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Indépendance de la Catalogne : «Traduttore, traditore»

Or, dans la version espagnole de la réponse, un paragraphe complet a été ajouté. On peut y lire (nous traduisons) que la Commission « respectera les fonctions essentielles de l'État, tout particulièrement celles qui ont pour objectif de garantir son intégrité territoriale ».
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Dans sa traduction en espagnol, un fonctionnaire modifie la réponse du président de la Commission européenne à une question sur l'indépendance de la Catalogne.

Le 21 septembre dernier, la Commission européenne a publié la réponse de son président Jean-Claude Juncker à une question posée par Santiago Fisas Ayxelà du Parti populaire espagnol. Le député européen posait la question suivante en lien avec une possible déclaration d'indépendance de la Catalogne : « Est-ce que la Commission reconnaîtrait cette déclaration unilatérale d'indépendance ou respecterait-elle l'intégrité territoriale de l'Espagne et la compétence de l'État espagnol dans la gestion de ses affaires internes et de ses fonctions essentielles en tant qu'État? »

Rappelons que ce dimanche 27 septembre les Catalans sont appelés à voter dans le cadre d'élections législatives. Les derniers sondages placent la coalition indépendantiste Junts pel Sí [Ensemble pour le Oui] en avance dans les intentions de vote. Devant le refus du gouvernement espagnol d'autoriser un référendum sur l'indépendance, un nouveau gouvernement catalan majoritairement indépendantiste pourrait procéder à une déclaration unilatérale d'indépendance.

Sur cette question donc, le président de la Commission européenne a fourni la réponse suivante, que nous traduisons de l'anglais : « Il n'appartient pas à la Commission de prendre position sur des questions d'organisation interne liées aux dispositions constitutionnelles d'un État membre ». Une réponse brève et claire.

Or, dans la version espagnole de la réponse, un paragraphe complet a été ajouté. On peut y lire (nous traduisons) que la Commission « respectera les fonctions essentielles de l'État, tout particulièrement celles qui ont pour objectif de garantir son intégrité territoriale ». Sur la question précise de la potentielle déclaration d'indépendance de la part du gouvernement catalan, on peut lire : « La détermination du territoire d'un État membre n'est établie que par le droit constitutionnel national, et non par la décision du parlement d'une communauté autonome contraire à la constitution dudit État. »

La Commission européenne s'est empressée de préciser que le texte anglais était le bon et qu'une enquête interne tenterait de faire la lumière sur la version espagnole, attribuée à une « erreur » commise par un fonctionnaire.

Il était déjà trop tard pour les journaux espagnols, dont El País, La Vanguardia, La Razón, El Periódico, etc., qui s'étaient empressés de publier des extraits de cette « fausse » traduction, comme en fait foi la page couverture du quotidien conservateur madrilène ABC. Même le ministre espagnol des Affaires étrangères s'est fait prendre au jeu en se félicitant de cette « réponse » de l'Europe.

Page couverture du quotidien ABC du 23/09/2015 qui cite la traduction trafiquée :

"L'Europe avertit par écrit que le parlement catalan ne peut pas déclarer l'indépendance"

Alors que certains journaux s'étaient empressés de souligner la réponse (manipulée) de la Commission, ils ont été timides dans leur rectification des faits une fois la supercherie découverte : alors que l'ABC jugeait que la réponse méritait la Une hier, la vérité sur ce texte ne figure qu'en page 26 aujourd'hui...

Il faudra attendre les résultats de l'enquête pour comprendre ce qui s'est passé, mais tout semble indiquer qu'il s'agit bel et bien d'un ajout de la part du traducteur (ou de quelqu'un d'autre). Bien qu'il ne soit pas impossible que la traduction espagnole ait été faite à partir d'une version précédente du texte anglais, cela semble peu probable. D'abord, il serait illogique que le président de la Commission européenne prenne position juste après avoir écrit qu'« il n'appartient pas à la Commission de prendre position ». Ensuite, le paragraphe en question reprend essentiellement ce que le Parti populaire de Fisas Ayxelà (le député qui a posé la question) clame haut et fort depuis des lustres : la constitution espagnole ne permet pas la sécession et prime sur tout droit à l'autodétermination. Ce serait toute une coïncidence que la Commission européenne ait le même discours que le Parti populaire espagnol.

À quelques jours des élections catalanes, il semble que tous les coups sont permis.

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