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J'aime la Génération Y. Mes enfants et beaucoup de mes amis en font partie. Mais leur théâtre, qui est à leur image, souffre parfois de lacunes. C'est ce que j'ai constaté dans le texte de Jean-Philippe Lehoux.
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J'aime la Génération Y. Mes enfants et beaucoup de mes amis en font partie. Ils sont nés et ont grandi avec des technologies qui relevaient de la science-fiction lorsque j'avais leur âge. Ils se disent préoccupés par l'avenir de la planète et, alors qu'ils sont souvent des enfants du divorce, ils mettent l'accent sur la conciliation travail/famille. Ils ont de grandes qualités et de gros défauts, le moindre n'étant pas leur narcissisme qui les mène à croire qu'avant eux il n'y avait rien et que tout ce qui les concerne est d'un incommensurable intérêt (voir leurs pages Facebook).

Je le répète, je les aime. Mais leur théâtre, qui est à leur image, souffre parfois des lacunes que je souligne plus haut. C'est ce que j'ai constaté dans le texte de Jean-Philippe Lehoux : Comment je suis devenue touriste. L'exemple parfait d'une pièce qui s'éparpille trop heureusement rachetée par les 15 dernières minutes de la représentation mais qui aurait gagné à être élaguée. Et puisqu'il s'agit d'une reprise, je ne vois pas pourquoi on n'a pas resserré le texte et éliminé certaines longueurs.

Crédit photo: Jérôme Leclerc

Alexandra Dorion-Jolicoeur (notez le prénom prétentieux à consonance royale et les deux noms de familles typiques de cette génération) coule des jours tranquilles et désenchantés à Québec lorsqu'elle reçoit la visite de l'Alexandra qu'elle a été auparavant dans sa vie : la militante écologiste et pacifiste qui rejette d'emblée la société de consommation et qui professe haut et fort des idéaux qui, pour être nobles, n'en sont pas moins irréalisables. Mais on peut toujours rêver. Alexandra numéro 1 va revivre ce voyage accompli auparavant à partir de la Floride, voyage rempli de rites de passage où elle va emmagasiner son lot de désillusions mais aussi apprendre un certain nombre de choses. C'est en entreprenant ce dialogue avec elle-même et en revisitant les moments les plus intenses de ce road-trip où la suit un photographe qui documente tout, qu'elle en viendra à la fusion entre l'idéal et le réel et trouvera consolation, sinon rédemption. Le message final : l'amour est plus fort que tout. Et il est aussi salvateur.

Ceci étant dit, je comprends le désir de ces jeunes gens de nous communiquer leur désarroi devant cette apparente quadrature du cercle : peut-on être engagé socialement tout en cherchant pour soi-même un certain bonheur égoïste? Est-ce que la prise de conscience collective et la lucidité ne vont pas à l'encontre des désirs des individus? Vous comprendrez que je n'ai pas de réponses à ces questions, pas plus que tous ces beaux et talentueux jeunes gens de 30 ans. Se les poser, c'est déjà bien. D'ailleurs, Corneille, Racine, Shakespeare et, au siècle dernier, Camus, l'ont fait avec beaucoup d'efficacité. Eux non plus n'ont pas trouvé de solution à ce dilemme et cette réflexion est toujours de mise et salutaire. Mais dans Comment je suis devenue touriste, elle s'étire parfois inutilement dans des scènes dont je questionne la pertinence.

Lorsque par exemple notre touriste-qui-ne-veut-pas-être-une-touriste monte sa tente dans un bois (enfin, je pense qu'elle était en train de monter sa tente dans un bois) avec comme trame sonore, un assortiment de sacres québécois. Ça dure trop longtemps, ça relève de l'exercice stérile et je me suis demandée où cela intervenait dans le désir fanatique de notre héroïne de changer le monde. Et il y a un décalage entre les deux comédiennes. Annie Darisse est souvent exquise dans la vulnérabilité dont elle fait preuve avec son Alexandra et dans la facilité avec laquelle elle investit une série d'autres personnages, un contraste saisissant avec Dominique Leclerc qui en fait trop, tellement d'ailleurs que cela tourne au cabotinage.

Mais comme je l'ai dit plus haut, la fin de la pièce est pleine de charme et se fait un plaisir de désamorcer les clichés. C'est sûr qu'Alexandra Dorion-Jolicoeur n'a pas réussi, comme elle le désirait, à devenir la voyageuse la plus audacieuse de l'histoire du monde. Mais était-ce bien nécessaire? Nellie Bly et Amelia Earhart, ont été, avant elle, les voyageuses les plus audacieuses de l'histoire du monde et ont affronté d'innombrables périls. Ce sont d'autres dangers qui guettent Alexandra, dont la tentation de mettre tous les détails de son histoire d'amour, y compris les mets qu'elle mange au restaurant en compagnie de l'homme de sa vie, sur sa page Facebook.

Comment je suis devenue touriste, une production des Biches pensives, est présentée à La Licorne jusqu'au 6 septembre 2013

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