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La Suisse et la France, en marche vers une transition énergétique historique?

Deux événements récents ont lancé un signal politique fort - et annoncent peut-être un changement d'époque.
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La nomination la plus remarquée du nouveau président Emmanuel Macron a été celle de Nicolas Hulot.
POOL New / Reuters
La nomination la plus remarquée du nouveau président Emmanuel Macron a été celle de Nicolas Hulot.

Deux événements récents ont lancé un signal politique fort - et annoncent peut-être un changement d'époque. Le 21 mai dernier, en Suisse, le peuple souverain a approuvé à 58 % la Loi sur l'énergie. Cette loi lance la « Stratégie énergétique 2050 » qui vise à diviser par deux la consommation d'énergie finale par tête, abandonner l'énergie nucléaire, réduire fortement le fossile et à utiliser principalement des énergies renouvelables. Cet événement est riche de sens, tant sur le plan écologique que politique, institutionnel et personnel.

La « stratégie énergétique 2050 » constitue un exemple singulier d'enchaînement vertueux allant de l'université, au gouvernement, puis aux parties prenantes et enfin à la population. Depuis 1998 le ETH Domain et, le réseau des six principales institutions scientifiques fédérales, dont les Écoles Polytechniques fédérales de Zurich (EPFZ/ETH) et de Lausanne (EPFL), ont conçu les fondations techniques du scénario pour une société à 2000 watts, en mettant à disposition du Gouvernement et du Parlement leur 'policy advice'(expertise en politiques publiques). Appuyé sur ces propositions, le gouvernement a piloté un processus de consultation et de discussion avec toutes les parties prenantes. Ces échanges ont nourri un véritable débat dans les médias et dans la population.

La loi sur l'énergie est donc l'aboutissement de ce processus, poursuivi au Parlement par une série d'amendements et une approbation par tous les partis politiques (à part le UDC/SVP). La dernière étape étant le référendum du 21 mai.

Dans cette histoire, les aspects personnel et institutionnel revêtent également une grande importance.

Dans cette histoire, les aspects personnel et institutionnel revêtent également une grande importance. La transition énergétique suisse a en effet un visage, celui de la démocrate-chrétienne (CVP) Doris Leuthard (56 ans), la femme politique la plus populaire en Suisse. Madame Leuthard n'est pas seulement la ministre de l'Environnement et de l'Énergie, mais également la présidente de la Confédération. Ces trois facettes (femme, ministre de l'Environnement et cheffe d'État) se retrouvent à peu de chose près en Allemagne aussi puisque Angela Merkel a été ministre de l'Environnement, est cheffe du gouvernement et jouit d'une grande popularité. Notons qu'en Suisse et en Allemagne la transition énergétique (Energiewende) a donc deux « mères » et est l'œuvre, peut-être principale, de deux cheffes d'État.

« Monsieur environnement »

La semaine dernière, la France aussi a émis un signal fort et remarquable sur les plans écologique, institutionnel et personnel. La nomination la plus remarquée du nouveau président Emmanuel Macron a été celle de Nicolas Hulot, « Monsieur environnement » incontesté depuis deux décennies au moins. Nicolas Hulot avait jusque-là usé de son influence pour plaider pour la durabilité auprès de l'ensemble de la sphère politique, par-delà les partis et les alternances. Il conseilla à la fois Jacques Chirac (rappelons-nous de « la maison brûle » au Sommet de la terre de 2002), de la Charte de l'environnement introduite dans la Constitution en 2004, du Grenelle de l'environnement inspiré à Nicolas Sarkozy en 2007 ou de son action d'ambassadeur pour la planète pour la COP21 sous François Hollande. Il cherchait à mobiliser partout, y compris les religions, acteur nouveau, mais potentiellement porteur, qui laissait circonspects les politiques jusque-là. Mais Nicolas Hulot avait toujours refusé un ministère, plusieurs fois proposé et écrivait même dans son livre de 2002 « Le syndrome du Titanic » des pages sévères sur l'inévitable impuissance des gouvernants.

Un signal fort

Mardi dernier, toutefois il a accepté de mettre en jeu sa réputation et de devenir l'un des trois ministres d'État du nouveau gouvernement. Ainsi le nouveau Ministère de la Transition écologique et solidaire est - enfin - hissé au rang de l'intérieur et de la justice et il a même été question d'un poste de vice-premier ministre si cette fonction n'avait été incompatible avec nos institutions. Ici aussi le climat et l'énergie représentent des enjeux centraux et la France vise, comme la Suisse, une division par deux de la consommation d'énergie finale d'ici à 2050, la transition vers des énergies renouvelables et la réduction de l'immense part du nucléaire (77 % de l'électricité). L'enjeu est tel que parmi les premiers chantiers le nouveau ministre prévoit un semestre de dialogue sur les « emplois de transition » en matière énergétique.

On peut espérer que les deux soient condamnés à réussir, car en cas de faillite, les réputations de lanceur d'alerte de l'un et d'enfant prodige de l'autre seraient sérieusement écornées.

Pour Macron et pour Hulot, il s'agit d'un « défi immense » comme dit souvent Emmanuel Macron. On peut espérer que les deux soient condamnés à réussir, car en cas de faillite, les réputations de lanceur d'alerte de l'un et d'enfant prodige de l'autre seraient sérieusement écornées.

Se mettre au service d'un changement de civilisation

Les constats découlant de ces événements en Suisse et en France nous suggèrent quelques enseignements. L'énergie et la nécessité d'en réduire drastiquement l'usage deviennent des priorités qui commencent à être gérées (comme il se doit) par les ministres responsables de l'écologie et non par ceux qui gèrent l'économie. La transition écologique - dont l'énergie est une pièce maîtresse - est et doit être prise en charge par les chefs d'État et les « poids lourds » des gouvernements. Leuthard, Macron, Hulot permettent d'espérer qu'être une star de la politique, une vedette de la télévision ou d'Internet, avoir une personnalité forte et accrocheuse, mettre en jeu son image soit porteur. À condition que la popularité soit mise au service d'un changement de civilisation.

Traduit de l'italien par Laura Morosini.

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