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«Secondaire en spectacle»: quand les bottines ne suivent pas les babines

incarne toutes les valeurs qui sont chères au monde de l'éducation. Comment peut-on cesser de subventionner une telle entreprise dévouée à compléter parallèlement la mission éducationnelle de l'école québécoise.
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Il y a quelques semaines, certains lecteurs, blogueurs et spécialistes de la critique se sont permis certains commentaires caustiques sur mes propos concernant les Journées de la persévérance scolaire. Je prétendais alors que ces journées étaient une noble initiative, mais que le reste de l'année, le monde de l'éducation adoptait des comportements nuisant davantage à la persévérance...

Ces temps-ci, l'actualité éducative nous est fréquemment d'un bienveillant secours et c'est désormais la saga de l'initiative Secondaire en spectacle qui nous démontre à quel point les décisions prises par le gouvernement détonnent complètement avec les valeurs prônées par les différentes initiatives éducatives qu'il finance lui-même. Et s'il y a une chose que nous réussissons à bien enseigner à nos jeunes, c'est définitivement la nature du paradoxe !

Secondaire en spectacle célébrait, l'an dernier, ses 20 ans ! Durant l'année scolaire 2013-2014, ce sont plus de 250 finales locales qui ont été présentées dans autant d'écoles secondaires provenant de tous les coins du Québec. Ce sont également une trentaine de finales régionales et mène tout droit, pour les gagnants, aux Rendez-vous panquébécois de Secondaire en spectacle.

Mais voilà que, rigueur budgétaire oblige (sic), l'organisme se voit amputé de 40% de son financement.

Une question d'équilibre

Lorsque les élèves s'engagent dans cette voie prônant la saine compétition via la performance et le dépassement de soi, ils s'investissent dans leurs réalisations et voient enfin les idéaux pédagogiques et éducatifs prendre forme, sous leurs yeux, alors qu'ils ont les pieds bien ancrés dans le concret. Car là est la force du programme : dans le pragmatisme. Les élèves sont actifs et vivent à fond leur passion!

Bien sûr, on y valorise les arts et la culture, ce qui amène, de facto, un bel équilibre à la formation générale valorisant essentiellement les sciences, les mathématiques et les langues. On décloisonne les points de repère des jeunes, ceux-là mêmes que nous trouvons trop sédentaires, en leur faisant découvrir le Québec. Nous les forçons à briser les murs de l'isolement et favoriser le réseautage. Ils socialisent et tissent des liens qui leur permettent, ultimement, de participer activement et d'appartenir à une communauté de gens à qui ils ressemblent. En cette époque où l'intimidation semble omniprésente et fait l'objet de surveillance accrue, n'est-il pas cohérent de favoriser les initiatives menant à l'établissement de rapports nouveaux, authentiques et sains entre nos adolescents ?

Réussir là où le milieu scolaire échoue quotidiennement

À un niveau plus pédagogique, Secondaire en spectacle favorise une pléthore d'attributs que le système scolaire peine à développer chez l'élève: l'initiative étudiante, l'autonomisation, la responsabilisation, l'investissement et, éventuellement, la mobilisation et l'appartenance. C'est le reflet d'une pédagogie active dont les idéaux trop théoriques du Programme de Formation de l'école québécoise peinent à rendre concrets et accessibles.

Secondaire en spectacle n'a pas qu'un effet positif sur les élèves artistes eux-mêmes, mais également sur ceux qui les supportent. La fébrilité du milieu et son effervescence créent une excitation et une fierté de tout un chacun envers leurs amis. Le personnel scolaire s'enorgueillit de la démarche de ses protégés alors que les parents découvrent souvent des facettes qui leur sont méconnues de leurs propres enfants. La résultante qui se mesure dans la communauté se traduit par deux mots qui, habituellement, sont synonymes d'étiolement, lorsqu'employés ensemble dans un contexte scolaire : sentiment d'appartenance.

Secondaire en spectacle, c' est la pierre angulaire de l'établissement d'une communauté éducative artistique qui permet aux élèves de laisser libre cours à leur créativité en foulant les planches de salles de spectacle souvent de calibre professionnel. À tout le moins, dans le cas contraire, l'organisme permet à ces derniers de se produire devant leurs propres amis, enseignants, membres de la direction et membres de leur famille. Cette opportunité donne un vrai sens à l'éducation alors qu'elle transcende les murs de l'école.

Incohérence... quand tu nous tiens!

Bref, Secondaire en spectacle incarne toutes les valeurs qui sont chères au monde de l'éducation. Comment peut-on cesser de subventionner une telle entreprise dévouée à compléter parallèlement la mission éducationnelle de l'école québécoise ? Secondaire en spectacle, c'est l'équivalent des Jeux du Québec scolaires, pour la musique chez nos jeunes.

Alors qu'on parle d'école orientante, on sous-estime l'aspect justement orientant d'une telle initiative. Alors qu'on parle de persévérance scolaire, on menace de retirer un des rares moments-phares de l'année scolaire qui suscite la cohésion et l'unanimité au sein des effectifs scolaires. Au risque de me répéter et de jeter de l'huile sur le feu, à quoi bon tenir des journées de la persévérance alors que la semaine suivante, on agit clairement en contradiction avec les idéaux qui sont véhiculés? Une fois de plus, comme le cite Pierre Collerette, spécialiste en gestion du changement institutionnel et professeur à l'Université du Québec en Outaouais, si les gens perçoivent une incohérence entre le discours et les actes, ils s'attardent aux actes. Pour reprendre l'expression consacrée, les bottines ne suivent pas les babines !

Les jeunes aspirent à trouver en leur école, un milieu qui leur ressemble et qui leur offre un éventail de possibilités. Les décisions ministérielles essentiellement budgétaires sont en train non seulement d'avoir une incidence sur le parcours de l'élève, mais en plus, elles exacerbent des situations déjà problématiques liées au décrochage scolaire, à la mobilisation et à la motivation scolaire ainsi qu'au niveau d'investissement de l'élève au sein de sa propre démarche éducative. Les prétentions ministérielles de sabrer dans les dépenses en présumant que les élèves ne seraient pas affectés ont fait rigoler bon nombre d'intervenants scolaires. Considérer l'éducation comme un simple poste budgétaire équivaut à monnayer ce qui n'a simplement pas de prix.

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