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Internet: vers la fin du tout libertaire?

TECHNO - Il faut bien se rendre à l'évidence : l'Internet qu'on a connu n'est plus. Si le réseau des réseaux a longtemps été un large espace de liberté, il se voit aujourd'hui rattrapé par son propre développement.
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Il faut bien se rendre à l'évidence : l'Internet qu'on a connu n'est plus. Si le réseau des réseaux a longtemps été un large espace de liberté, il se voit aujourd'hui rattrapé par son propre développement. Internet est devenu en moins de 20 ans incontournable : plus de 2 milliards d'êtres humains y sont connectés, soit un tiers de la planète, pourcentage qui devrait atteindre les 50% à l'horizon 2020. Parallèlement son influence sur l'économie est elle aussi devenue considérable : il a été estimé qu'Internet représentait 13% de la valeur ajoutée produite par les entreprises américaines. "Aucune invention humaine n'avait autant apporté à une si large échelle ni offert de telles possibilités de bénéfices pour l'humanité" a affirmé Vincent Cerf, cocréateur de la norme TCP/IP et considéré comme un des fondateurs du Web.

Mais ce succès ne se fait pas sans contreparties : il entraîne dés aujourd'hui un désir de contrôle , légitime ou non, de toute part. Tout d'abord des États qui souhaitent pouvoir y exercer un meilleur contrôle mais aussi de toute une série d'acteurs du Web tels Google ou Facebook qui y voient un potentiel économique considérable via l'utilisation des données personnelles. Il devient aujourd'hui de plus en plus difficile de surfer sur le Web sans qu'une entité nous trace, le plus souvent à notre insu, pour récupérer nos données ou pour vérifier notre navigation sur le Web. La démocratisation effrénée de ce nouveau média entraîne aujourd'hui la nécessité logique d'un meilleur encadrement et une évolution légitime de son fonctionnement. Encore faut il que cette évolution aille dans le bon sens : plusieurs éléments récents peuvent en faire douter.

La sommet organisé mi-décembre à Dubaï par une branche de l'ONU, l'UIT (Union Internationale des Télécommunication) a justement pour mission d'établir de nouvelles règles relatives à la gouvernance du net. L'objectif principal étant de revoir le "règlement des télécommunications internationales" dont la dernière mouture date de 1988, soit il y' a près de 25 ans : autant dire que les décisions prises lors de ce sommet risquent d'avoir un fort impact sur le fonctionnement des télécommunications et du Web dans les années à venir. Plusieurs pays, dont la Russie ou la Chine, ont déjà fait pression afin d'imposer leur vision d'un Internet plus "territorial", à savoir un contrôle accru des nations à l'intérieur de leurs frontières. La capacité de ces pays a pouvoir "couper" le Web selon leur volonté en est le prolongement. L'exemple récent de la Syrie où les dirigeants ont coupé le réseau Internet pendant 2 jours avec une apparente simplicité (ils auraient demandé aux FAI de bloquer les requêtes DNS) en est une illustration. Dans la même veine, l'Iran a annoncé la création de son propre réseau Internet, dit "halal", qui fonctionnerait en marge du réseau des réseau : fin septembre le ministère de l'information iranien indiquait "avoir achevé le premier noyau d'un intranet fait par et pour les Iraniens, entièrement contrôlé par le régime et capable de fonctionner sans le Web mondial". Sans être aussi extrême, une majorité de pays espère exercer dans les années à venir un meilleur contrôle du Web, position qu'ils prôneront lors du sommet : une étude récente a montré qu'Internet pouvait être coupé d'"un simple claquement de doigt dans 61 pays".

Malheureusement cette approche, si elle est retenue risque de se faire de manière unilatérale et sans aucune concertation avec les principaux acteurs : à savoir les internautes, associations de défense de la liberté d'expression ou même les entreprises liées à Internet. L'UIT, bien plus connu pour ses actions en faveur de la promulgation de nouvelles normes ou de l'utilisation de nouvelles fréquences en téléphonie que ses actions en faveur du Web, se voit aujourd'hui promu comme "décideur du web de demain" Il reste regrettable que ses prises de décisions se fassent sans aucune autre sorte de concertation.

Enfin le champs de liberté des internautes se voit être la cible d'un autre prédateur non moins féroce : le fort impact commercial des données numérique a en effet aiguisé l'appétit financier des majors du Web tels Google, Facebook, Amazon ou encore Apple. L'utilisation de nos données privées sur Internet est maintenant au cœur de leur modèle économique.. Ces données, le plus souvent utilisées à l'insu des utilisateurs ou noyées dans des chartes d'utilisation invisibles, permettent aux entreprises de nous cibler leur publicité. En pleine crise économique, la promesse d'un essor via l'utilisation de ses données privées à des fins commerciales est un argument de poids pour les entreprises qui veulent autoriser leurs utilisations. Mais les internautes ont de plus de difficulté à contrôler leurs données sur Internet. Une spécialiste américaine des réseaux sociaux avait lancé cette expression, devenu célèbre sur la toile : "sur Internet si vous ne voyez pas le service, c'est que vous êtes le produit".

Dans ce contexte, les différentes entités (états, entreprises ou internautes) défendent leurs visions de l'"Internet de demain": si une majorité d'internautes le voit comme un large espace où règne la liberté d'expression, les entreprises y voient surtout son potentiel économique via l'utilisation des données personnelles et enfin les États désirent mieux contrôler les communications liées au Web afin d'en empêcher tout débordement et mieux asseoir leur pouvoir. Des intérêts divergents qui doivent amener à une décision commune : l'avenir du web se joue maintenant.

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