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Festival de Cannes: Dolan, le petit roi de la Croisette

Xavier Dolan doit savourer l'accueil enthousiaste de la presse internationale dont bénéficié son 5e long métrage. Annoncé comme un film «foisonnant et baroque» par Thierry Frémaux lors de l'annonce de la sélection de cette 67e édition du Festival de Cannes,porte bien la marque du jeune prodige du cinéma québécois.
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Alors qu'il pleut des cordes ce matin sur la Croisette, Xavier Dolan doit savourer l'accueil enthousiaste de la presse internationale dont bénéficié son cinquième long métrage, Mommy. Annoncé comme un film « foisonnant et baroque » par Thierry Frémaux lors de l'annonce de la sélection de cette 67e édition du Festival de Cannes, Mommy porte bien la marque du jeune prodige du cinéma québécois. Pour le meilleur et pour le pire.

Tourné en format 1 :1, lequel se modifie au gré des bonheurs et malheurs que vivent les personnages, effet de style racoleur ayant séduit une bonne partie de la salle, Mommy met en scène Die (l'impériale Anne Dorval mode puissance mille), vulgaire veuve au look clinquant, qui décide d'éduquer Steve (Antoine Olivier Pilon, dont les nombreuses mimiques et grimaces rappellent celles de McCauley Culkin dans Home Alone), son fils atteint d'un TDAH, qui vient d'être viré du collège après y avoir mis le feu. Un jour que ce dernier est sur le point de tuer sa mère, entre en scène la douce et timide Kyla (Suzanne Clément, véritable oasis de paix dans cet univers de bruit et de fureur), enseignante en année sabbatique s'exprimant en bégayant depuis qu'elle a vécu un grand traumatisme.

S'inspirant du Sweet Sixteen de Ken Loach, Xavier Dolan livre un film haut en couleurs sur les difficultés de l'adolescence et de la maternité avec des personnages semblant provenir de l'imaginaire d'Almodovar. Dans certaines séquences au ralenti, où Steve se promène sur son longboard, Dolan paraît également emprunter à Gus Van Sant; bien que d'un lyrisme indéniable, ces séquences apportent cependant peu au récit. D'une direction artistique où le cinéaste s'amuse à multiplier les fautes de goût, particulièrement chez le personnage de Dorval, Mommy se révèle un choc esthétique pour la rétine que la photographie d'André Turpin parvient à modérer. Ainsi, malgré les coiffures, maquillages et tenues vestimentaires tape-à-l'oeil, jamais Anne Dorval et Suzanne Clément n'auront été aussi belles au grand écran.

J'ai encore tué ma mère

À voir évoluer ce triangle amoureux maternel, on jurerait que Xavier Dolan, fort de son expérience et de moyens plus imposants qu'à ses débuts, a voulu s'offrir un second J'ai tué ma mère, film créé dans l'urgence et annonciateur d'un talent fulgurant. Si le premier était d'une sincérité désarmante, le second, dont l'exubérance n'est pas sans rappeler celle de Laurence Anyways, fait montre d'une esbroufe qui amoindrit le drame vécu par les protagonistes, privant par instants le spectateur de développer de l'empathie pour eux.

Parmi les nombreux talents de Dolan, l'un de ses plus grands est sans doute celui de pondre des dialogues d'une diabolique efficacité... et de trouver des acteurs pouvant se les mettre en bouche avec aisance. Or, dans les joutes verbales infernales de Mommy où fusent les répliques assassines à mes lieues de la langue châtiée de Dolan, on frise parfois le cabotinage embarrassant, pour ne pas dire l'hystérie. Mus par un trop-plein d'émotions, les personnages paraissent parler sans réfléchir, sans réellement s'écouter. Vient alors le désagréable sentiment que tout tourne à vide.

S'il a peaufiné ses répliques, le scénariste/réalisateur a quelque peu négligé certaines intrigues, notamment celle impliquant le personnage incarné par Patrick Huard. Il est d'autant plus étrange que cette intrigue, à propos d'une poursuite contre Die et son fils, soit rapidement évacuée, Dolan ayant étiré son récit sur deux heures et quart... À trop vouloir en mettre plein la vue, aurait-il oublié d'étoffer sa réflexion sur les amours tendues entre une mère et son fils et de soigner sa chute?

Dans cette compétition plutôt sage, où se démarquent les Dardenne, Kawase, Ceylan et Miller, Mommy a fait figure d'électrochoc hier soir. Il n'est donc pas surprenant que bon nombre de journalistes voient déjà Xavier Dolan comme le plus jeune lauréat de la Palme d'or, devançant Steven Soderbergh qui avait 26 ans au moment de la remporter pour Sex, Lies and Videotape. L'onde de choc frappera-t-elle Jane Campion et son jury? On le saura enfin samedi.

Pourquoi tant de haine?

Il serait fort surprenant que Michel Hazanavicius (The Artist) voit son drame de guerre The Search, remake du film de Fred Zinneman de 1948, recevoir quelconque prix à la soirée de clôture. Tourné de façon impersonnelle comme une banale télésérie américaine, The Search suit le destin d'un jeune soldat russe (Maxim Emelianov, par moments terrifiant) qui découvre les horreurs de la guerre de Tchétchénie, d'un garçon tchétchène de 9 ans (Abdul Khalim Mamatsuevi, d'une gravité troublante) ayant fui son village avec d'autres réfugiés, de sa sœur partie à sa recherche (Zukhra Duishvill, émouvante) et d'une chargée de mission pour l'Union européenne (Bérénice Bejo, correcte). D'un traitement mélodramatique, raconté de façon manichéenne, peuplé de personnages unidimensionnels, The Search a récolté le pire accueil de tous les films en compétition. Pas le meilleur film vu cette année, mais pas le navet annoncé non plus.

JLG 3D

Si Jean-Luc Godard s'était pointé au Grand Théâtre Lumière hier après-midi pour l'unique projection d'Adieu au langage, il aurait pu constater qu'il a encore plusieurs inconditionnels : « Jean-Luc Forever! », ont crié des fans. Pour apprécier un tant soit peu ce film expérimental divisé en deux chapitres (La nature et La métaphore), où le vénérable cinéaste fait rimer philosophie avec scatologie, il faut vraiment éprouver un amour presque aveugle envers son œuvre. Avec des effets 3D, parfois ludiques, qui donnent plus souvent qu'autrement mal à la tête, Adieu au langage nous fait pénétrer dans l'intimité d'une femme et de son nouvel amant, de l'ex de la première et d'un chien. Tandis que Godard bombarde le spectateur de réflexions philosophiques sur un ton décalé, celui-ci est agressé par la laideur des images et le montage à la tronçonneuse qui composent ce lassant « essai d'investigation littéraire ». Un prix spécial à l'horizon? Un adieu aux images serait plus souhaitable.

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Des gifs du film Mommy de Xavier Dolan

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