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La lutte contre les inégalités: le défi du prochain président du Pérou

Malgré des taux de croissance qui font l'envie d'un bon nombre de pays latino-américains, le Pérou est lui aussi en proie à d'importantes inégalités.
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Le 10 avril prochain, les électeurs péruviens seront appelés aux urnes à l'occasion des élections générales. Ils éliront notamment le successeur du président Ollanta Humala, au pouvoir depuis 2011, et qui ne peut pas briguer un second mandat consécutif, conformément à la Constitution.

Durant sa présidence, Ollanta Humala aura réussi à préserver la croissance du pays - 6 % en moyenne sur la dernière décennie - alors que la région de l'Amérique latine et des Caraïbes est en récession. En effet, en 2015, l'économie de la région s'est contractée de 0,9 % tandis que le Pérou affichait un taux de croissance de 2,7 %. Toutefois, le pays reste marqué par de profondes inégalités, auxquelles le prochain chef de l'État devra apporter des solutions durables pour faciliter l'intégration sociale.

Ollanta Humala : une présidence sous le signe de la croissance...

C'est dans le contexte d'une consolidation de la gauche au pouvoir en Amérique du Sud que les Péruviens ont élu Ollanta Humala à la présidence de la république en juin 2011. Le candidat de la grande coalition de partis de gauche, Gana Perú, a ainsi été élu sur la base d'un programme qui proposait, entre autres, une plus grande intervention de l'État dans l'économie et une répartition plus juste des fruits de la croissance économique.

À son arrivée au pouvoir, le Pérou, qui s'était engagé dans la voie du libéralisme dans les années 1990, affichait de bonnes statistiques économiques selon la Banque mondiale, avec une croissance estimée à 6,5 % en 2011. Les premières années de la présidence de M. Humala ont été marquées par une poursuite de la croissance économique avec un PIB qui a atteint 203 milliards $ US en 2014. Ceci a été accompagné d'une baisse du taux de chômage de 7,7 % à 5,9 % entre 2011 et 2014 - même si cette baisse est à nuancer, car une bonne partie de la population travaille dans le secteur informel - et d'une diminution du ratio de la dette publique par rapport au PIB, de 22,1 % à 20,1 % sur la même période.

Au moment où l'Amérique du Sud traverse une période de récession, le Pérou est l'un des rares pays de la région à tirer son épingle du jeu et à se maintenir dans la voie de la croissance, notamment en raison de sa forte industrie minière.

En effet, au cours de la dernière décennie, le Pérou a su tirer profit de ses nombreuses ressources minières, dont l'or, l'argent, le cuivre, le zinc et le plomb. En 2001, l'industrie minière, qui a été privatisée dans les années 1990, représentait 5 % du PIB, alors que cette proportion s'élevait à 12 % en 2011 et à plus de 14 % en 2014. Ce secteur a donc contribué à la diminution de la pauvreté, dont le taux est passé de 27,8 % à 22,7 % entre 2011 et 2014, selon la Banque mondiale.

... mais une croissance inéquitable

Même s'il a permis une réduction de la pauvreté, ce dynamisme économique péruvien reste à nuancer pour deux raisons essentielles.

D'abord, malgré des taux de croissance qui font l'envie d'un bon nombre de pays latino-américains, le Pérou, tout comme plusieurs pays de la région, est lui aussi en proie à d'importantes inégalités. Ces dernières ont certes diminué, mais très faiblement. Ainsi, le coefficient de Gini du pays est passé, entre 2011 et 2013, de 0,45 à 0,44 selon la Banque mondiale. Ces inégalités sont non seulement géographiques - le milieu rural demeure défavorisé par rapport au milieu urbain - mais aussi ethniques, puisque les populations indigènes et noires sont plus défavorisées que la population «blanche».

Ensuite, si elle contribue activement à la croissance économique du pays, l'exploitation minière est souvent pointée du doigt par la population pour ses répercussions sociales et environnementales, comme l'illustrent les manifestations contre le projet minier de Las Bambas.

En effet, depuis septembre 2015, les populations des régions environnantes de la mine de cuivre de Las Bambas - une des plus importantes du pays - manifestent contre les risques de pollution de ce projet mené par le consortium australo-chinois MMG et dont les investissements sont estimés à 10 milliards $ US. Les affrontements avec les forces de l'ordre ont fait quatre morts et une vingtaine de blessés, ce qui a poussé le gouvernement à décréter l'état d'urgence dans six départements.

Ce type d'événement, qui n'est pas un cas isolé au Pérou, montre toute la complexité à vouloir développer l'exploitation minière pour consolider l'économie du pays, tout en prenant en compte les attentes des populations locales au niveaux social et environnemental. C'est notamment à cet enjeu que devra s'atteler la ou le successeur d'Ollanta Humala.

Keiko Fujimori, prochaine présidente du Pérou ?

Selon les différents sondages menés jusqu'à présent, Keiko Fujimori semble bien placée pour remporter la prochaine élection présidentielle. La fille de l'ancien chef de l'État entre 1990 et 2000, Alberto Fujimori, - condamné à 25 ans de prison en 2009 pour violation des droits de l'homme et à sept ans pour corruption - et candidate du parti Force populaire arrive en tête des sondages au premier comme au second tour - prévu le 5 juin 2016 - devant ses principaux rivaux que sont Julio Guzman et Pedro Pablo Kuczynski.

Candidate malheureuse en 2011 - battue de justesse par Ollanta Humala au second tour , Keiko Fujimori a dû faire face aux critiques et à la méfiance d'une partie de la population en raison de la présidence controversée de son père, mais elle réitère fréquemment qu'elle est différente de ce dernier. Récemment, elle n'a pas hésité à avouer que le règne de son père avait été marqué par beaucoup de corruption et des violations des droits de l'homme. Au-delà de la nécessité d'une plus grande répartition des richesses, ses priorités de campagne sont la lutte contre la criminalité et la corruption, l'emploi des jeunes et l'accès à l'eau, notamment dans les zones reculées.

En définitive, la victoire de Keiko Fujimori serait une première au Pérou - le pays n'a jamais été dirigé par une femme - et elle hériterait d'un pays avec une bonne croissance économique au moment où ses voisins sont en récession.

Sur la dimension symbolique, les pays d'Amérique du Sud nous ont déjà habitués à élire des femmes au poste suprême - Dilma Rousseff au Brésil, Michelle Bachelet au Chili et Cristina Fernández de Kirchner en Argentine, entre autres - et l'élection de Keiko Fujimori serait une revanche sur l'histoire pour cette Péruvienne d'origine japonaise, qui aurait ainsi l'occasion de laisser un meilleur héritage politique au Pérou que celui de son père, Alberto Fujimori.

Par ailleurs, la décision du président Ollanta Humala de ne pas briguer un second mandat, conformément à la loi constitutionnelle, contribue dans une certaine mesure à la consolidation de la démocratie péruvienne. Il est intéressant de souligner ceci au moment où son homologue bolivien, Evo Morales, a récemment organisé un référendum constitutionnel qui, si l'option du «oui» l'avait emportée, aurait autorisé le président à être candidat pour un quatrième mandat consécutif à l'élection présidentielle de 2019.

Par Mamadou Lamine Sarr, candidat au doctorat en science politique et auxiliaire de recherche au Centre d'études interaméricaines.

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