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Guide conseil pour les étudiants en grève

Comme le disait Biz (de Loco Locass) lors de la grève de 2005, si jamais la police se pointe «asseyez-vous par terre».
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CP

Au fond de vous, les jeunes, vous le savez: la grève et la colère, ça ne mène nulle part (et ça va toujours trop loin). Présentement, vous devriez être sur les bancs d'école en train de faire vos devoirs et vos leçons. Mais bon, puisque vous êtes endoctrinés à ces folles idées (d'ailleurs typiques du totalitarisme soviétique et nord-coréen) de dignité et d'égalité des chances, et puisque vous semblez décidés malgré tout à prendre la rue, je vais vous donner, généreusement et patiemment, quelques précieux conseils.

En tant qu'ami, bien entendu.

Premièrement : Toujours plaire aux caméras

Même si ce n'est pas toujours facile, soyez gentils avec les journalistes. Vous aurez souvent cette impression de faire les yeux doux à une espèce d'agace snob et prétentieuse qui se cherche un « sugar daddy » (ou une « sugar mommy »), mais ne vous découragez pas. Malgré les mauvais reportages, les topos fondés sur des anecdotiques stupides et le paternalisme de leurs commentaires, les journalistes font leur travail du mieux qu'ils le peuvent.

Deuxièmement : Ne rien commettre d'illégal

Vous l'avez déjà compris, mais il est bien de le répéter: c'est en se soumettant à la loi qu'on la change. Les gestes « illégaux » ne peuvent que vous attirer des ennuis. Respectez les ordres des policiers. S'ils vous demandent de manifester sur le trottoir ou, ce qui peut aussi arriver, de rentrer simplement chez vous, écoutez-les.

(Ne les traitez surtout pas, comme dans la chanson, de « bœufs, de porcs ou de gros chiens sales ». Et ne leur lancez pas d'œufs pourris, de tomates, de restants de lunch -- ou quoique ce soit finalement-- au visage.)

Troisièmement : Ne pas perturber

Malheureusement, on le sait, c'est pratiquement une tradition historique, les étudiants du Québec sont souvent tentés par la violence. Plusieurs voudront occuper les bureaux gouvernementaux, les bureaux de députés, des banques, bloquer les ponts, le quartier des affaires, Quebecor, le casino... Pourquoi ne pas prendre d'assaut les studios de Radio X et de TVA tant qu'à faire? Et je ne vous parle même pas des coups pendables que ces étudiants mal élevés peuvent inventer : actions directes, canulars à l'humour douteux, faux communiqués ...

Toutes ces actions dérangent énormément le gouvernement. Elles peuvent même le rendre de mauvaise humeur. Vous voulez vraiment le choquer au moment même où vous faites appel à sa générosité et à sa compréhension? C'est ça que vous voulez?

Quatrièmement: Toujours écouter les consignes de la police

Comme le disait Biz (de Loco Locass) lors de la grève de 2005, si jamais la police se pointe « asseyez-vous par terre ». Ce poète nous a donné des rimes qui marqueront à jamais la littérature québécoise -- comme l'historique « Moi j'avais voté Bloc/pour que ça débloque » -- il ne peut donc pas se tromper. Mais tout le monde sait que les artistes sont des rebelles. La position assise pourrait encore être interprétée comme une offense. Le mieux est donc de se coucher par terre. De cette façon, les policiers pourront vous donner des coups de pieds sans même plier les genoux. Ils vous en seront sans doute reconnaissants.

Cinquièmement : Faire des « actions » originales

Des idées pour vous faire entendre sans déranger personne? Il y a bien sûr les pétitions, les parades pacifiques, les spectacles (pourquoi pas une épluchette de blé d'Inde?), les messages à la craie sur le sol (on peut les remplacer par des sculptures de neige l'hiver), de même que tous ces produits dérivés -- t-shirts, autocollants, macarons -- qui vous permettent d'afficher votre opinion.

Mais n'ayez pas peur d'innover! Biz (décidément, il en sait des choses, notre poète), toujours pendant la grève de 2005, félicitait des étudiants en médecine qui étaient allés ramasser des déchets sur le Mont-Royal. N'est-ce pas génial? Tout le monde gagne avec ce type d'action : vous faites du ménage (on en fait trop peu!), vous paraissez très bien devant les caméras (si jamais elles osent s'aventurer sur la montagne), vous ne dérangez personne (ce qui était votre objectif de départ) et, surtout, vous contentez l'opinion publique (c'est pratiquement comme faire une branlette à Big Brother!)

C'est ce genre d'action qu'il faut répéter. Des actions propres et souriantes qui vont plaire à tout le monde, même à vos « adversaires ».

Sixièmement : Méfiez-vous des radicaux

Les communistes, les anarchistes et les féministes (toujours enragées), sont de bien mauvais conseillers. Ils vous parleront de «création d'un rapport de force». Certains parlent même de «lutte de classes». Vous imaginez? La lutte des classes au 21ème siècle. Hellooo les jeunes, le mur de Berlin est tombé: la lutte des classes est terminée. Vous n'écoutez donc jamais la télé?

Sans oublier que ces histoires de « classes », ça peut mener très loin. On ne sait jamais quand ça s'arrête. Non seulement vous pourriez faire plier le gouvernement sur la question des frais de scolarité, mais vous pourriez sérieusement le déstabiliser.

Je ne veux pas vous faire peur, mais vous imaginez si ne serait-ce qu'un dixième des mécontents du Québec descendaient dans la rue avec vous? Et si votre mouvement se mettait à fédérer le mécontentement contre le parlement corrompu et le pouvoir du marché? Toujours plus de manifestations, de grève et de perturbation ... Terrifiant, non??? De quoi virer la belle province à l'envers!

Heureusement, le Québec n'est pas l'Angleterre, le Chili ou la Grèce.

Alors les jeunes, je vous en conjure, soyez prudents. Vous n'êtes pas pour la guerre quand même? Faites votre petite grève quelques instants si ça vous chante. Les politiciens verront bien si vos revendications sont raisonnables. De toute façon, des élections s'en viennent.

Et allez faire vos devoirs, allez faire vos leçons, allez travailler. Le plus tôt sera le mieux.

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