'œuvre de jeunesse. Ce n'est pas sans qualité, loin de là. Mais si on y sent un indéniable talent, il y manque une maturité, une profondeur et une volonté de laisser tomber un narcissisme adolescent afin de porter son regard sur la condition humaine et d'élargir ainsi son propos. En fait, tout ce que As is réussira quelques années après.

D pour Dieu est une quête de sens. À partir de sa naissance, le narrateur et personnage principal incarné par Simon Boudreault est persuadé d'être le centre de l'univers puisqu'on répond à ses moindres désirs. Persuadé d'être Dieu, il y aura un glissement qui lui fera croire qu'il est fils de Dieux (ses parents) sans perdre pour autant de son importance, jusqu'au jour où une malencontreuse purée de navets suivie du divorce de ses parents commenceront à ébranler ses convictions. Peu à peu il se rend compte qu'il doit prendre des responsabilités et assumer les conséquences de ses actes. Ce qui n'est pas du tout de son goût. Il cherchera auprès des religions établies et de divers gourous des réponses à ses questions existentielles. Croira les trouver dans l'amour fusionnel qui, comme chacun sait, ne dure pas. S'interrogera sur le génie de Mozart à qui Dieu a donné, en même temps qu'un incommensurable talent, une vie extrêmement difficile et semée d'embûches. Et que fait donc Dieu devant la misère, l'injustice, les famines, les horreurs quotidiennes des guerres? Rien, semble-t-il. Alors?

Je n'ai pu m'empêcher de penser au récit d'Emmanuel Carrère, D'autres vies que la mienne. L'écrivain avoue dans ce livre que c'est la première fois qu'il s'intéresse aux autres de cette façon, qu'il tente de comprendre le destin et la souffrance d'humains qui l'entourent et qu'il saisit enfin toute l'ampleur de son propre nombrilisme. C'est ce qui arrive à la fin de D pour Dieu, où la souffrance de quelqu'un d'autre permettra au narrateur de se sauver de lui-même.

Simon Boudreault est accompagné sur scène du musicien Éric Desranleau et de la marionnettiste Karine St-Arnaud, deux présences ajoutant de la substance et une certaine ironie au propos, les marionnettes d'ailleurs étant particulièrement réussies. Le décor de Richard Lacroix, d'ingénieuses structures de bois qui se transforment en tout ce qu'on veut, remplit parfaitement et en douceur les fonctions pour lesquelles elles ont été conçues.

D pour Dieu véhicule somme toute un message bien judéo-chrétien : il vaut mieux se tourner vers les autres, tenter de leur faire du bien, oublier ou du moins tenter d'évacuer notre égoïsme inné. C'est la seule façon de débusquer un peu d'apaisement dans ce monde où on ne trouve pas de réponses à nos questions et où la spiritualité relève trop souvent du n'importe quoi. Simon Boudreault n'a pas réinventé la roue avec ce texte et ce héros naufragé dans l'absurdité du monde, mais cela lui a permis de progresser vers autre chose et il nous en voit ravis.

D pour Dieu: jusqu'au 29 novembre 2014 aux ateliers Jean-Brillant, 661 Rose de Lima, Montréal.

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Avril 2018

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