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Baby-sitter: redoutablement intelligent

Il y a de ces moments de grâce au théâtre, où un texte intelligent, brillant même, vient nous chercher complètement pour remettre en question ce que nous croyons être des certitudes.de Catherine Léger, présentée à La Licorne, est de cet acabit.
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Il y a de ces moments de grâce au théâtre, où un texte intelligent, brillant même, vient nous chercher complètement pour remettre en question ce que nous croyons être des certitudes. Baby-sitter de Catherine Léger, présentée à La Licorne, est de cet acabit. Avec une écriture et une technique parfaitement maîtrisées, la dramaturge nous propose une pièce qui peut sembler légère au premier abord, mais qui n'a pas peur d'aller loin et de démontrer les absurdités dans lesquelles, souvent sans le savoir, nous nous débattons.

Inspiré d'un fait divers, Baby-sitter transpose chez-nous l'histoire de ce type en Ontario qui avait lancé des obscénités derrière une journaliste qui s'adressait à la caméra en direct à la télé. Cédric, en couple avec Nadine et papa d'une petite fille de cinq mois, se retrouve au cœur d'une tempête médiatique après qu'il eut lancé un retentissant Fourre-là dans l'cul alors que Chantal Machabée (qu'on ne voit pas, mais qu'on entend et qui a aimablement collaboré à la pièce) s'adressait en direct aux téléspectateurs lors d'un match des Alouettes. Plus de deux cent mille personnes vont regarder ça sur YouTube, des milliers de commentaires, certains très, très grossiers vont s'inscrire à la suite, Cédric va connaître son quart d'heure de gloire, c'est sûr, mais peut-être pas de la manière dont il aurait voulu.

David Boutin est délicieux dans le rôle de Cédric: bon gars, au fond, douchebag, souvent, surtout après quelques bières. C'est la quintessence du québécois mâle qui apprécie les femmes, mais qui recèle des restants de misogynie qui ressortent à la première occasion dans des commentaires pas toujours pertinents ou des blagues pas toujours judicieuses. Son frère Jean-Michel (Steve Laplante, très drôle dans ce rôle) est journaliste, l'intello face à son Cro-Magnon de frère à qui il sert une pléthore de discours sur la façon dont il doit gérer la crise qui découle de son comportement d'adulescent. Nadine, jouée avec subtilité par Isabelle Brouillette, compagne de Cédric et mère de son enfant, nuance ses propos et ses réactions face aux excès de ce grand enfant, mais ne lui fera finalement pas de quartier. Et cela à cause de l'arrivée de la baby-sitter du titre qui va chambouler tous les dogmes et convictions auxquels peuvent s'accrocher les autres personnages.

Émy, la nounou, est incarnée par Victoria Diamond avec une naïveté et une fraîcheur mâtinées d'une douce perversité. Alors que Jean-Michel se démène afin de convaincre son frère de s'excuser publiquement à la suite de sa bourde puis d'écrire un livre afin de dénoncer le sexisme ambiant, Emy trouve le moyen de renverser les rôles.

On rit beaucoup lors de ce spectacle, car il y a un accord et une harmonie entre le texte et la façon dont on le rend, y compris visuellement, qui renforce les revirements de situation, les contrastes et les paradoxes pour finalement faire le constat de l'incohérence de beaucoup de discours.

La mise en scène de Philippe Lambert est au poil, dynamique, physique par moment et sa direction de comédiens est impeccable. Les décors, costumes et accessoires de Elen Ewing (avec une métaphore décorative utilisant des lapins qui est fort drôle) sont une réussite totale et à l'occasion délirante. On rit beaucoup lors de ce spectacle, car il y a un accord et une harmonie entre le texte et la façon dont on le rend, y compris visuellement, qui renforce les revirements de situation, les contrastes et les paradoxes pour finalement faire le constat de l'incohérence de beaucoup de discours. Intelligent, vous dis-je.

La fin de la pièce est tout à fait étonnante. Catherine Léger nous décoiffe le pompon avec un tour de passe-passe étourdissant, un double salto rhétorique qui nous pousse dans nos derniers retranchements et nous force à repenser sous un nouvel éclairage tout ce qui a été dit auparavant et à réfléchir sur le principe du dominant et du dominé. Que demander de mieux? Baby-sitter relève le défi d'être à la fois amusant et profond, provocateur et divertissant ce qui n'est pas très fréquent sur nos scènes et j'ai beaucoup, beaucoup apprécié.

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Baby-sitter : une production du Théâtre Catfight, en codiffusion avec La Manufacture, à La Licorne jusqu'au 10 mai 2017 et en tournée, plus tard, à travers le Québec.

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Mai 2017

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