Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Béa: Mourir, dit-elle

Le sujet de la pièce est grave, mais celle-ci comporte plusieurs moments très drôles agrémentés d'une bonne dose d'ironie et de sarcasme. On nous parle de suicide assisté mais en faisant des incursions du côté d'.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Mick Gordon est un auteur irlandais qui réside au Danemark. Béa, que nous présente le Théâtre de la Bête humaine à la salle intime du Prospero, traite de la mort assistée et je salue tout de suite l'excellente traduction de Yannick Chapdelaine qui, c'est tout dire, ne se sent à aucun moment. Et ce même Yannick Chapdelaine a trouvé dans le personnage de Ray, qu'il incarne, un rôle parfait pour lui qui permet de montrer le considérable talent qu'il possède.

C'est une bonne pièce servie par un impeccable casting. Le décor est une chambre de jeune fille, visiblement choyée avec des livres, de la musique, des poupées, un téléviseur sur un mur où passe un film maison où le père et une petite fille, Béa en l'occurrence, font état de leur belle complicité lors d'une promenade dans un verger. Il y a un problème cependant : Béa (Alexandra Cloutier, convaincante) est clouée sur son lit, elle ne peut bouger que ses lèvres, paraplégique à la suite d'un accident présume-t-on, ce n'est jamais expliqué, mais ce n'est pas nécessaire non plus de le savoir. Sa mère (Suzanne Lantagne), une avocate, est à la recherche d'un aide-soignant qui s'occupera de la jeune fille lorsqu'elle travaille. Et c'est ici qu'entre en scène Ray. La première tâche qu'il aura à accomplir pour Béa sera d'écrire une lettre destinée à sa mère où elle manifeste son désir de mourir.

Yannick Chapdelaine est tout simplement délicieux dans ce rôle de bon gars un peu nono. Béa est plus intelligente et cultivée que lui, mais Ray possède des tonnes d'humanité ce qui le rend bientôt indispensable alors qu'une belle complicité se tisse entre la jeune fille immobile et ce garçon pétri de bonhomie et de naïveté qui possède un cœur plus grand que tout. La mère, au début sceptique, car elle aurait préféré une femme pour remplir toutes ces tâches dont beaucoup nécessitent une grande intimité, mettra éventuellement de côté ses airs hautains et ses attitudes hyper-contrôlantes et se laissera aussi gagner par le charme sans affectation de celui qui deviendra indispensable à sa fille.

Béa souffre, aussi bien physiquement que mentalement, et d'autant plus que son intelligence a conservé toute son acuité. Paralysée depuis huit ans, elle sait bien qu'elle n'a pas de destin, que son état va se détériorer et que rêves, projets et amour sont exclus de cette vie où elle a été trahie par son corps. Il y a une scène révélatrice où Ray change le sac rempli d'urine de Béa et où on voit sur le visage de la jeune fille toute l'humiliation, tout le découragement, toute la lassitude face à une vie où elle est pour toujours à la merci des autres. Et on ne peut que compatir.

Le sujet de la pièce est grave, mais le traitement comporte plusieurs moments très drôles agrémentés d'une bonne dose d'ironie et de sarcasme. On nous parle de suicide assisté, mais en faisant des incursions du côté d'Un tramway nommé Désir, pièce que lit Ray à Béa en jouant tous les rôles, ce qui est désopilant. Comme Blanche, Béa est elle aussi tributaire de la bonté des inconnus. Ray va aussi raconter son court séjour en maison de correction où les prisonniers se suicident parce qu'ils ne supportent pas d'être enfermés. Tout comme Béa qui est également enfermée sans espoir de libération conditionnelle.

La mise en scène d'Olivia Palacci est dynamique et parfaite pour le petit espace de la salle intime. Et la proximité avec les comédiens magnifie l'intensité et l'émotion que l'on ressent à la fin. Mais ce n'est pas une pièce triste. Ce texte plein de clairvoyance comporte bien sûr une part de mélancolie, mais c'est aussi une célébration de la vie et de ses modestes frémissements. Sauf que parfois, ces frémissements ne sont pas suffisants.

Béa : une production du Théâtre de La Bête humaine, à la salle intime du théâtre Prospero jusqu'au 16 mai 2015.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

1- Le journal d’Anne Frank (Théâtre du Nouveau Monde – 13 janvier au 7 février)

25 pièces de théâtre à voir en 2015

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.