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La beauté du monde: un très bon texte pas toujours bien interprété

Je ne veux pas m'acharner outre-mesure mais j'ai trouvé bien dommage que ce spectacle nous inflige un comédien aussi médiocre dans un rôle aussi exigeant.
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On ne me fouettera jamais pour avoir écrit ce texte. Raif Badawi, lui, a été condamné à 1000 coups de fouet et 10 ans prison pour avoir blogué.

Une fois, c'est un gars qui se loue un 2 ½ sur la rue Rachel. Il va y passer deux mois dans un état second, entre la conscience exacerbée et le délire, remettant en question tout ce qu'il sait, ce qu'il a vu, ce qu'il a fait, ce dans quoi il croit supposément. Tout le monde, dans ce bloc miteux de la rue Rachel, est habité ou contaminé par une intense paranoïa face au monde extérieur qui les terrorise et face auquel ils clament leur indépendance. L'important c'est de rester tranquille dans son 2 ½. Pourquoi s'agiter et s'obstiner à changer quoi que ce soit?

C'est là le propos de La beauté du monde, ce texte d'Olivier Sylvestre qui a remporté le Prix Gratien-Gélinas en 2012 et que le Théâtre I.N.K. présente aux Écuries. Un texte plutôt bien foutu qui nous invite à pénétrer dans l'univers d'un type qui décide de décrocher complètement, qui vit probablement un épisode psychotique avec des hallucinations et des passages à vide, qui cherche quelque chose sans savoir de quoi il s'agit. La mise en scène de Marilyn Perreault sert fort bien l'écriture d'Olivier Sylvestre. On sent dans ce spectacle une profonde compréhension des enjeux, de la souffrance et de la sensibilité qui s'y expriment. L'apport de la musique, l'utilisation du décor et des accessoires, les mouvements des acteurs, rien n'est gratuit, tout vise à illustrer ce mal de vivre et à nous permettre de nous glisser dans la tête de ce jeune homme qui vit quelque chose qui le dépasse complètement. Le décor de Patrice Charbonneau-Brunelle, qui se déconstruit de façon fort astucieuse, contribue à ces effets avec ses murs de carton, ses cloisons amovibles et cette sensation d'un provisoire durable qui domine les discours et les motivations des personnages.

Sandrine Bisson, qui joue Sylvie, la concierge, est formidable d'énergie et de présence. Marcel Pomerlo est un Monsieur Picard lucide, dur et tendre. Xavier Malo nous donne un Dany qui déjoue tous les clichés du revendeur de drogue sur le B.S. et qui le transforme en un être attachant en équilibre au bord de l'abîme. Marilyn Castonguay, vêtue de fourrures et de paillettes et affublée de perruques extravagantes est merveilleuse d'excentricité en locataire qui vient réclamer le 2 ½ où elle habitait auparavant. . (Il y a beaucoup de Marilyn avec variations orthographiques dans cette histoire). Mais il y a un gros problème avec les deux autres rôles : celui du protagoniste principal, Olivier, incarné par Benoît Landry, et celui de sa blonde qu'il a plantée là sans explications, Marilyne, défendue par Laurence Dauphinais.

Il n'y a aucune, mais alors là aucune chimie entre Benoît Landry et Laurence Dauphinais. Ces deux êtres qui se déchirent, qui se sont aimés, qui cherchent des justifications à des comportements inexplicables m'ont laissée d'une froideur d'iceberg. Les deux débitent leur texte sans aucune conviction, on ne décèle pas une once de passion dans ce qu'ils nous racontent, il n'y a pas l'ombre de la queue d'une émotion ou d'un sentiment dans leurs échanges. Laurence Dauphinais m'a donné l'impression très nette qu'elle reprenait son rôle dans Cinq visages de Camille Brunelle, où le ton se voulait neutre tout au long puisque le sujet l'exigeait. Et c'est encore plus désolant en ce qui concerne le rôle principal. Benoît Landry marmonne, on perd souvent des grands bouts de ses répliques. La diction est molle, il ne projette pas, il récite ce texte comme s'il lui était étranger, sans implication émotive de quelque ordre que ce soit. Il ne faut donc pas s'étonner si la spectatrice que je suis ne s'est pas impliquée non plus devant une telle absence, une telle indifférence de la part d'un comédien qui n'a jamais fait sentir qu'il était investi dans ce rôle. Je ne veux pas m'acharner outre mesure, mais j'ai trouvé bien dommage que ce spectacle, sur lequel reposaient bien des attentes, nous inflige un comédien aussi médiocre dans un rôle aussi exigeant.

Il me reste à souhaiter que le très bon texte d'Olivier Sylvestre trouve un jour un interprète à sa mesure.

La beauté du monde : une production du théâtre I.N.K. présentée aux Écuries jusqu'au 28 février 2015.

Rectificatif : Dans mon texte précédent sur Le chemin des Passes-Dangereuses, je parle d'une production du Théâtre des Pieds et des Mains. Il s'agit plutôt des Productions des pieds des mains.

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