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La culpabilité féminine est une valise de roches

En revanche, je crois qu’apprendre à ma fille à maîtriser le #mefirst le plus tôt possible est possiblement un des plus précieux cadeaux que je peux lui offrir, en tant que femme.
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C'est presque la fin de la relâche. Nous sommes avec papy et mamie au Whiteface Lodge à Lake Placid, notre destination hivernale familiale préférée depuis plusieurs années. Je demande à fiston, 11 ans :

  • As-tu envie d'aller glisser?
  • Non

Je demande à ma fille, même âge:

  • Veux-tu qu'on aille faire une randonnée en forêt comme il y a deux ans?
  • Ben... je sais pas.
  • Tu n'arrêtais pas de m'en parler, c'est maintenant ou jamais!
  • Ben... je sais pas.

Je sais pas est la réponse favorite de notre fille. C'est sa façon de dire non. Sinon, elle a aussi le 'OK'. Le OK, c'est un oui, mais sans action qui suit. Pas moyen d'avoir une réponse catégorique. Jumeau et jumelle de mêmes parents, fiston est très clair dans ses réponses et ma fille, presque toujours hésitante (sauf si c'est clairement en sa faveur). Du coup, j'ai réalisé durant cette relâche scolaire que ma fille a hérité du gène très féminin qui veut qu'on plaise à tout le monde, tout le temps. Si un NON pouvait blesser, c'est tellement plus facile de répondre, « je ne sais pas ». Maudite culpabilité féminine. D'où ça vient exactement? La culpabilité féminine est une valise de roches. Ça ne sert absolument à rien et ça ralentit notre évolution. Devenir mère multiplie le poids de la valise. Du moment que tu tombes enceinte, tu comprends le sens des mots inquiétude, responsabilité et... culpabilité. Fini l'insouciance de traîner au spa sans se demander si on a tout pour le souper.

Je ramenais un gros salaire, sécurité et avantages sociaux à la maison, mais là n'était pas la mesure de ma qualité en tant que femme.

Quand je voyageais beaucoup par affaire alors que les petits étaient... petits, si j'avais le malheur de réaliser comme j'étais bien dans ma chambre d'hôtel, le sentiment était tout de suite suivi d'un fort sentiment de culpabilité. Quelle honte d'apprécier ma liberté alors que l'homme est dans les couches à la maison. Quelle mère épouvantable je suis. Quel bagage est-ce que je laisse à mes enfants? Devrais-je les appeler pour voir si tout va bien? Je ramenais un gros salaire, sécurité et avantages sociaux à la maison, mais là n'était pas la mesure de ma qualité en tant que femme. Mère d'abord, femme de carrière ensuite.

Après tous les #metoo des derniers mois, j'ai donc le goût de parler du #mefirst. On semble penser qu'une mère, qu'une femme égoïste est à peu près le plus bas dans l'échelle humaine qu'il est possible d'être. Mais ma fille doit apprendre à répondre par un vrai NON si elle ne veut pas finir en #metoo un jour, elle aussi. Une partie de notre problème est que ce besoin de plaire, d'être jolie, polie, bien élevée, gentille et accommodante nous met dans une position dangereuse. Moi qui me croyais pourtant un exemple de femme forte et indépendante pour ma fille, je n'ai pas encore réussi à lui inculquer l'importance de pouvoir déplaire. Le pouvoir de s'exprimer librement, de déplaire c'est comme le pouvoir de voter. Il faut l'exercer sinon on crache sur notre propre liberté.

C'est en raison des « je ne sais pas » qu'on se retrouve parfois à faire quelque chose qu'on n'avait pas du tout envie de faire.

C'est en raison des « je ne sais pas » qu'on se retrouve parfois à faire quelque chose qu'on n'avait pas du tout envie de faire. Je fais partie des coupables. Je suis experte dans l'art de l'évitement de conflit. Ma fille a appris de quelqu'un après tout (et vlan...une roche de plus dans la valise!). Il est très ardu d'effacer des décennies de politesse auto-imposée. Il faut d'abord être capable de discerner la petite voix du jugement qui nous empoisonne la vie. Ça n'aide en rien que la culture québécoise n'est pas très à l'aise avec le débat. Dire non, c'est aussi être prêt à justifier pourquoi.

Parents, je vous suggère donc d'encourager le non catégorique. C'est un art que les enfants maîtrisent si bien quand ils ont trois ou quatre ans, il faut savoir le cultiver. Plutôt que de leur faire comprendre que ça fait de la peine à papa, à maman, aux petits amis. Surtout ne pas utiliser la culpabilité comme arme fatale. Parce que ce sont là les premiers cailloux dans la maudite valise de roches. Pourquoi mon garçon le maîtrise aussi bien alors que ma fille navigue déjà en eaux troubles, je n'en ai aucune idée. En revanche, je crois qu'apprendre à ma fille à maîtriser le #mefirst le plus tôt possible est possiblement un des plus précieux cadeaux que je peux lui offrir, en tant que femme.

Avril 2018

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